Au moins quarante civils et militaires maliens ont été assassinés lors de l’attaque de villages dogons dans le centre du pays. L’attaque a duré plusieurs heures et a été suivie d’une embuscade contre des soldats.
L’attaque aura duré plusieurs heures. Des heures pendant lesquelles la rage meurtrière d’hommes armés a fait plus de quarante morts parmi les civils et les soldats maliens dans des villages dogons du centre du pays, mercredi 1er et jeudi 2 juillet.
Ces événements survenus au Mali dans le secteur de Bankass, près de la frontière du Burkina Faso, illustrent une fois de plus le cycle de violences jihadistes et communautaires au Sahel et dans le pays, malgré l’intervention de forces onusiennes, africaines et françaises.
Le centre du Mali, et notamment cette région de Mopti, la grande ville à quelque 600 kilomètres de la capitale Bamako, est l’un des principaux foyers des violences parties du Nord en 2012 et qui se sont propagées depuis 2015 vers le sud du pays, mais aussi au Burkina Faso et au Niger voisins.
Elles sont dans cette région le fait de groupes armés, parfois « d’autodéfense », et jihadistes, opposant aussi les communautés.
C’est dans le même secteur de Bankass qu’une trentaine de villageois avaient été tués en février à Ogossagou, où 160 civils avaient déjà été massacrés le 23 mars 2019 – il s’agissait alors de Peuls, et non de Dogons comme cette fois.
On ignore pour l’instant qui est derrière ces nouveaux carnages.
Actes « barbares »
Mercredi, des hommes armés en tenue de combat et montés sur des pick-up ont attaqué quatre villages dogons où ils ont semé la mort du milieu de l’après-midi jusqu’au début de la nuit, a dit vendredi un responsable local joint par téléphone et s’exprimant sous couvert de l’anonymat pour des raisons de sécurité.
L’attaque a fait « au moins 30 morts, dont des femmes, des enfants, des vieillards (et) de nombreux disparus », a-t-il dit. Un haut représentant de l’administration s’exprimant lui aussi sous couvert de l’anonymat a fait état d’actes « barbares ».
Une organisation de défense des Dogons a accusé les Peuls, sans que rien ne permette de corroborer de manière indépendante ces accusations.
Les différents comptes-rendus retracent un déroulement familier, avec des assaillants traquant des villageois livrés à eux-mêmes, incendiant cases et greniers et pratiquant le pillage.
Le premier poste militaire se trouve à des kilomètres de là, à Sokoura.
« De 15 h à 21 h, personne n’est venu à notre secours. Je déplore l’inaction de l’armée qui est toujours en retard et n’affronte jamais les bandits même si on leur dit où (ils) se logent », a témoigné auprès de l’AFP Youssouf Tiessougue, notable de Gouari, l’un des villages.
Soldats tombés dans une embuscade
Un détachement s’est rendu sur place le soir même et a participé à l’enterrement de 31 corps avant de repartir, a indiqué le porte-parole de l’armée, le colonel Diarran Koné.
L’armée a de nouveau été dépêchée sur place le lendemain à la suite d’informations sur une nouvelle attaque, a-t-il dit. À son arrivée, « aux environs de 20 h, le village semblait désert, il n’y avait aucun signe de vie pratiquement ». C’est alors que les soldats sont tombés dans une embuscade, a-t-il relaté en se gardant de dire qui en seraient les auteurs. « Nous déplorons neuf morts et deux blessés, et nous avons aussi enregistré du matériel détruit ».
Depuis l’apparition en 2015 de groupes armés, à commencer par celui de l’imam radical peul Amadou Koufa affilié à Al-Qaïda, le centre du Mali est le théâtre d’exactions en tous genres : attaques contre le peu qu’il reste de l’État, massacres, représailles et actes crapuleux.
Les violences ont pris un caractère communautaire accru, surtout entre Dogons et Peuls, souvent assimilés aux jihadistes, le groupe d’Amadou Koufa recrutant prioritairement parmi cette communauté.
À ces violences s’ajoutent les exactions des forces de sécurité contre les civils, Peuls surtout, selon le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme (HCDH). En tout, 580 personnes ont été tuées dans le centre au premier semestre, selon le HCDH.
Les violences au Mali ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés depuis 2012.