Les bureaux de vote ont fermé officiellement à 18H00 (GMT et locales) le dimanche 18 octobre à l’issue du premier tour de la présidentielle guinéenne, avant que ne soient brisés les sceaux de milliers d’urnes transparentes réparties à travers le pays pour procéder au dépouillement.
Des incidents sans extrême gravité apparente ont été rapportés de province et de premières irrégularités dénoncées par l’opposition.
Mais c’est surtout la publication de résultats, qu’elle soit le fait du gouvernement ou de l’opposition, que les Guinéens envisagent avec appréhension, tant l’animosité et la méfiance sont grandes entre les camps des deux principaux candidats.
Une proclamation d’un résultat global par les organes électoraux officiels devrait prendre quelques jours au moins. Mais l’un des risques est que le camp d’Alpha Condé ou celui de son challenger, Cellou Dalein Diallo, ne prenne les devants en invoquant ses propres données remontées du terrain, y compris pour revendiquer une victoire dès le premier tour, provoquant les protestations de la partie adverse avec des conséquences imprévisibles.
Une campagne tendue
Cette élection suscite l’inquiétude de la communauté internationale. Après une campagne vindicative et fiévreuse, le premier tour de la présidentielle se tenait dans un climat de tension extrême alimenté par la contestation contre le candidature d’Alpha Condé, élu en 2010 et réélu en 2015.
La dernière ligne droite de le campagne a en effet été marquée par de nombreux incidents dans ce pays où la confrontation politique violente et l’instrumentalisation des questions ethniques sont monnaie courante. Les jours précédant le vote ont été émaillés d’attaques personnelles, d’obstructions et de heurts qui ont fait plusieurs blessés entre militants des deux principaux concurrents, Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo.
« Inquiétudes pour la paix »
« La stratégie aujourd’hui qui est en train d’être élaborée, hélas, de l’autre côté, c’est comment tricher. Parce que M. Alpha Condé ne peut pas renoncer à son désir de s’octroyer une présidence à vie », a dit Cellou Dalein Diallo, qui ne veut pas revivre ses échecs de 2010 et 2015.
Pendant des mois, l’opposition s’est mobilisée contre la perspective d’un troisième mandat d’Alpha Condé. La contestation, lancée en octobre 2019, a été durement réprimée. Des dizaines de civils ont été tués.
Le nombre de mandats présidentiels est limité à deux. Mais pour Alpha Condé, la Constitution qu’il a fait adopter en mars pour, dit-il, moderniser le pays remet son compteur à zéro.
Le ministre de la Sécurité s’est déclaré « inquiet des déclarations du leader de l’UFDG, qui disait que, s’il ne gagnait pas, il ne reconnaîtrait pas les résultats et n’appellerait pas à l’apaisement ».
« On veut la paix, pas la bagarre », confiait pour sa part Mohamed Fodé Camara, un électeur du quartier de Kaloum, en disant « craindre le jour de la proclamation des résultats ».
« Tourner la page »
Près de cinq millions et demi de Guinéens étaient appelés à choisir parmi douze candidats et candidates pour diriger ce pays de 12 à 13 millions d’habitants, parmi les plus pauvres du monde malgré ses immenses ressources naturelles.
L’issue devrait se jouer entre Alpha Condé, 82 ans, et Cellou Dalein Diallo, 68 ans. L’un sanguin, l’autre policé, ils s’étaient affrontés en 2010, premières élections jugées démocratiques après des décennies de régimes autoritaires, puis en 2015.
Ancien opposant historique devenu en 2010 le premier président démocratiquement élu après des années de régimes autoritaires, Alpha Condé revendique d’avoir redressé un pays qu’il avait trouvé en ruines et d’avoir fait avancer les droits humains.
Cellou Dalein Diallo propose de « tourner la page cauchemardesque de 10 ans de mensonges », fustigeant répression policière, corruption, chômage des jeunes et pauvreté.
Le vote guinéen ouvre un cycle dense de présidentielles en Afrique de l’Ouest scruté avec anxiété par les défenseurs de la démocratie, alarmés par les reculs de leur cause dans une sous-région autrefois jugée pionnière.
Le recours aux distorsions électorales ou aux modifications constitutionnelles figure parmi leurs sujets de préoccupation, avec les restrictions à la vie citoyenne, les arrestations arbitraires ou les actes de répression.
Dès le 31 octobre, la présidentielle en Côte d’Ivoire, où le sortant Alassane Ouattara postule également à un troisième mandat controversé, s’annonce elle aussi à hauts risques. Des présidentielles sont également prévues d’ici à fin 2020 au Burkina Faso, au Ghana et au Niger.