Plusieurs quartiers de Bamako étaient encore secoués par des rassemblements spontanés d’opposants, dimanche, quelques heures après l’appel au calme lancé par l’imam à la tête de la coalition demandant un changement de pouvoir au Mali.
Le bras de fer entre le pouvoir malien et les partisans de la coalition d’opposition continuait dans les rues de Bamako, dimanche 12 juillet, malgré les appels au calme lancés dans l’après-midi par l’imam Mahmoud Dicko. Ce dernier, figure centrale de la coalition d’opposition dite du 5-juin, avait appelé ses partisans à ne « pas tomber dans le piège de la violence » après deux jours de troubles sanglants.
Les correspondants de l’agence AFP à Bamako faisaient néanmoins état de regroupements spontanés de centaines de personnes dans la rue, tandis que des axes importants étaient coupés par des barrages ou des pneus brûlés. Un tribunal et un siège de quartier du parti présidentiel, symboles du pouvoir, ont également été saccagés selon les mêmes sources.
Pas de confrontation directe entre Bamakois et forces de sécurité tirant à balles réelles comme les jours précédents, mais une situation volatile lourde de menaces.
Dans le quartier de Badalabougou, un calme précaire est revenu. Des centaines de fidèles se sont pressés dans la vaste salle aux colonnes vertes de la mosquée et à l’extérieur pour les funérailles de quatre défunts.
Au moins sept morts dans des heurts
C’est autour de la mosquée où prêche l’imam Mahmoud Dicko que se sont déroulés samedi soir les affrontements les plus sanglants. Ses partisans en ont transformé les abords en camp retranché, inquiets que les forces de sécurité ne viennent l’arrêter comme d’autres leaders de la contestation depuis vendredi.
Depuis vendredi, au moins sept personnes ont été tuées selon des sources hospitalières. Le camp de l’imam Dicko fait état d’un bilan bien plus lourd et a diffusé des vidéos violentes présentées comme tournées pendant les évènements, mais qui n’ont pas pu être identifiées indépendamment par l’AFP.
L’imam, personnalité nationale très écoutée et bête noire du pouvoir, a appelé au calme.
« Je demande encore une fois à la jeunesse malienne de faire preuve de retenue et de calme », a-t-il dit à un correspondant de l’AFP.
« La lutte continue », pour la « refondation » du Mali et contre « la corruption endémique qui est en train aujourd’hui de mettre notre pays à genoux », a-t-il ajouté, mais elle doit continuer « dans la patience » et les « bonnes manières ».
À qui la faute
La capitale, préservée en temps normal par les violences jihadistes et intercommunautaires qui endeuillent le nord et le centre du pays, est la proie depuis vendredi de ses troubles civils les plus graves depuis des années.
Les tensions sont allées s’intensifiant depuis les législatives de mars-avril. Une coalition hétéroclite de leaders religieux, de personnalités du monde politique et de la société civile s’est agglomérée autour de l’imam Dicko pour porter la protestation.
Ce mouvement dit du 5-Juin canalise une multitude de mécontentements dans l’un des pays les plus pauvres du monde : contre la dégradation sécuritaire et l’incapacité à y faire face, le marasme économique, la défaillance de l’État, ou le discrédit répandu d’institutions suspectes de corruption.
Vendredi, le mouvement est entré selon ses mots en « désobéissance civile », frustré par les réponses successives du président à des exigences radicales : dissolution du Parlement, démission des juges de la Cour constitutionnelle, formation d’un gouvernement dont il nommerait le Premier ministre et, au bout du compte, départ du président.
Le mouvement dit être pacifique et accuse le pouvoir des violences.
Alliés et voisins inquiets
Des leaders qui n’ont pas été arrêtés semblent se cacher. Le contrôle que le mouvement exerce encore sur la contestation n’est pas clair, pas plus que l’effet qu’aura à plus long terme l’appel à la retenue lancé par l’imam Dicko.
La décision de la Cour constitutionnelle d’invalider une trentaine de résultats des législatives passe pour un élément déclencheur de la contestation.
Samedi soir, dans sa quatrième allocution en un mois, le chef de l’État a annoncé la dissolution de la Cour. Il a aussi ouvert la voie à des législatives partielles là où la Cour a invalidé les résultats, suivant en cela les recommandations d’une mission de bons offices des États ouest-africains.
L’escalade en cours alarme en effet les alliés du Mali, inquiets d’un élément déstabilisateur de plus dans un pays confronté au jihadisme et à une série de défis majeurs, dans une région elle-même tourmentée.