Dakarmidi- Il y a peut-être des visages de personnes appartenant à la classe des élus de Dieu qui nous ont marqués. Leurs noms évoqués suffisent pour apaiser certaines âmes apathiques. Et nous voudrions bien comprendre davantage ces hommes. Voici quelqu’un parmi eux du nom de Serigne Mouhamadou Fadilou Mbacké, digne fils de l’illustre Serigne Touba.
Il est le second khalife des mourides qui succéda à Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké, appartenant à une famille religieuse de grands érudits qui a donné plusieurs imams à Touba.
L’hagiographie mouride rapporte la naissance de Cheikh Mouhamadou FADILOU à 7 mois de celle de Cheikh Mouhamadou Moustapha son aîné, soit le 27 du mois de Rajab qui coïncide précisément avec le jour du voyage nocturne (Al Isrâ ) et l’ascension ( Wal Mihrâj ).
Cette naissance a eu lieu à Darou Salam en l’an 1305 de l’hégire du Prophète (PSL) soit 1887/88 de l’an romain. Sa mère s’appelait Sokhna Awa Bousso et est originaire de Affé dans le Sud du Djoloff.
Il entama ses études coraniques chez Serigne Dame Abdou Rahmane LO à Darou Halimou-l-Kabîr, village plus connu sous le nom de Ndame. Il effectuera plus tard le « Tadjid » (ou l’art de comprendre le texte coranique) avec son oncle Mame Mor Diaara puis avec Mame Thierno Birahim.
Il habitait avec son père à Mbacké-Bâri et faisait aussi partie de ceux qui l’avaient rejoint à son exil à Thiéyéne. C’est là-bas que le Cheikh, l’ayant un jour réuni avec son frère Cheikh Mouhamadou Moustapha et son cousin Mor Rokhaya BOUSSO leur tint ce discours : « Je ne suis le père, ni le frère, ni l’oncle d’aucun d’entre vous. Je suis une créature vouée au Service de son Seigneur. Et ceux d’entre vous qui auront choisi de suivre le chemin tracé par mon Seigneur, ceux-là seuls, seront mes fils, mes frères, mes neveux, mes talibés », C’est ce jour-là qu’il renouvela son serment d’allégeance et son engagement indéfectible de demeurer au service du Cheikh pour la FACE de l’Eternel. C’est pourquoi il déclara dans un poème : « Nos espérances reposent en toi, ô toi qui nous a ouvert les portes de la Félicité. Je t’échange en ce jour mon rang de fils en contrepartie de l’honneur d’être ton disciple. Et quand tu daigneras me gratifier de cet honneur insigne je te prierai de l’accepter comme mon offrande de disciple ».
Après quatre années de séjour en Mauritanie Cheikh Mouhamadou FADILOU restera encore avec son père à Thiéyène puis à DIOURBEL à partir de 1912. Il est rapporté que de là en 1927, date de la disparition du Cheikh, il fit de mémoire 28 copies reliées du Saint Coran dont il fit don à son père. Il lui offrit également sa maison, sise alors avenue de la gare à DIOURBEL, qui était une belle demeure couverte de tuiles rouges avec, à chaque angle, le signe de l’étoile et du croissant. Le Serviteur du Prophète lui exprima ce jour-là sa reconnaissance à travers un verset qui accordait à DIEU Seul le pouvoir de le récompenser. C’est également à l’issue de ses recherches que la carrière de Ndock fut découverte et que le Cheikh lui assignat comme but de sa vie l’édification de la Mosquée de TOUBA. Huit mois après la disparition de son père, Cheikh Mouhamadou FADILOU entreprit le Pèlerinage aux lieux Saints de l’Islam en compagnie de ses oncles Mame Cheikh Anta Mbacké et Serigne Mbacké Bousso, de El Hadj Mayoro Fall, Serigne Moulaye Bousso, Serigne Mandiaye Diop et de Serigne Ibrahima Dia.
Les liens qui unissaient Serigne Fallou et la Famille de Cheikhoul Khadim dépassaient le cadre de la consanguinité. En 1945, Serigne Fallou, devenu second khalife, se plongea corps et âme dans la poursuite des travaux de la Grande Mosquée. Il eut l’insigne bonheur, le 7 Juin 1963, d’en procéder à l’inauguration et d’y diriger la première prière. Son khalifat est encore évoqué de nos jours comme une période particulièrement faste pour le pays. Tous les Sénégalais, toutes confessions et toutes ethnies confondues, le considèrent comme un vrai thaumaturge, un homme qui a reçu du Créateur le pouvoir de faire des miracles.
Il était aussi très généreux, bien qu’il ait été le khalif général des mourides avec plusieurs milliards qui passaient par ses mains et la construction de la grande mosquée de Touba dont il a poursuivi et achevé, à son rappel à Dieu, il n’a laissé comme héritage en argent à ses enfants que 800.000 fcfa.
Il a hérité de son père le surnom de « Na ame mou am, doufi am dou am ».
En effet, Fallou était supposé être crédité du don de voir se réaliser toutes les prières qu’il formulait, comme s’il donnait des ordres aux éléments. Il entretenait des relations très affectives avec les individus
. Son mausolée est l’un des plus visités à la grande mosquée de Touba.
Sous le Ndigueul de son père et guide, Serigne Fallou a fondé plusieurs villages : NDINDY (1913) , BOGOREL (1914) , MBEPP(1930) , MERINA BOBO(1932) , KHAYANE(1938) , TOUBA MERINA(1948) , NAYROUL MARAME(1952) , ALIYEU(1950) , TOUBA SOURANG(1961) , TOUBA BOGO(1962).
Serigne Fallou a relancé avec une abnégation sans commune mesure la reprise des travaux de la grande mosquée qui ont même fait l’objet de procès judiciaires à l’époque. C’est dans ces durs moments de recherche de solutions qu’un certain Léopold Senghor arriva dans la cité sainte de Touba pour solliciter les prières de Serigne Fallou pour être élu député du Sénégal à l’Assemblée Nationale Française. Serigne Fallou obsédé par l’achèvement de la construction de la grande Mosquée de Touba, lui garantit qu’il remportera toute élection souhaitée si une fois élu il aidera les mourides à accomplir leur mission la plus noble. Senghor devint ainsi député noir et plus tard Président de la République du Sénégal, fonction qui eut davantage nourri et raffermi leurs cordiales relations. Serigne Fallou a été aussi l’inventeur des cérémonies officielles pendant le Grand Magal de Touba, une activité reprise par toutes les familles religieuses du Sénégal car étant une occasion d’échanges entre le spirituel et le temporel, autrement dit entre les chefs religieux, les représentants de l’Etat et les différents corps diplomatiques accrédités au Sénégal, sur la bonne marche du pays. Cela prouve combien Serigne Fallou était un homme de dialogue et de concorde sociale, quelle diplomatie réussie !
Bref, Serigne Fallou a marqué son temps et continue à conditionner les générations actuelles et futures. L’homme très populaire avec une pléthore d’homonymes est un monument pour la nation sénégalaise. Rares sont les pères qui n’ont pas donné leurs fils le nom de Serigne Fallou, certains même plus fanatiques en donne à leurs filles pour témoigner de l’amour, de la révérence, de la reconnaissance… envers ce symbole de la bonté, de la générosité, de la tolérance… Honneur à Serigne Fallou Mbacké, l’homme qui est partout aimé pour son savoir, sa simplicité, sa sainteté, sa spiritualité, sa sincérité, sa générosité… Serigne Fallou est le remède à mes soucis où que je sois, il est ma passion. En ce mois béni de Rajab, je ne manquerai de lui témoigner mon affection à travers ma plume pour que Dieu nous donne-moi et celui qui lira ce texte une longue vie paisible jusqu’à Firdawsi la demeure éternelle.
Il était un grand bâtisseur et un grand agriculteur. Il a fondé le célèbre marché « Occasse » qui est un lieu attractif et économique de la ville sainte de Touba.
Son fils Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké a été le sixième calife de son illustre grand père Cheikh Ahmadou Bamba (Serigne Touba).
C’est dans la nuit du 06 août 1968 que El Hadj Mouhamadou Fallou Mbacké s’éteignit à Touba plongeant le monde mouride dans une tristesse jamais égalée.
Sources : web