Hausse Record des Frais d’Hospitalisation de la Fonction Publique
Les frais d’hospitalisation des agents de l’Administration publique sénégalaise ont connu une hausse record en 2024. D’après les chiffres publiés par la DPEE (1), ils atteignent pour la première fois le montant exceptionnel de 29,9 milliards de FCFA en 2024, pulvérisant ainsi le précédent record de 15,3 milliards de FCFA qui avait logiquement été établi en 2020, année de la COVID19.
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(1) Direction de la Prévention et des Études Économiques
30 milliards de FCFA en 2024 : Près du double des dépenses de la COVID
Depuis la fin de la pandémie, ce poste de dépense était resté sur une tendance annuelle baissière jusqu’à descendre sous les 12 milliards en 2023. Ce saut spectaculaire de +18 milliards par rapport à l’année dernière, soit une hausse de +149%, ou +14,6 milliards par rapport à l’année COVID, soit une hausse de +95,4%, paraît donc tout à fait exceptionnel.
Pour rappel, les agents de l’Administration publique, actifs et retraités, bénéficient, avec leurs familles, d’une couverture partielle de leurs frais médicaux (hors achat de médicaments). Pour obtenir cette couverture, le bénéficiaire demande une “imputation budgétaire” auprès de la Direction de la Solde, un sésame qui lui permet ensuite de ne payer que 20% des frais, l’Etat prenant en charge les 80% restants. Pour les hospitalisations, l’Etat règle l’intégralité de la facture et effectue une retenue sur salaire des 20% dûs par l’agent. Cette prise en charge peut également passer par des mutuelles de santé auxquelles certains agents sont affiliés, moyennant une cotisation retenue sur leurs salaires que l’Etat complète et verse à ces organismes.
Les montants imputés sont publiés tous les mois par la DPEE et les données disponibles, que nous avons analysées, remontent à Janvier 2006. Cette perspective de 18 ans permet de voir le caractère inhabituel de cette hausse.
Deux facteurs pour expliquer cette explosion en 2024
Tout d’abord, un montant de 4,5 milliards a été enregistré sur le mois de Janvier 2024, probablement pour une régularisation par rapport aux deux précédents mois, Novembre et Décembre 2023, sur lesquels un montant nul (0 FCFA) a été enregistré. Cette probable régularisation pourrait toutefois ne pas être la seule explication du montant très élevé de Janvier 2024 car, comme nous le signalions dans une précédente publication, des mouvements suspects avaient également été constatés sur la masse salariale à la veille de l’élection présidentielle.
L’autre facteur, plus évident, se trouve dans l’augmentation continue des dépenses mensuelles sur ce poste, depuis l’avènement du nouveau pouvoir. En effet, alors que les frais d’hospitalisation mensuels des fonctionnaires tournaient, depuis quelques années, autour d’un milliard de FCFA, ils ont commencé à croître de façon soutenue depuis le mois d’Avril 2024, passant de 1,1 milliard à 1,5 puis à 1,6, puis 1,7 jusqu’à atteindre 2,5 milliards de FCFA en Novembre, avant d’exploser littéralement à 9,5 milliards en Décembre !
Une nécessaire clarification
Dans un contexte de fortes incertitudes pesant sur la situation économique du pays, et de marges de manœuvre budgétaires et financières qui n’existent quasiment plus, pour reprendre l’expression du Président de la République, ces chiffres sur les frais d’hospitalisation des agents de l’Etat posent problème et doivent être adressés par le gouvernement. Il est indispensable d’expliquer aux Sénégalais comment nous en sommes arrivés à dépenser près de 30 milliards de FCFA en frais médicaux pour 1% de la population, sans aucun rapport avec le contexte sanitaire.
Ces dépenses de santé sans précédent doivent faire l’objet d’une clarification, à l’image du déficit abyssal de plus de 2200 milliards de FCFA creusé dans le budget 2024 – autre record historique. Si ces chiffres publiés par la DPEE correspondent effectivement à des décaissements destinés à régler les frais médicaux des fonctionnaires, alors il va falloir expliquer pourquoi ils ont atteint ces proportions. Il en va de la crédibilité et de la réussite du PROJET. La Vision Sénégal 2050, tant vantée, n’aura de matérialisation concrète qu’au prix d’une gestion rigoureuse et transparente des deniers publics. Les Sénégalais doivent avoir foi dans la manière dont leur argent est dépensé si on veut les mobiliser autour d’un projet national.
Plaidoyer pour un accès plus large aux informations financières de l’Etat
Enfin, nous profitons de cet article pour rendre un hommage mérité aux agents de la DPEE et de l’ANSD (2), et les remercier pour la qualité de leur travail de collecte et de diffusion des données économiques et financières.
Nous avons pu réaliser cette étude, et celles qui l’ont précédée, grâce à des données rendues publiques à travers ces deux structures. Nous rappelons, comme nous l’avons écrit dans l’article intitulé Le PROJET est mal parti, que ce travail s’inscrit dans une action de veille citoyenne et d’alerte à l’endroit des autorités. Il s’agit d’un exercice rigoureux et honnête d’analyse et de vérification, basé exclusivement sur des données officielles et publiques. Nous lançons donc un plaidoyer pour un accès plus large aux informations financières de l’Etat – dans les limites légales, bien entendu – pour nous permettre de faire ce travail de veille et d’alerte avec plus d’efficacité.
Arona Oumar KANE
Ingénieur Logiciel
Bangath Systems – Dakar
Email: arona.kane@bangath.com
WhatsApp: +221 77 588 64 26
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(2) Agence nationale de la Statistique et de la Démographie
Sources:
-Direction de la Solde – DPEE – Direction Générale du Budget
-Calculs et Analyse Graphique avec SIADE, -Système Intégré d’Analyse de Données Économiques, par Bangath Systems