Le Sénégal, ce pays d’Afrique de l’Ouest qui avait récemment ouvert ses portes au forum « Invest in Senegal », se trouve actuellement plongé dans une situation paradoxale. Alors qu’il avait invité des investisseurs à explorer ses opportunités économiques prometteuses, il est aujourd’hui confronté à une psychose sécuritaire qui émane de certains médias et qui dissuade ces mêmes investisseurs. Cette menace terroriste présumée à Dakar, relayée abondamment par certains canaux officiels, a engendré des répercussions considérables non seulement sur le secteur touristique, mais également sur l’économie dans son ensemble.
Ce climat d’incertitude actuel s’est traduit par un déclin du flux touristique. Les voyageurs, sensibles aux alertes de sécurité, hésitent à visiter une destination potentiellement instable. Les hôtels et les restaurants ressentent les effets de cette hésitation, entraînant des pertes de revenus et mettant en danger les emplois du secteur touristique. Parallèlement, cette psychose sécuritaire nuit également à la confiance des investisseurs. La crédibilité du pays en tant qu’environnement propice aux affaires est remise en question, décourageant les investissements directs étrangers (IDE) qui sont vitaux pour la croissance économique à long terme. Selon l’Agence de Promotion des Investissements et des Grands Travaux (APIX), la stabilité et l’ouverture du Sénégal sont les principales raisons d’investir dans le pays.
L’intensification des menaces terroristes dans une région donnée a souvent des répercussions économiques considérables. L’histoire montre que les actes terroristes ont la capacité de faire chuter l’IDE et de déplacer les investissements vers des destinations perçues comme moins risquées. Par exemple, entre les années 70 et 1991, l’Espagne et la Grèce ont vu leur IDE baisser respectivement de 13,5 % et 11,9 % en raison d’attaques terroristes (Enders et Sandler, 1996).
Des études ont également montré que même une augmentation mineure des risques perçus peut conduire à des baisses significatives de l’IDE, ce qui peut avoir des conséquences économiques substantielles. Une analyse des données entre 1984 et 2008 dans 78 pays en développement a confirmé que la progression du terrorisme intérieur entraînait un recul net de l’IDE (Bandyopadhyay, Sandler et Younas, 2014). Les attaques terroristes internationales ou dirigées contre des étrangers ou des actifs étrangers dans un pays cible ont également eu des effets similaires. Dans certains cas, une augmentation des aides publiques a pu partiellement compenser les pertes d’IDE.
Cependant, ce qui est également frappant dans cette situation est le silence des organisations patronales du pays. Alors qu’elles étaient censées s’élever en tant que rempart et alerter sur les conséquences nuisibles de la communication actuelle sur le terrorisme, elles semblent être restées en retrait. Ce silence inquiétant des organisations patronales ne fait qu’aggraver la perception négative de la situation, laissant les investisseurs potentiels sans direction claire ni réassurance face aux incertitudes.
Tout comme une entreprise doit garantir un environnement de travail sain et sûr pour l’ensemble de ses collaborateurs, le gouvernement est appelé à assurer un environnement des affaires sain pour les entrepreneurs. Les organisations patronales doivent également jouer leur rôle en veillant à garantir cet environnement et à l’améliorer constamment. En prenant des mesures concrètes pour renforcer la sécurité, favoriser la stabilité et promouvoir la confiance, les autorités et les acteurs économiques peuvent contribuer à dissiper cette psychose sécuritaire et à rétablir la dynamique d’investissement nécessaire au développement économique du Sénégal.
Il est impératif de revoir la communication concernant les attaques terroristes et de la gérer de manière appropriée. De nombreux pays à travers le monde sont confrontés à des attaques fréquentes, mais évitent de communiquer excessivement à ce sujet afin de ne pas décourager les investisseurs. La communication joue un rôle essentiel dans l’image d’un pays. Nous devons être conscients de l’impact de chaque mot que nous utilisons dans notre communication. Une mauvaise gestion des informations peut avoir des conséquences néfastes sur l’attractivité économique de notre pays.
Abdoulaye DIENG – Entrepreneur, conseiller Afrique de la chambre de commerce et d’industrie de la Saar en Allemagne (IHK Saarland), vice-président du club Ohada Deutschland, fondateur et modérateur de la plateforme African German Business – XING, Allemagne