Le dialogue national, initié par le Président Macky SALL, lancé le 31 mai dernier, a vécu. Certes, avec des résultats fort appréciables, mais sans que les Sénégalais soient débarrassés de leur angoisse, de la peur des lendemains difficiles.
Les faits sont têtus : après mars 2021, ce qui s’ est passé le 1er juin traduit, manifestement, une maladie sociétale qui n’est pas loin de la métastase. Le Sénégal, notre pays, a beaucoup changé, et les Sénégalais, aussi. Les incivilités , déviances et défiances rythment notre quotidien.
Vient donc l’heure où l’originalité de la pensée et, plus encore, de la pratique qui doit émerger ne peut être que le refus de la démagogie et la prise en compte des réalités.
Le Président, dont l’initiative est fort louable, a sans doute compris que le but du progrès social n’est rien d’autre que de progresser avec et par les hommes concernés par ce progrès. Seulement, il manque un maillon essentiel : Monsieur Ousmane SONKO.
Il ne me vient point à l’esprit de vouloir commenter une décision de justice. Au reste, je n’en ai même pas les armes. En revanche, je sais que le Président de la République est le garant du bon fonctionnement de la Justice et que notre Constitution lui accorde des attributions qui lui permettent d’apaiser les esprits et les cœurs.
Jean-Baptiste POQUELIN, dit Molière, a écrit une pièce de théâtre, qui s’appelle Tartuffe, qui a une clé, laquelle est éminemment politique : lorsqu’un homme prétend aux honneurs ou aux charges, il importe que sa vie privée- même-soit épiée, contrôlée, censurée. Pour dire que l’ exemplarité-à tous points de vue – est une exigence dans une République qui , par essence, est vertueuse. Si, comme cela avait été annoncé, les chefs d’ inculpation retenus contre Monsieur SONKO (viol, menaces de mort) étaient maintenus par le juge, aucun Sénégal n’eût osé esquisser un quelconque murmure.
Je retiens la formule que nous sert notre savoureuse et riche langue wolof : « ku jub amu fi. Ku Yàlla dimbalé rek mo am ci àdduna » . Faut-il, aussi, rappeler la réaction de Jésus, face à la furie des hommes voulant, vaille que vaille, faire punir la femme suspectée d’adultère ! Et que dire de la formule d’ Henry KISSINGER : « le pouvoir est l’ aphrodisiaque suprême » !
Sans m’ ériger en défenseur de la lascivité, je veux simplement faire observer que , sur la scène politique et ailleurs, l’adduction à une sexualité compulsive est une triste réalité. Bien souvent, des hommes habillent leurs pulsions de vulgum pecus de la parure de la virilité. Tout cela pour dire que sauter sur les supposées privautés d’un Sénégalais, porteur de projet , d’idéal et d’ambition, afin de tenter de freiner son élan , avec toutes les conséquences que cela peut entraîner, ne me semble guère de bonne méthode. Je suis très à l’aise pour en parler, dès lors que je ne suis point un militant de PASTEF, que je n’ai jamais rencontré ni vu le concerné. Ce dernier, à mon avis , doit changer de posture et ne point oublier que le fonctionnement régulier d’un État moderne repose sur les Institutions qu’ une charte fondamentale, la Constitution, prévoit, elle qui régit l’équilibre et le fonctionnement de tous les ordres de pouvoirs : exécutif, législatif, judiciaire.
La politique, c’est le réel. Monsieur SONKO a vendu un projet aux Sénégalais. Une partie y a adhéré. S’ il ne parvenait pas à le mettre en œuvre, le mot qui correspondrait serait populisme, qui signifie vendre un projet que l’on ne met pas en œuvre.
La pression des faits me paraît suffisamment forte pour crédibiliser, de la part du chef de l’État, des démarches en vue d’une concorde nationale. Président de tous les Sénégalais, il a le sens aigu des idées qui flottent dans l’ air pour s’ appuyer sur la crise , et non la nier , afin de réussir à calmer les esprits.
Aujourd’hui, seul le langage de la vérité peut être entendu par les Sénégalais. Tout autre discours ne fera qu’exacerber les passions et paraîtra irréaliste.
Quand on a un bon bilan , « on ne tient pas un peuple. On vit avec le peuple », comme le recommandait Sébastien le Prestre, marquis de VAUBAN, grand ingénieur et architecte français.
Depuis la fin de la Présidentielle de 2019, tous les discours de Monsieur le Président portant sur une probable candidature sont empreints d’ambiguïté. Je donne à ce mot le sens que lui donne William EMPSON dans son livre « Seven types of ambiguity : « ambiguïté veut dire une indécision quant à ce que vous voulez dire , une intention de vouloir dire plusieurs choses, une probabilité que l’un ou l’autre ou les deux choses ont été signifiées, et le fait qu’ une déclaration a plusieurs sens » .
Après plusieurs années d’attente- hystérique, pour certains- , le temps de la délivrance semble arrivé. En recevant certains maires et présidents de conseils départementaux, le Président aurait, semble-t- il, martelé que « ceux qui s’agitent dans les médias et réseaux sociaux ne peuvent lui faire changer d’avis » .
Moi , qui, sans être militant de son parti, peux me prévaloir d’avoir voté pour lui , en 2012, au second tour, et, en 2019 , au premier, voudrais lui demander de n’écouter que sa conscience, qui est l’unique juge, et ne point écouter ceux qui, dans son camp, le poussent à faire le plongeon. On se rappelle que Honoré Gabriel RIQUETI, comte de Mirabeau, élu du tiers-état à Aix , au commencement des États généraux, disait ceci : « Nous sommes ici par la volonté du peuple, nous n’ en sortirons que par la force des baïonnettes » . On connaît le sort réservé à MIRABEAU.
Vous avez bien travaillé, Monsieur le Président ! Sortez par la grande porte ! Allez vous oxygéner dans de hautes instances internationales, afin de rendre la voix du Sénégal plus audible , et revenez- nous , en 2029, si l’ envie vous rattrape, solliciter le suffrage de vos compatriotes.
De grâce, Monsieur le Président, pour l’amour de ce Sénégal que vous avez au cœur, choisissez la liberté et dites « ce petit mot qui fait tant de peine » : non à une troisième candidature.
Pape Mody NIANG, universitaire et citoyen