Dakarmidi – Profession rabatteurs (coxeurs). Leur particularité, ils sont partout et nulle part. Ils jouent à cache cache avec les forces de l’ordre dans cette partie nichée entre la Patte d’oie et Grand Yoff. Et c’est le voyageur qui paie la distance de la supercherie. En effet, pour mieux réguler la circulation, les préposés à la sécurité veillent au grain et interdiction formelle est faite aux chauffeurs en partance dans les régions de stationner de manière anarchique pour ne pas gêner la circulation dans certains endroits de la Patte d’oie devenue incontournable pour ceux qui veulent voyager.
Que du travail pour les rabatteurs qui ne se fatiguent jamais de crier! On les entend héler de loin des passants, flairant d’éventuels voyageurs et même venir ouvrir les portières des taxis qui débarquent des clients toujours avec le même refrain à la bouche. » Thiès wala Mbour » les localités les plus prisées par les voitures dites « particulier ». Mais il y a aussi les appels des autres pour presque tout l’intérieur du pays. Et même pour la banlieue de Dakar. Pikine, Rufisque, Keur Massar ou les régions comme Saint-Louis, Kaolack, Ziguinchor entre autres.
Des voyageurs de partout dans Dakar affluent vers la Patte d’oie en partance pour partout. La Patte d’oie un passage obligé pour la quasi-totalité des usagers de la route. Il y a la Patte d’oie des voitures pour toutes les régions du Sénégal. Chacun y trouve son modèle. Du car rapide aux bus en passant par les Ndiaga Ndiaye, taxis et autres. Il y a aussi les particuliers d’un genre nouveau qui font le chauffeur afin de faire le plein d’essence ou d’autres encore pour arrondir les creux du mois. Il y a aussi ceux qu’on pourrait appeler les bons samaritains trop esseulés dans leur voiture et qui veulent faire du bien en déposant certains qui ont trop attendu en échange de quelques « wakhtane » pour tromper le grand serpent noir parfois trop ennuyeux à supporter surtout lorsque que l’on voyage seul.
Patte d’oie la bruyante ne se repose donc jamais et ses rabatteurs non plus. À toute heure, à tout moment, à tout instant, c’est le business. Un trafic non stop avec son lot de chamailleries. Un client qui s’impatiente trop longtemps, un voyageur qui boude parce que le véhicule n’arrive pas à faire le plein. Un autre qui refuse de monter à l’arrière parce que ses jambes trop longues ne supportent pas l’étroitesse des sièges ou un chauffeur qui se coltine dans les ruelles de Grand Yoff pour échapper à la vigilance du policier. Un véritable quartier des affaires ou tous les business se côtoient sans jamais s’entremêler. Ici on se respecte et on est solidaires. Parfois on partage le mégot de cigarette, parfois la tasse de café, parfois on s’échange de la petite monnaie et parfois en véritables complices, on se chamaille pour les affaires mais jamais on se fâche trop longtemps car les affaires prennent toujours le dessus sur les sentiments.
On se parle, on se comprend et parfois entre rabatteurs, on échange des potins et on rigole. De grands gamins où on apprend beaucoup des sciences de vie. Patte d’oie, « la femme d’affaires » ne dort jamais et fait la dure « business women » en veille de fête. Impertinente, elle se montre capricieuse et fait monter les enchères en augmentant les prix quand les voitures ne répondent pas à l’appel et finit par rendre les voyageurs trop grincheux. Et c’est à partir de ce moment qu’on regrette de ne pas avoir sa propre voiture. Une loi du marché trop exigeante pour celui ou celle qui a la paresse ou n’a pas les moyens de se rendre jusqu’à la gare des baux maraîchers. Alors Patte d’oie, Cambérène et autres points de chute prennent le relais pour desservir les régions avec des clients trop pressés et certainement trop contents d’aller passer les fêtes en famille. Et le voyageur qui sourit à l’idée de retrouver les siens continue de regarder le mouvement de la foule qui se mêle aux cris des rabatteurs. Un véritable air de fête aux parfums de joie. Ici le temps ne s’arrête pas, autant dire qu’il suspend son vol et le rabatteur ne se fatigue jamais.
Toujours à l’affut pour guetter de potentiels clients pour un chauffeur peinard afin de renflouer ses poches, car dans ce genre d’affaires la paie se fait au comptage des clients que les voitures déversent. Pendant ce temps, le voyageur qui est enfin sur le départ peut pousser un ouf de soulagement. Il balaie un dernier regard circulaire à ce tohu- bohu avant de se tourner vers le chauffeur qui venait de lui demander d’attacher sa ceinture de sécurité.
Bon voyage, Déwèneti à tous et excellente fête!