même marigot.
Huit ans plus tard, le Président de la République, Senghor, prit le temps de préparer un dauphin, et suite à une révision constitutionnelle, il nomma Abdou Diouf, Premier ministre qui occupera le poste jusqu’au 31 décembre 1980, à la démission du Président-poète. L’administrateur civil, Diouf, fera face aux caciques du parti socialiste
(PS). Il nomma néanmoins son ami Habib Thiam au poste de Premier Ministre. L’épreuve du pouvoir l’avait contraint à procéder à une révision constitutionnelle par le biais de l’Assemblée nationale en instaurant un régime présidentiel (1983-1991).
Ainsi, le Président Diouf exerça les charges de Chef de l’État et de Premier Ministre, donc la fonction de Chef de gouvernement. Il adopta de ce fait le régime présidentiel renforcé. Il manifesta ses ambitions d’asseoir la main-mise au sein du PS et de l’État du Sénégal.
Me Abdoulaye Wade est donc le seul Président de la République du Sénégal à gouverner sans passer par le régime présidentiel. Le référendum qu’il organisa le 07 janvier 2001 fera basculer le Sénégal à la IIIe République mais il maintiendra le régime parlementaire jusqu’à sa défaite 2012.
Quelles sont les vertus du régime parlementaire ?
Dans un régime parlementaire le gouvernement est responsable devant le parlement et le Président de la République et le parlement devant le Président de la République. On parlera donc d’un régime parlementaire «dualiste». Le Président de la République généralement élu au suffrage universel (cas de notre pays) joue un rôle politique très important. C’est un système où la séparation des pouvoirs est souple.
Pourquoi donc, nos chefs d’État ont recours au régime Présidentiel en cas de difficultés d’exercice de pouvoir ?
Dans ce régime, la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire) est stricte. Le pouvoir exécutif est entre les mains du Chef de l’État. L’exécutif n’est pas responsable devant le législatif: donc, le gouvernement ne peut pas être renversé par le parlement et inversement le pouvoir exécutif ne peut pas dissoudre le parlement. Dans ce cas, le pouvoir judiciaire qui dispose d’un pouvoir d’arbitre des différends entre les deux pouvoirs pourra-t-il jouer son rôle ?
Il y a souvent des blocages au cas où le législatif et l’exécutif sont en désaccord. Seuls les Les États-Unis ont le secret de la durée de ce régime grâce à leur histoire et réalités sociales. C’est dire que le régime Présidentiel n’a pas de beaux jours ailleurs qu’aux États-Unis. Il est éphémère en Afrique et même en Europe. Senghor comme Diouf était revenu au régime parlementaire. Le régime présidentiel était donc une sorte de tremplin, une thérapie ou une thérapie du choc pour ajuster un système politique en danger.
Ce remède, efficace ou pas, dans tous les cas, il avait permis une stabilité politique et institutionnelle. Aujourd’hui, qu’est-ce que nous cache cette révision envisagée par Macky Sall ? Autant la démarche de Senghor était compréhensible car il y avait une crise au sommet de l’État, comme celle de Diouf qui n’avait pas encore le contrôle du PS mais l’attitude de Macky soulève
de nombreuses interrogations. Nul ne peut encore affirmer ave certitude s’il ‘agit d’un signal ou d’un avertissement à l’endroit des cadres de son parti et de ses alliés. En d’autres termes, il n’est pas facile, à l’heure actuelle, de déceler le message envoyé à l’électorat et au peuple sénégalais.
Les États où le régime parlementaire est adopté en Afrique, on assiste à une stabilité politique et des institutions. Quand la majorité présidentielle et parlementaire coïncident, le Premier Ministre constitue une sorte de «paravent» au Président de la République. Et c’est présentement le cas actuel au Sénégal.
Quelles sont donc les motivations du Président Macky Sall ?
C’est unsecret de polichinelle de dire qu’il voudrait contrôler le gouvernement, le Parlement. Est-ce à dire qu’il ne croit plus à aucun membre de son entourage pour mener l’attelage gouvernemental ? Il décide d’entrer dans l’arène sans aucune protection en la personne du Premier Ministre; il ne veut plus de boucliers. Sans un Premier Ministre, le Président n’a plus de gouvernement mais des collaborateurs. Il décide de ne plus se «cacher» derrière un Premier Ministre et son gouvernement. Il est le seul maître du jeu. Il contrôle l’action de chaque collaborateur et du parlement. C’est le seul maître à
bord. Pas de dauphin. Nous allons donc assister à une sorte de présidentialisme. Tous les pouvoirs seront concentrés entre ses mains.
Est-ce une avancée démocratique ?
La réponse saute à l’œil nu. Comment le pouvoir va arrêter le pouvoir, en cas d’abus ? Comment
l’exécutif et le législatif vont s’équilibrer ? Quand le judiciaire n’est plus dans le cœur des citoyens, comment faire qu’il y ait harmonie entre les trois pouvoirs ? On peut légitimement se demander si c’est une manière de créer un climat de sérénité dans l’attelage gouvernemental pour plus d’efficacité, se consacrer uniquement à la réalisation des objectifs promis au peuple sénégalais et, penser que c’est une manière de signifier qu’il n’y a pas de place pour ceux qui pensent déjà à la fin du mandat du Président Sall, en 2024.
Ne pas avoir un dauphin ne voudrait-il pas dire aussi que c’est moi la seule constance, je décide, moi seul de l’avenir de la nation quand je veux ? Et c’est à partir de là que va surgir l’idée du troisième mandat. Pour voir plus clair dans cette situation, il faudra avoir une boule de cristal. Le Président Macky Sall fait-il toujours confiance à son
entourage ? La révision constitutionnelle de mars 2016 a réduit le mandat présidentiel de sept à cinq ans.
Quelles interprétations ?
Suite à l’élection présidentielle de février dernier qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, seul Macky Sall peut mettre fin aux supputations d’un troisième mandat. Le peuple attend une nette amélioration de son quotidien. Si les mentalités ne changent pas, si les mesures ne sont pas prises pour une meilleure gestion de nos ressources naturelles, aucune modification des textes, appropriée soit-elle, ne pourra permettre à nos citoyens de mieux se faire soigner, à nos enfants de suivre une meilleure éducation, à l’État de vaincre la malnutrition…
En définitive, le partage des richesses ne doit plus être un slogan mais une réalité. Le discours politique ne doit plus être des promesses ni du rêve pour ceux qui y croient mais des engagements responsables. Les hommes politiques font souvent l’erreur de croire que le peuple est résigné. Le peuple sénégalais est patient, il analyse, il observe. Travailler pour le triomphe de la justice sociale, de la justice tout simplement, doit être le credo ou le sens de toute action politique. Comme on ne peut pas arrêter la mer avec ses bras, de la même manière nul ne pourra maîtriser un jour le déferlement de la foule poussée par la colère et l’amertume.
Oupa Diossine LOPPY
Auteur/Diplômé en Science Politique