Dakarmidi- La campagne électorale bat son plein et les candidats font preuve d’ingéniosité pour séduire l’électorat. Chaque soupirant au titre de « président de la République du Sénégal » pour les cinq prochaines années a présenté un programme qui peut faire l’objet de diverses appréciations. Mais qu’en est-il réellement de la faisabilité de ces promesses ?
« Tout programme est un idéal et la question de la réalisation est un autre débat », analyse l’enseignant chercheur au Cesti Saïd Gaye. Pour lui, les candidats ne font pas des propositions pour « forcément les réaliser », mais partent du besoin des populations. « En marketing politique, on agit sur les perceptions pour avoir le vote favorable »,souligne-t-il.
Macky Sall dans la continuité
Dans cette optique de recherche du « vote favorable », le programme du président sortant Macky Sall « liggeeyal ëllëk », (comprendre travailler pour le lendemain), s’inscrit dans la continuité du Plan Sénégal Emergent (PSE) mais aussi dans une perspective citoyenne. Ainsi, dans la profession de foi du candidat président, « trois nouveaux programmes sectoriels à l’échelle nationale » sont soumis à l’appréciation de l’électorat. Le « programme zéro bidonvilles », le « programme zéro déchets », et le « programme villes créatives»constituent les différents point de la proposition. Mais celui qui a attiré notre attention est le programme « zéro bidonvilles ». Un projet certes ambitieux “mais qui nécessite plus que des bâtiments sortis de terres”.
Dans son étude intitulée « ‘’Eliminer les bidonvilles = éliminer la pauvreté’’, ou les charmes pervers d’une fausse évidence », publiée dans la revue L’Economie politique, n°49 de janvier 2011, la géographe Sarah Bartoli analyse le programme zéro bidonvilles au Maroc qui, selon son analyse, a positivement impacté les conditions de vies des relogés. Cependant, « les conséquences sur le niveau de vie sont ambivalentes puisque les ménages ont des postes de dépenses qui augmentent radicalement ». Revenons au cas sénégalais où l’Etat avait lancé en 2018 la construction de nouveaux habitats pour les habitants de la cité Baraka. Ce projet qui entre dans une perspective de supprimer le bidonville du même nom, a peut être inspiré le candidat Macky Sall, mais les paramètres d’application se différencient. En effet, le président sortant explique que les maisons du «programme zéro bidonvilles» qui coûteront « normalement 10 millions de francs CFA, seront subventionnées à 50% et reviendront aux populations à 5 millions, avec une possibilité de l’accompagnement de la banque de l’habitat du Sénégal pour un prêt d’une durée de cinq ans ». Mais la question que nous pourrions nous poser est de savoir si réellement les populations vivant dans les bidonvilles, aux revenus parfois modestes, peuvent souscrire à un prêt de 5 millions et endosser le niveau de vie que leur imposera le nouvel habitat ?
Idrissa Seck et sa vision citoyenne
Idrissa Seck dans sa vision 1-3-15-45, met en avant « le Sénégal d’abord ». Dans une perspective altruiste, l’ancien maire de la région de Thiès, loin de démolir ce qui a été construit par ses prédécesseurs, propose une « gouvernance citoyenne ». Suivant cette logique, dans « le Sénégal connecté » de Idrissa Seck, l’audiovisuel, notamment la presse, occupe une bonne place. Le candidat de la coalition Idy2019 propose de professionnaliser l’information en assainissant le public et boostant le privé,de quoi réjouir plus d’un, pas que les journalistes. Mais la manière d’y parvenir « fait entorse à la norme », s’il l’on se fie au propos de Mouminy Camara, enseignant-chercheur au Cesti. Ce dernier soutient que c’est une bonne chose de vouloir assainir le secteur public de la presse « afin de redorer le principe fondamental de service public digne de ce nom ». Seulement, là où la proposition d’Idrissa Seck pêche c’est de vouloir booster le privé qui selon lui suppose une initiative personnelle. « L’Etat pourrait juste l’accompagner », préconise-t-il car le booster serait au détriment des médias de service public qui ne sont pas des concurrents aux médias privés.
Issa Sall, l’innovation
Issa Sall innove avec sa vision qui, dit-il, est principalement axée sur l’homme «d’abord comme ressource à capaciter à travers l’éducation et la formation, ensuite comme acteur pour impulser le développement et enfin comme bénéficiaire de ce développement.» Dans l’axe 1 de son programme qui porte sur « le développement humain et la réduction des inégalités », le candidat du « pur-100 » propose une réforme du baccalauréat en supprimant les séries. En sa qualité d’enseignant, il analyse que les séries sont des barrières qui entravent la pleine expression de l’intelligence des élèves. Ainsi, les cours d’informatique et d’anglais seront introduits dès la maternelle pour familiariser l’enfant à ces outils désormais incontournables. Mais la suppression des séries fait tiquer plus d’un. Mouminy Camara lui, se demande si le candidat a eu à consulter les acteurs de l’éducation pour la mise en place de ce programme si toutefois il est élu. « S’il supprime les séries, il sera difficile d’orienter les élèves qui veulent engager des études académiques. Sur quelle base pourront-ils intégrer les universités ? », S’interroge l’enseignant qui y voit une modification totale du système éducatif.
Ousmane Sonko, redéfinir l’administration
Avec son slogan « jotna », le leader de la coalition Pastef axe son programme sur une redistribution des ressources du pays aux Sénégalais. Excessivement targué « d’antisystème », dans le huitième point de son programme, Sonko promet « d’administrer l’ordre pour le compte du peuple ». Dans cette logique, il propose d’inscrire dans la constitution la clause de conscience, qui existe déjà au Sénégal pour certains métiers comme le journalisme, mais aussi de mettre en place une loi qui protège les lanceurs d’alertes.
Ce dernier point est pour El Hadji Memedou Kébé, fonctionnaire, un bon moyen d’avoir un contrôle sur l’administration publique quoiqu’il rend caduque le respect du secret professionnel. Cependant, il peut y avoir l’effet contraire. « Les employés peuvent utiliser cette loi pour faire des pressions sur leurs supérieurs qu’ils auront surpris pour fautes fiscales. Dans ce cas-là, ce sera pire parce que les délits ne se limiteront pas à une seule personne ou groupe de personne », analyse M. Kébé.
Madické Niang et la restauration
Il a intitulé son projet « Jamm ak Keweul », comprendre paix et prospérité. Madické Niang, dans une approche très familière, promet s’il est une fois élu président de République du Sénégal de « proposer au gouvernement français l’ouverture de négociations sur les droits d’inscription des étudiants sénégalais ». Une proposition qui ne manque pas d’embuches quant à sa matérialisation si l’on se fie à la réaction de Serigne Mbaye Thiam, après la mesure de l’Etat français d’augmenter les frais d’inscriptions des étudiants hors union européenne. Le ministre de l’éducation nationale avait souligné la souveraineté de la France en indiquant que « ces sont des questions qui relèvent de la souveraineté de chaque état parce que nous, quand nous fixons les frais d’inscriptions dans nos universités, on ne demande la permission à personne. C’est au Sénégal de s’adapter ». Mais pour Sidy Fall, étudiant en droit, il est possible que le Sénégal fasse une coopération bilatérale avec la France pour trouver une solution. “N’oublions pas que Madické Niang est avant tout un avocat “, analyse-t-il.
Mais on pourrait se demander, si la mesure touche les pays qui sont hors de l’union européennes, serait-il envisageable d’avoir une mesure spéciale pour le Sénégal ?
Avec Cesti.info