Dakarmidi – « La colère est nécessaire ; on ne triomphe de rien sans elle, si elle ne remplit l’âme, si elle n’échauffe le coeur ; elle doit donc nous servir, non comme chef, mais comme soldat. » Aristote.
Le phénomène Assane Diouf est symptomatique d’un malaise social engendré par un régime tyrannique. La reconversion de la coercition en instrument de terreur, plus qu’une atonie du peuple, a eu le vertueux avantage de rendre la toile réceptive à toute la sourde colère qui en a découlé.
D’un exutoire pour un peuple sevré de liberté d’expression, le phénomène Assane Diouf est en passe de devenir un cas typologique de science sociale. Colère en bandoulière, l’insulte comme viatique, dans une cadence systolique de surexcitation et de dérision qui a l’heur d’ emballer les facebookeurs.
On pourrait emprunter à Erving Goffman son modèle théâtrale de description des interactions sous l’angle microsocial de la dramaturgie, pour mettre en lumière les enjeux sociaux de structure qui se jouent dans cette affaire.
Macky Sall a cru bon de cornaquer tous les patrons de presse, mettre son procureur au pas. Ce faisant, avec l’instrumentation de la transhumance, adossé à une coalition de partis politiques, affairées davantage au partage de gâteaux qu’à opérer des changements qualitatifs du système, comment ne pas s’étonner de cette irruption éruptive du phénomène Assane Diouf, dès lors qu’il (le tyran) eût cru avoir comprimé les espaces de liberté ?
C’était sans compter sur l’élargissement du réel par le virtuel, par l’intégration de celui-ci par celui-là.
Ainsi, aussi kafkaïenne que puisse demeurer cette situation, risible par le degré zéro de sa qualité et inquiétant par l’hypertrophie de la violence symbolique qu’elle charrie, nous sommes en présence d’une observation mutuelle que Goffman décrit en ces termes : « ces moments de la vie sociale au cours desquels des individus en situation de coprésence se perçoivent mutuellement et agissent réciproquement les uns par rapport aux autres ».
Autrement dit, si le curseur du débat public avait été placé au centre des contradictions discursives, à la place des insanités et quolibets incendiaires, ventilés quotidiennement, l’élasticité de notre esprit en serait rudement éprouvée.
Plus cocasse est encore la posture moralisatrice des thuriféraires du tyran, qui voudraient que, Robin des bois en paille persifleur d’ignominies, respectât leur président. Celui qui, plus grave qu’une insulte, foule aux pieds, à chaque acte ou décision prise, les règles de loi qui organisent la vie des sénégalais.
Rien n’y échappe. De la promotion de ses insultes attitrés, qui parfois écument les réseaux sociaux sous le mode répondeur automatique, aux fins d’obérer toutes velléités de critiques à leur adresse, ou alors par des choix de politiques économiques inopérants autre que de rendre notre servitude à l’égard des puissances étrangères ou plus amène.
Toute chose qui faisait dire au président Madison, « je crois qu’il y a plus de cas de réduction des droits des gens par des empiètements graduels et discrets par ceux au pouvoir que par une usurpation soudaine et violente ».
Dans l’un ou l’autre des deux cas, que ce soit du côté de Assane ou du gouvernement, l’altérité altière purement violente en devient le maître mot, un mortal kombat qui garantit à coup sûr une chute vertigineuse vers l’abrutissement démocratique d’un peuple en quête de maturité.