La règle minimale qu’un démocrate doit respecter, c’est l’expression libre et transparente d’un peuple dans l’aire géographique occupée et la prise en charge intégrale de celle-ci. Par conséquent, tout coup d’Etat est à condamner jusqu’à la dernière énergie. Toutefois, je suis en divorce avec toute idée de restauration d’un ordre institutionnel par une intervention militaire à risque. Pourquoi ?
1) le coût d’une reconstruction est toujours plus élevé que celui dune construction. Cela signifie qu’on va amplifier la pauvreté sahélienne , l’insécurité alimentaire et les besoins humanitaires déjà si préoccupants dans notre espace;
2) le terrorisme, notre souci de tous les instants, va avoir une excellente matière première pour mieux se déployer en renforçant ses bases;
3) à l’évidence, les militaires nigériens, acculés et conscients de perdre le contrôle, ne vont pas épargner le Président Bazoum, sa famille et ses proches, et pourraient commettre un acte à ne pas qualifier. Serait-il alors possible de réinstaller le Président Bazoum au pouvoir?
4)Les ressortissants des pays de la CEDEAO basés au Niger vont connaître la vindicte populaire, ces pauvres innocents ;
5) le marché international de produits, tels que l’uranium, risque d’être en crise ;
6) Les nigériens privés d’électricité dans un pourcentage fort, d’où le renforcement de l’insécurité et le ralentissement significatif de la machine économique ;
A mon sens, la restauration de l’ordre institutionnel se fera par la demande sociale nigérienne grâce, entre autres, à l’efficacité et à l’efficience des sanctions déjà prises à recalibrer, à fortifier et à densifier.
Ma conviction s’énonce comme suit : par la voie diplomatique, il faut négocier la libération du Président Bazoum, de sa famille et de proches, et utiliser une main invisible pour favoriser la non satisfaction de la demande sociale par les putschistes. Oui, un peuple se libère toujours lorsqu’on atteint le maximum de la parabole de l’inacceptable.
On ne doit pas lancer des bombes à des populations déjà si éprouvées par leurs conditions de vie et d’existence.
Que la raison triomphe !
La CEDEAO ne manque pas de sujets brûlants à traiter de toute urgence avec une responsabilité des plus fortes : La souveraineté alimentaire, le terrorisme, l’immigration clandestine, le chômage des jeunes, l’industrialisation, la maîtrise de l’eau, l’électrification dans notre espace, etc.
Ce sont les questions économiques qui dessinent des questions politiques et non l’inverse.
Si notre espace CEDEAO était en bonne santé économique, je formule l’hypothèse forte qu’il y aurait moins de coups d’État.
Dr Papa Abdoulaye Seck
Commentaire du Doyen Majib Sène
Le Docteur Papa Abdoulaye Seck est connu pour son intégrité intellectuelle et sa vision prospective. Sa plume constamment trempée dans l’encrier de la fécondité, étale sous nos yeux, des points de vue que le bon sens n’a aucune peine à comprendre parce que bien formulés. Son approche dialectique sur la situation qui prévaut en ce moment au Niger, est parfaitement acceptable si on considère que « ay dou yem ci bopou borom ». Il ne fait aucun doute que la première intervention militaire étrangère au Niger aura pour victimes le Président Bazoum, sa famille et ses proches. Viendra ensuite le peuple qui ne sera pas épargné. Je pense aussi aux émigrés ressortissants des pays qui enverront des soldats pour tenter de restaurer l’ordre constitutionnel. Le djihadisme risque à n’en pas douter, de s’envenimer avec son cortège de malheur tant de fois décrié sans compter le désastre socio-économique et ses corollaires. Il faut donc privilégier le dialogue fécondant pour résoudre ce délicat problème plus que préoccupant. Félicitations à Papa Abdoulaye Seck, ancien Ministre et Ambassadeur dont l’analyse et les propositions pour une sortie heureuse de crise méritent l’attention de tous.
Majib Sène