L’absence de formation professionnelle des enseignants en IA favorise un recul dans l’adoption du modèle par les élèves. Peut-on trouver des solutions rapides en 2025 pour soutenir une éducation de qualité ?
La volonté de nos gouvernants de faire de l’anglais une matière incontournable au primaire réveille des passions. Nous sommes d’accord sur le fait que la maitrise de l’anglais est un atout pour nos élèves. L’apprentissage des langues devrait même être encouragé en mettant des ressources de qualité à la disposition des enfants. Car les enfants qui doivent développer des compétences dans ce sens ont plus de chance de comprendre très tôt les enjeux liés à l’innovation dans l’apprentissage de certains outils ou l’appropriation des systèmes de connaissance. Nos écoles souffrent malheureusement non seulement du manque de matériel de travail adapté mais aussi de ressources éducatives de qualité. Et notre capacité à s’interroger sur la valeur humaine, des connaissances notamment, dépend souvent de la possibilité d’analyser avec la langue les schémas de pensée ou de réflexion mais à l’aide d’outils de gestion des compétences adéquats. L’intelligence artificielle pourrait être un atout dans ce sens.
Par contre, l’inquiétude exprimée par certains à propos de l’abandon des études en sciences humaines demeure une préoccupation réelle actuellement au regard de la montée en puissance rapide de l’intelligence artificielle et du développement fulgurant des nouvelles technologies. Malgré cela, il va de soi que l’intelligence artificielle est un excellent outil de transformation de la nature du travail par exemple. Selon une analyse, plus de 60 pour cent des emplois dans les économies avancées seront soutenus par l’IA au cours des cinq prochaines années.
Par ailleurs, il faut rappeler que le modèle capitaliste est une réalité bien ancrée dans nos systèmes de production de connaissance, et celui-ci est basé naturellement sur une vague de croissance non limitée. Les révolutions dans les technologies qui créent des ères de croissance rapide caractérisent le capitalisme, selon Schumpeter. Par conséquent, l’idéal serait de statuer sur des compétences pratiques, rationalisées par des programmes innovants d’apprentissage du modèle en soi et par la maitrise des outils sophistiqués dictant la performance, revigorant ainsi la capacité des enfants dés le bas âge et leur accordant plus de motivation à apprendre en même temps les langues. Certaines écoles internationales basées à Dakar, à l’image de Enko Dakar, essayent notamment d’inclure ce volet de formation humaine par des outils numériques adaptés en classe. La méthode d’apprentissage est non seulement axée sur l’innovation dans l’apprentissage mais soutient le développement rapide de compétences des apprenants.
Aujourd’hui, il urge peut-être de modifier la culture d’organisation de nos écoles pour mieux s’adapter à l’évolution du monde actuel. La culture d’organisation affecte de nombreux processus, lit-on, dans l’excellente revue éducative Education World. Parmi ceux-ci, on peut citer, sans s’y limiter : le leadership, la motivation, la pris de décision, la communication, etc. Il en ressort que la culture peut affecter les processus structurels de l’école. Le système d’évaluation, le système de contrôle, le système de sélection ou même de récompense doivent logiquement s’adapter à la culture de l’école, écrit Les Potter, Ed. Toute tentative de changement sera tout aussi lente.
Les élèves sont des apprenants et penseurs critiques qui ont besoin de comprendre les grands enjeux par eux-mêmes en se mettant au cœur des mutations technologiques. Fort heureusement, les fiches d’écriture créative ainsi que les fiches de réflexion critique sont des outils qui s’accommodent facilement des dernières innovations technologiques, un atout énorme pour les élèves et les enseignants. Autrement dit, il est possible de changer la structure des enseignements en faisant appel à des outils de transformation numérique. Et ils sont nombreux. Par exemple, il est désormais possible d’enseigner le point de vue à travers des extraits de films YouTube. Les élèves développent à la fois la pensée critique et les compétences de raisonnement déductif dans les matières principales grâce aux outils numériques.
Dans ma dernière contribution de mi-aout (publiée par le Tech Observateur), j’avais mis l’accent sur le fait que l’intelligence artificielle révolutionne l’éducation. Elle facilite surtout l’élaboration de cours et la recherche pour les enseignants ou des étudiants. L’IA est également un outil de personnalisation de l’enseignement des enfants d’autant plus qu’elle peut même générer des idées en rendant plus accessibles les enseignements et les connaissances – malgré bien sûr les risques. Le fondateur de la Khan Academy prédit que l’IA transformera l’éducation en fournissant à chaque élève un tuteur virtuel personnalisé à un coût abordable. Je cite les auteurs de cet excellent article, en l’occurrence John Baily et John Warner, « Au cœur de la vision de Khan se trouve l’idée de tuteurs dotés d’intelligence artificielle qui s’adaptent aux besoins, aux capacités et aux intérêts uniques de chaque élève. Ces systèmes avancés fourniront des instructions directes, des commentaires en temps réel et un soutien en temps réel, permettant aux élèves d’apprendre à leur propre rythme et de maitriser les concepts de manière plus approfondie que dans les salles de classe traditionnelles. »
En termes de défis, l’IA s’investit certes dans des sphères de grande envergure, modifiant par exemple la structure de gestion et le modèle économique des entreprises, mais son adoption demeure latente dans les écoles pour plusieurs raisons. Alors qu’on célèbre l’intégration de l’anglais dans le primaire, les enseignants sont dans l’impossibilité de manipuler les outils de l’intelligence artificielle, à l’image des grands hommes de média (à ce propos, lire l’édito du tonitruant Ousmane GUEYE). Nos enseignants sont limités par le fait qu’il leur manque ce niveau de développement professionnel en IA. D’autant plus que le soutien des organisations s’activant dans ce cadre est quasi inexistant dans les régions les plus reculées. Dans ce cas, l’accès aux ressources numériques demeure inéquitable aussi bien pour les élèves que pour les enseignants.
Pour favoriser un enseignement de qualité dans les écoles, nous devons réfléchir aux moyens de le faire avec rigueur et avec le soutien de l’Etat et des organisations mondiales ou locales, dont l’ambition est de soutenir une vision innovante de l’éducation par un investissement massif dans le modèle d’apprentissage technologique et innovant – par des financements notamment. L’apprentissage de l’anglais et des autres langues utiles au développement de compétences des enfants s’inscrit d’ailleurs dans cette dynamique positive de centrer l’éducation des enfants sur des compétences actives et pourvoyeuses de solutions rapides en lien avec les conditions du marché. Les responsables de l’éducation devront créer des environnements vivants, riches en possibilité et à l’abri du danger. Et pour reprendre une citation dans la revue GETTING SMART, « la vitesse d’amélioration des capacités de l’IA fait de 2025 la plus grande opportunité de création de valeur de l’histoire et, simultanément, elle s’accompagne d’un tout nouveau niveau de risque personnel, économique et catastrophique. »
El Hadji THIAM est tuteur en français à la Collégiale et à l’EDI, par ailleurs rédacteur fondateur du magazine School +. Vous pouvez le joindre à Elhadjithiam85@gmail.com
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L’article de Les Potter est à lire dans l’excellente revue Education World
Mon article s’intitule « Faire de l’IA un outil de collaboration », publié dans Le Tech Observateur
Khan cité par la revue Education Next par les auteurs John Baily et John Wainer
L’édito de Ousmane Gueye est à découvrir dans LeTech Observateur dont il est le fondateur
Getting Smart dans sa déclaration d’incitation destinée aux leaders de l’éducation en référence à 2025.