La Constitution joue un rôle fondamental. Elle est l’instrument le mieux adapté pour garantir et protéger les droits fondamentaux dans un État. Elle est aussi le seul moyen qui détermine clairement le statut des pouvoirs publics. En effet, elle joue le rôle de relais entre l’Etat gardien de celle-ci et les citoyens. Autrement dit, l’autorité de l’Etat sur la population passe nécessairement par la Constitution qui est, en quelque sorte un moyen de réconciliation entre les deux.
Les révisions constitutionnelles constituent en réalité un prétexte pour les chefs d’état pour assurer frauduleusement leur ré-élection en violant ainsi la constitution qui était en place et pour le coup en tirer profit.
Depuis l’indépendance, plusieurs révisions et changements se sont succédés au sein de notre pays . D’où l’apparition de plusieurs questions qui méritaient réflexion.
La stabilité d’une Constitution ne serait-ce t-elle pas nécessaire pour le bien du peuple ?
Ne serait-il pas plus judicieux d’encadrer les modalités de révisions constitutionnelles ? À savoir les objectifs, le moment opportun…
Quelle sera la réaction de la population suite à l’annonce d’un changement de la constitution? Quelles seront les impacts à court, moyen ou long terme des révisions de la constitution sur la population et les hommes politiques ?
La 1ère Constitution qui date de notre indépendance (1960), fut changée en 1963 puis en 2001 et enfin en 2016 avec des conséquences importantes dans l’histoire politique du Sénégal. Nous allons particulièrement nous intéresser aux deux dernières au regard de leurs conséquences dans la vie politique de notre pays.
Le 7 janvier 2001, un référendum proposé aux citoyens se solde avec l’adoption d’une nouvelle Constitution avec 94% de votes positifs. Elle donne de nouvelle prérogatives au chef de l’Etat, le Président Abdoulaye Wade. Il peut désormais dissoudre l’Assemblée Nationale de 150 députés élus au suffrage universel. Le Sénat est supprimé. En 2007, le Conseil Economique et Social est créé.
Mais vers la fin du mandat de Wade, des rumeurs sur un éventuel troisième mandat conduisent le pays tout entier à un débat sur la fiabilité d’une constitution. De vives réactions naissent dans tout le territoire, les avis des constitutionnalistes divergent selon les partis.
Tout laisse, alors, à penser que Wade voulait une issue favorable pour son fils et certains membres de son gouvernement souvent épinglés pour corruption et détournements. Mais son jeu devint plus clair quand le Conseil constitutionnel eut validé sa candidature à un troisième mandat contrairement à ce qui était écrit dans la Constitution et ce malgré les mises en garde du peuple. Le projet de loi de Wade sur la Vice-Présidence provoqua une opposition catégorique du peuple. Des manifestations hostiles aboutirent au « mouvement du 23 juin (M23) », une nouvelle organisation regroupant les partis de l’opposition, de la société civile, des acteurs culturels et même des étudiants ayant comme mot d’ordre « Wade, dégage ! ».
Finalement, les élections présidentielles eurent lieu. Le peuple, par la voie des urnes, sanctionna Wade.
Macky Sall fut élu Président et devint l’homme fort du Sénégal.
En mars 2016, par souci de bonne gouvernance et de transparence, Le Président Sall, à son tour, appela les Sénégalais à voter OUI au référendum constitutionnel proposant la réduction du mandat présidentiel de sept à cinq ans et la limitation à 2 mandats. Ce fut approuvé.
En 2024, le Sénégal connaîtra donc de nouvelles élections présidentielles.
Les élections sont encore loin mais le débat sur un troisième mandat de Macky Sall est déjà évoqué.
C’est au Président Sall d’éclairer l’opinion publique dont les avis divergent, la balle est dans son camp. Face aux tensions politiques soulevées par la possible interprétation différente de la Constitution, 2 mandats présidentiels ou 2 mandats de 5 ans sans tenir compte du passé, il est de son devoir de préciser sa position.
Le Sénégal traverse une période de stabilité politique et sociale qui doit être maintenue. Le dialogue est ouvert sur la question du vote d’une nouvelle constitution ou celle de la légitimité du Conseil constitutionnel à procéder lui-même sans consultation des citoyens sur une révision de la Constitution actuelle pour accorder la possibilité d’un troisième mandat au Président Sall.
Un retour au passé en rejetant la démocratie et le suffrage universel juste causé par un autoritarisme contraire à la volonté du peuple ne constitue t-elle-pas un danger pour la stabilité du pays?
Les dirigeants, ont-ils bien pris le temps de réfléchir à toutes les situations que peuvent entraîner la réaction du peuple face á une telle situation et les conséquences qui peuvent naître de cette réaction ?
Ousmane Fall Dieng
Coordonnateur des cadres du parti URV