Dans l’ethnie Serrère, on considère Yandé Codou Sène comme la plus grande cantatrice de tous les temps. Sa voix résonnante comme un Sorong au fond d’un puits, faisait palpiter tous les cœurs, même ceux les plus hermétiques. Elle puisait son inspiration dans les pangols du Sine qui l’avaient adoptée avec amour. Elle avait le pouvoir de bercer ces mannes invisibles dans leur semblant de sommeil dès les premières intonations de sa voix douce comme du miel fraîchement récolté. Le Président Senghor l’avait également choisie comme sa cantatrice préférée, tant il est vrai qu’il se reconnaissait dans ses douces et chaudes envolées qui faisaient battre le cœur du poète. Dans ses tournées à travers le pays, Senghor ne s’adressait jamais à la foule sans avoir au préalable, écouté la diva dont la voix transperçait les espaces en créant partout un bonheur inviolable.
La diva n’avait jamais perdu la jeunesse de sa voix, capable de se muer en plusieurs variations, toutes belles, toutes scintillantes, comme un tesson d’étoile tombé une nuit de printemps. C’est pour cette raison que le Roi du Mbalax, Youssou Ndour, l’avait intégrée dans son orchestre pour chanter en duo un morceau Intitulé « Less wakhoul », Ce qu’on n’a pas dit. Cette chanson avait remporté un immense succès non seulement au Sénégal, mais dans le monde entier.
À l’occasion du quatre vingt dixième anniversaire du Président Senghor, l’UNESCO avait organisé une mémorable cérémonie d’hommage à son siège à Paris en son honneur. Yandé Codou invitée au cours de la soirée, avait envoûté Paris par sa voix, par ses intonations, par ses variations et par sa majestueuse tenue sur scène. Sa voix conquérante répandait partout le bonheur, avec des échos poignants qui allaient se reposer à l’aube, au pied de la tour Eiffel. Jamais une diva n’avait autant impressionné que Yandé Codou, viscéralement ancrée dans les valeurs de son ethnie, d’où est issu celui qui a eu l’honneur et le prestige, d’être le Premier Président du Sénégal.
Yandé Codou était une diva pas comme les autres, parce que fondue toute entière dans les valeurs de son terroir. Son teint noir, elle le gardait avec fierté et en aucun moment, elle n’avait voulu ressembler aux autres, en refusant le mimétisme dégradant. Elle se contentait de sa négritude qu’elle portait en bandoulière dans toutes les circonstances. Le succès n’a jamais réussi à la métamorphoser, ce qui est rare chez beaucoup de vedettes de la chanson. Yandé Codou est partie rejoindre ses ancêtres, avec la conscience d’avoir accompli son rêve, c’est-à-dire, rester vivante dans la mémoire de ses compatriotes.
Majib Sène