Il y a quelques années de cela, nous quittait le très célèbre chanteur halpoular Samba Diop ; originaire de la partie du fleuve Sénégal située en Mauritanie, il a eu l’honneur et le privilège d’avoir inventé la musique « Lélé « que l’on aimait écouter le soir au clair de lune, sur les ondes de Radio Sénégal et parfois aussi, de Radio Mauritanie. C’est une musique laudative, destinée uniquement aux gros bonnets et personnes de bonne naissance. Avec sa voix de rossignol, Samba Diop se faisait accompagner par un célèbre joueur de khalam au doigté merveilleux comme le coucher du soleil sur la mer.
Samba Diop avait le verbe fascinant, coulant, riche et varié qui ne lassait et ne laissait personne indifférent. Souvent, il organisait des soirées populaires au stadium Iba Mar Diop à l’invitation des associations d’obédience halpoular. C’est de là qu’est né ce qu’on appelle aujourd’hui le « Baatrée », c’est à dire distribuer les billets de banque au vu et au su de tout le monde. Je me souviens d’une soirée populaire organisée par samba Diop à Kaolack, là où est édifié actuellement le Stade Lamine Guèye. L’emplacement avait été pris d’assaut dès les premières minutes de la soirée par une foule endimanchée et composite, parmi laquelle un halpoular gros bonnet qui devait présider la soirée folklorique. Samba Diop avait aiguisé toutes ses cordes vocales qui se mariaient harmonieusement avec le son éclectique du khalam semblant surgir des ténèbres.
La foule excitée, tomba en transe et se perdit dans des gesticulations indéchiffrables provoquées par la voix mélodieuse du chanteur et les notes envoûtantes du khalam ensorceleur. Quand l’accalmie revint, l’invité d’honneur après avoir donné tout ce qu’il avait comme argent, casque Edgan, montre et chaînes en or, sortit de sa poche une dague, arracha son oreille droite et l’offrit au chanteur médusé. Le sang abondant, gicla sur son grand boubou blanc qu’il montra à l’assistance comme symbole de son audace et de sa générosité non bridée.
C’est dire que les laudateurs, grâce à la pétillance de leur esprit et à la succulence de leurs verbes, ont la capacité d’envouter ceux qui les écoutent, capables d’infuser dans leurs cœurs, un bonheur inextinguible. Les âmes sensibles ne peuvent rester indifférentes devant les mélodies salvatrices et conquérantes du folklore sénégalais que seuls comprennent ceux qui savent écouter. Notre musique traditionnelle renferme un humanisme de bon aloi qui insinue dans les veines fragiles, un éternel bonheur.
Tel était samba Diop, ce prince charmant du « Lélé « qui, sans répit, vagabondait de ville en ville pour séduire l’âme et le cœur de celles et ceux nostalgiques des chaleureuses veillées nocturnes baignées par la clarté des étoiles. Il restera éternellement dans nos meilleurs souvenirs lui qui nous a fait aimer, parmi tant d’autres artistes émérites, le folklore sénégalais. Que son âme repose en paix.
Majib Sène