Nous sommes en 1947, à Ndande, cercle de Kébémer ; les deux lieux sont distants de 14 kilomètres et souvent, il nous arrivait de les marcher Après un aller frauduleux dans le train. La deuxième guerre mondiale venait de prendre fin deux années plus tôt. Ndande n’avait à l’époque qu’une seule classe que dirigeait celui qu’on a toujours appelé Monsieur par respect mais également, par crainte. Il était d’une rigueur exceptionnelle, avec un professionnalisme rarement égalé.
Dans l’unique classe, il y avait les élèves qui suivaient les cours élémentaires de première année. Il prît sur lui la décision de nous inscrire en cours préparatoire. Nous étions à l’époque une quarantaine de garçons à devoir emprunter le chemin de l’école.
Pour faire face à la situation, on utilisa, faute de classe, la véranda, sans doute l’ancêtre de ce qu’on appelle aujourd’hui, les abris provisoires. Cette pseudo classe n’avait ni bancs, ni tables. Nous étions donc assis à même les carreaux, notre ardoise sur les genoux.
Ainsi, il faisait le va et vient entre les deux classes, sans jamais se lasser. Cela dura toute l’année scolaire, avec des résultats incontestablement bons pour l’ensemble des élèves de l’établissement. L’année suivante, il usa de ses entregents pour nous construire une classe, cette fois ci avec tous les équipements nécessaires. Un moniteur du nom de Sy Fama Mademba, venu du Mali autrefois le Soudan, prit le relais pour le cours préparatoire deuxième année. Cela ne l’empêcha pas, en sa qualité de directeur, de nous suivre. Souvent, il venait dans la classe pour constater les progrès que nous faisions dans notre apprentissage de la langue française. Progressivement, l’école connut une grande évolution avec la construction de nouvelles classes. Il nous initia au maraîchage, en créant un jardin à l’intérieur de l’école. On y cultivait de la salade, des radis, des choux, de la carotte, de la betterave et même des fleurs. Après la récolte, le produit de la vente était destiné à l’achat de cahiers, ardoises, encre, buvards, portes plumes, plumes rondes, plumes major, plumes canards et encriers, sans oublier les buvards.
De notre temps, on écrivait avec la plume pour respecter les pleins et les déliés. Monsieur Auguste Ndiaye était un enseignant doublé d’un éducateur de très grande valeur. Il nous a appris la valeur de l’enseignement et contribué autant que nos parents sinon plus, à notre éducation de base.
Si j’ai tenu à lui consacrer cette chronique, c’est pour démontrer la valeur de l’enseignant d’hier qui était un modèle à copier et un exemple à imiter. Au nom de mes camarades de classe, Je lui rends cet hommage bien mérité, tout en priant de toute la force de mon âme, afin que Dieu le reçoive dans ses splendides jardins.
Chemin faisant, un instituteur nommé Malick Sèye Fall, saint-Louisien bon teint, fut affecté à Ndande pour entamer avec nous, notre troisième année de scolarité. Un maître très sévère avec lui-même et avec ses élèves, dont il se souciait de leur éducation. Bien des années plus tard, il devint avocat à la cour de Dakar.
Plus que de simples enseignants, ils se souciaient de notre réussite dans les études et pour cela, nous surveillaient avec un marquage à la culotte. Nous ne regrettons pas d’avoir passé entre leurs mains, eux qui ont été pour nous, des formateurs de très grande classe.
Notre promotion compta de brillants apprenants, devenus des fonctionnaires de haut niveau. Serviteurs modèles de l’état, ils ont eu la chance d’avoir été formatés par de prestigieux éducateurs dévoués à la tâche. Qu’ils trouvent ici, l’expression de notre reconnaissance toujours renouvelée.
Majib Sène