J’ai connu Habib Thiam quand il était député à l’Assemblée Nationale et directeur politique de « l’Unité Africaine », organe central du Parti Socialiste. Membre de l’école du Parti Socialiste, Habib accordait un intérêt particulier à mes prestations. Un jour Moctar Kébe dit « Mocke », qui assumait les fonctions de rédacteur en chef, m’informa que le boss voulait me voir. Anxieux, je me posais mille et une question sur les tenants de cette audience. Mais tout compte fait je me résolue à y aller, car il est établi que quand le boss vous appelle, c’est parce qu’il a des choses à vous dire. Dès que je franchis le seuil de son bureau, il m’accueillit avec un grand sourire, ce qui me mît à l’aise. L’objet de l’audience était de m’intégrer dans le comité de rédaction, en me confiant les rubriques sportives et culturelles du journal. Mes premiers papiers étaient bien appréciés, d’autant que je travaillais gratuitement. Il ne manqua pas de me dire avec humour que j’investissais pour l’avenir. Ce n’est qu’en 1993, lorsqu’il m’a nommé conseiller technique à la primature, où il occupait le poste de Premier Ministre, que j’ai compris ce qu’il voulait dire par investir pour l’avenir.
Ancien athlète, champion de France et d’Europe 100 et 200 mètres, ancien pensionnaire du très célèbre lycée Louis le Grand, diplômé de l’École Nationale de la France d’outremer, ancien ministre et deux fois premier ministre et enfin ancien président de l’Assemblée Nationale du Sénégal, telle est brièvement présentée la carte de visite de celui dont nous pleurons encore la mort.
Fidèle et loyal en amitié, ce que peut témoigner le Président Abdou Diouf, Habib Thiam est imbattable dans le travail vite fait et bien fait. Son engagement patriotique, son courage politique, son sens de l’honneur et surtout sa dignité devant les épreuves de la vie, ont exercé sur moi une réelle fascination. La vie n’a pas été tout le temps rose pour lui, mais il n’a jamais courbé l’échine, parce que originaire du Walo de Ndiadiane Ndiaye, célèbre par ses épopées glorieuses, avec en filigrane, le sacrifice émouvant des femmes de Nder.
Habib avait l’étoffe d’un chef qui se faisait respecter. Quand il donnait des instructions, allant dans le sens de la défense et de la sauvegarde des intérêts de l’État, il fallait s’exécuter sous peine d’être sanctionné. Il était un grand homme d’état formé dans les plus grandes écoles de l’hexagone. Il a consacré toute sa vie au service de son pays se privant chaque jour un peu plus pour donner davantage à l’état et à la nation.
En vérité, Habib Thiam fait partie intégrante de cette belle phalange d’hommes d’état d’envergure exceptionnelle qui ont porté dans les fonts baptismaux, le Sénégal que nous aimons tant. Ils étaient loin des querelles byzantines et scolastiques et s’éloignaient de tout ce qui pouvait les ranger dans la détestable catégorie des perroquets et des tonneaux, d’autant plus vides que sonores. Leur seul credo était de construire une nation pérenne, épaulée par un État fort et respecté de partout. À ces hommes et à ces femmes, nous leur rendons un hommage particulièrement bien mérité, car ils appartiennent à la vaillante catégorie des bâtisseurs d’empires.
Habib est parti pour ce voyage sans retour, mais son souvenir restera éternellement gravé dans nos mémoires comme une écriture en incuse d’Oracle. Plaise à dieu qu’il vive éternellement dans la clarté des étoiles, par la grâce de l’Intercesseur (Psl).
Amine
Majib Sène