« La mort, même quand elle ne surprend pas, laisse la panique sur son passage. Celle du riche et celle du pauvre, celle du héros et celle de l’inconnu, celle du saint et celle du mécréant, toutes provoquent chez les survivants le désarroi et la stupeur ». J’ai cité le Président Mamadou Dia. C’est dire que la mort de Eya Owono Stanislas dont la brutalité se mesure à la surprise provoquée par la soudaineté, a secoué les plus imperturbables d’entre nous. Le Président Mamadou Dia dans sa grande sagesse et sa vaste érudition, nous demande de comprendre la mort dans la volonté de Dieu et comme la douloureuse nécessité qui conditionne la continuité de l’espèce humaine. Eya Owono Stanislas est donc parti comme s’en sont allés les autres et comme s’en iront tant d’autres encore.
Eya Owono est originaire du Gabon, estuaire de la côte d’Afrique équatoriale sur l’Atlantique qui a donné son nom à la République gabonaise. C’est un pays au climat équatorial recouvert par la forêt dense, dont l’exploitation surtout celle de l’Okoumé pour le contre-plaque constitue une ressource importante à côté des industries extractives (uranium, fer, manganèse et surtout le pétrole).
Le Gabon fut le lieu d’exil de Cheikh Ahmadou Bamba en 1895 et Lambaréné, son lieu de détention par l’autorité coloniale. Voilà qui explique sans doute que le Gabon est l’un des pays d’Afrique le plus connu des sénégalais, mais sans doute aussi le plus aimé à cause du séjour de 7 longues années que le vénéré Cheikh Ahmadou Bamba y a effectué sous la forme d’un internement soi-disant politique.
Formé à l’INJS de Libreville puis à Abidjan où il décrocha le diplôme d’État de Conseiller d’Éducation Physique et Sportive en 2001, il obtint, à force de travail et d’abnégation résolue, le diplôme d’Inspecteur de la Jeunesse et des Sports à l’INSEPS de Dakar. Parti pour ne plus revenir comme ces oiseaux de légende qui sont allés mourir au Pérou, ses camarades ont décidé d’immortaliser son nom en faisant de lui le parrain de leur promotion.
Son séjour à l’INSEPS a été bien apprécié par ses professeurs qui ont gardé de lui un excellent souvenir. Eya Owono a réussi son pari celui dont rêve tout homme, toute femme de ne pas se faire oublier après la mort. Des cadres comme Owono, la jeunesse africaine en a besoin pour se former, pour s’instruire et pour s’éduquer afin de devenir d’excellents agents de développement au service de notre continent. C’est le lieu donc de rendre un hommage largement mérité aux enseignants de l’INSEPS qui connaissent bien leur devoir et qui l’accomplissent avec un acharnement, une conscience et une compétence jamais démentis. Qu’ils trouvent ici, l’expression renouvelée de notre haute et respectueuse considération. Nous sommes, dans un monde de crise, je dirai même un monde en folie qui secrète des antivaleurs dont la cible la plus exposée et le terreau le plus fertile sont indéniablement la jeunesse.
Ceux qui se donnent comme mission de protéger la jeunesse contre les maux qui gangrènent nos sociétés, ont droit à notre profonde considération et à notre reconnaissance toujours renouvelée. Enseignants et formateurs toutes disciplines confondues, nous vous disons merci, car si le lièvre a pu manger le fruit de l’arbre, il doit en remercier l’oiseau qui l’a fait tomber.
Eya Owono Stanislas, tu peux d’or et déjà reposer en paix car, selon tes états de services, tu as accompli ta mission sur terre avec compétence et sérieux ce qui confirme la marque foncière de l’homme de devoir que tu es. Nous sommes sûrs que la jeunesse gabonaise ne t’oubliera pas car tu lui as consacré, sans parcimonie ni acrimonie, les plus belles années de ta vie. Nous pouvons être certains que les fruits que porteront les arbres que tu as plantés auront une saveur et une succulence dont s’enorgueillira le peuple gabonais.
Rencontrer la mort sur le terrain de la vie sans pouvoir l’éviter est assurément un sort pénible, un destin à la face hideuse qui inflige un KO dont on ne peut se relever. Mourir sur le terrain de la vie avec sa femme, son frère et son ami un jour où le soleil s’enflamme au couchant, rend triste et morose comme les fleurs immatures d’un printemps précoce. Ce soir, quand la clameur des chaudes nuits d’Afrique s’estompera, nous convoquerons les cantatrices de ton village natal pour que leurs voix, sublimes et mélancoliques ressemblant par leur déchirante tristesse à celles des prêtresses païennes, entonnent en hommage à ta vie courte mais bien remplie, ton dernier chant d’adieu. Dors en paix.
Majib Sène