Le Sénégal, notre pays, regorge d’artistes talentueux de tous genres. Aujourd’hui , nous feuilletons le riche album des divas et nous nous arrêtons sur Hadja Khar Mbaye Madiaga, ce nom aux résonances mystiques, doux comme du miel fraîchement récolté. Elle habite Rufisque, située à quelques encablures de Dakar. Rufisque est une vieille ville faisant partie des quatre communes françaises à l’époque de la colonisation. Être né à saint Louis, Dakar, Gorée et Rufisque, faisait de vous ipso facto, citoyen français à part entière tandis que les autres étaient des sujets français. Deux types de citoyens dans un même pays, seule la colonisation pouvait parrainer autant de distorsions.
Érigée en commune de plein exercice en 1880, Rufisque est fière de ses origines, avec ses bâtisses coloniales, ses canaux à ciel ouvert et ses rues très étroites semblables à celles de saint Louis, l’île enchantée. À plus de quatre-vingts ans, Hadja Khar fait partie des plus grandes chanteuses du Sénégal qui ont marqué leur époque. Ancienne pensionnaire du Théâtre National Daniel Sorano, elle a eu l’honneur et le privilège d’encadrer beaucoup de chanteuses qui sont devenues, hier et aujourd’hui, des vedettes confirmées dans leur domaine. Fervente musulmane, elle s’honore d’être une disciple inconditionnelle de Khalifa Ababacar Sy, ce diamant noir, cette rose qui pousse dans les jardins du Seigneur, cet encens qui brûle aux portes du Paradis. Avec sa voix douce et violente comme la vie, elle s’est illustrée comme l’une des plus grandes cantatrices des arènes sénégalaises. Elle sait à travers ses chansons, stimuler les lutteurs, leur donner plus d’ardeur et courage dans leurs confrontations épiques. Sa particularité, c’est d’avoir l’art de composer des chansons enthousiasmantes qui insinuent dans nos veines fragiles, le sang de la vigueur. Retraitée depuis quelques années, elle s’est retranchée dans sa maison familiale ne faisant que de rares apparitions en public.
J’ai souvenance du fabuleux duo qu’elle formait à l’époque avec feue Fambaye Isseu Diop, une autre grande vedette arrachée à notre affection au sommet de son art. De leur temps, aucune manifestation culturelle n’avait de succès sans elles. Elles s’entendaient à merveille avec leurs voix merveilleuses qu’elles savaient utiliser pour conquérir les foules friandes de douceur.
Son génie est tel qu’elle composait et interprétait elle-même ses chansons qui avaient la capacité d’émouvoir et d’aiguiser toutes les sensibilités. La réalité c’est qu’elle a la chanson dans le sang comme en témoignent ses tubes de jeunesse qui annonçaient le futur radieux d’une exceptionnelle diva. Khar Mbaye Madiaga s’est fait un nom dans la musique sénégalaise grâce à ses efforts personnels mais surtout, grâce à ses innombrables dons que beaucoup lui envient. La ville de Rufisque veille jalousement sur sa vedette dont la voix limpide a longtemps meublé certaines de nos longues nuits d’insomnie.
Producteur et animateur de l’émission intitulée nocturnes à la télévision nationale, j’avais réussi à réunir dans une même émission Khar, Fambaye et Diabou Seck la Saint-louisienne. Ce jour là, les téléspectateurs étaient émerveillés par le génie de ces cantatrices qui semblaient sortir d’une autre planète. Sans apprêt ni répétition, elles étaient inégalables dans l’improvisation d’autant que leurs voix unies, créaient une mélodie dont on ne se régalait jamais. Présidente des communicatrices traditionnelles, Khar Mbaye Madiaga entame une nouvelle vie, celle de propager la parole qui assure et rassure pour une paix durable dans tous les cœurs. Plaise à Dieu que le succès l’accompagne dans toutes ses initiatives.
Majib Sène