La littérature doit elle être au dessus de tout au point que l’écrivain devienne intouchable ? L’écrivain bénéficie d’une large liberté de pensée et d’écriture parce qu’il évolue dans l’imaginaire, mais dès qu’il touche à la réalité, il devient soumis comme tout commun des mortels, à la critique, au devoir d’inventaire de son œuvre et de son parcours.
La distinction littéraire de Mbougar à travers le prix Goncourt nous donne une attitude naturelle de fierté, parce qu’il s’agit d’une reconnaissance exceptionnelle. Une fois passée cette saine réaction, nous devons aussi voir en quoi son œuvre valorise ou dévalorise notre culture.
Certains vocables qu’il a utilisés dans ses écrits comme, entre autres, le mot « négraille », pour parler de son peuple, sont directement puisés du vocabulaire esclavagiste et colonial. La description de ses compatriotes allant assister à un concert à Bercy (Paris) est digne de la phraséologie de l’extrême droite en France. Pour moins que ça, des gens sont traînés dans les tribunaux. Pourquoi alors lui décerner dans de pareilles circonstances un tel prix ? L’opinion nationale est divisée, voire heurtée par une telle audace d’écriture.
Au nom de la liberté d’écriture, on ne peut pas insulter la dignité d’un peuple en lui infligeant les outrances verbales de son calvaire historique que sont l’esclavage et la colonisation. L’écrivain est aussi le produit d’une histoire collective, d’un système commun de valeurs qu’il doit incarner, certes avec liberté, mais aussi avec respect. Or, dans le cas de Mbougar, l’indignité d’écriture de certains passages de ses livres ouvre la boîte de Pandore aux racistes de tout bord, pour pouvoir légitimer sans ambages, les idées de leur forfaiture. C’est en cela que Mbougar doit faire attention, car ce chemin d’écriture est sans issue.
Ce chemin d’écriture, faut il insister, est sans issue parce que le peuple a sa façon singulière de corriger les dérives volontaires ou non de tous ceux qui sont issus de ses entrailles. En effet, en lisant certains propos osés tenus par notre cher lauréat à l’endroit de son peuple d’appartenance, les pourfendeurs de la race noire jubilent pour avoir trouvé gratuitement un porte voix sans doute victime d’une jeunesse qui ne tient pas encore solidement sur ses pieds.
Majib Sène