Autrefois, à Radio Sénégal, on découvrait des génies qui venaient faire des productions extérieures adorées par les auditeurs. Ils pouvaient être des musiciens traditionnels, des poètes aux paroles suaves comme du miel fraîchement récolté, des batteurs de tam-tam à la frappe nette et ardente, ou simplement des troubadours, capables de tenir en haleine tout un auditoire conquis. Parmi ces génies, figurait Doudou, intelligemment baptisé « l’aveugle aux mains de lumière ». Il était poète, narrateur, batteur de tam-tam, guitariste, flûtiste, harmoniciste, conteur doublé d’un humoriste talentueux.
Plus qu’un simple parolier, Doudou Diop avait fini par revêtir le manteau d’un exceptionnel animateur de radio, dont les émissions étaient prisées par les auditeurs qui ne se lassaient jamais de l’écouter. Son imagination exceptionnellement féconde, lui permettait d’imaginer des possibles faits de société, de leur donner des envergures incroyables au point d’en faire des réalités. Chaque jour, il venait avec des idées d’émissions radiophoniques dont la réalisation enchantait tous les auditeurs. Il avait une telle connaissance de la société sénégalaise qu’il se positionnait parmi les plus grands philosophes et sociologues du pays. Les contes qu’il faisait avaient rencontré à l’époque beaucoup de succès, surtout au près des enfants. Sans flagornerie aucune, Doudou Diop avait ravi la vedette à tous ses collègues animateurs, par son verbe haut et nuancé, par la subtilité de ses propos, par son inventivité et par l’amour qu’il nourrissait à l’endroit de la radio.
Jouant de tous les instruments de musique traditionnels, il avait été à la base de la création du premier orchestre des aveugles du Sénégal. Radio Sénégal ne peut pas ne pas se souvenir de ce collaborateur que Dieu avait doté de beaucoup de talents. Pour aller d’un studio d’enregistrement à l’autre, il n’avait pas besoin de guide, tellement son génie éclairait malicieusement ses yeux enveloppés de brouillard compact. C’est avec un réel plaisir que je lui consacre cette chronique, en hommage fraternel mais aussi, en souvenir des moments agréables que nous avions vécus ensemble, à Radio Sénégal d’autrefois.
Majib Sène