Il y’a près d’un demi siècle, Mamadou Sakho, dit « Double Less » venait à Dakar, laissant derrière lui sa lointaine et pittoresque Casamance, bordée de lagunes et de palétuviers. Avec une taille non loin des deux mètres et une musculature digne des dieux d’Olympe, il allait régner dans les arènes sénégalaises pendant des lustres. Novice dans la lutte avec frappe, son entrée en scène ne fut pas glorieuse devant Mohamed Ndiaye « Robert », au stade des Abattoirs, qui le battit non sans peine ; mais dès qu’il a compris les astuces de cette forme de lutte, il accumula des victoires à la fois éclatantes et rayonnantes devant les ténors de l’époque : Doudou Baka Sarr, Moussa Diamé Ngom, Toubabou Dior, Mbaye Guèye et tant d’autres pour devenir sans conteste, le roi des arènes.
Avec ses belles dispositions techniques et athlétiques, il s’engagea dans la lutte olympique et remporta plusieurs fois le prestigieux titre de champion d’Afrique. Je me souviendrai toujours de sa médaille d’or qu’il enleva de haute lutte aux jeux africains de Nairobi devant le champion kenyan en 1987. Le lutteur kényan était un colosse qui faisait peur dès ses gesticulations. Devant un public très nombreux et de surcroît bruyant et chahuteur, Double Less, revigoré par je ne sais quel anabolisant, promit la médaille d’or à son ministre des sports Landing Sané. Au bout de deux minutes de combat d’une intensité exceptionnelle, notre champion eut une sérieuse blessure au triceps droit ce qui pouvait entraîner un abandon ; mais avec le « diom » légendaire qui fait que le Sénégalais n’est lui-même que dans les grandes circonstances, il continua le combat comme si de rien n’était. Mais à l’image de la chèvre de monsieur Séguin qui se battit toute la nuit avant d’être dévorée à l’aube, le colosse kenyan signa sa défaite au grand dam d’un public médusé.
Depuis ce jour mémorable, j’ai davantage aimé ce lutteur merveilleux, incapable de faire du mal à qui que ce soit. Patriote jusqu’au bout des ongles, il a tenu à honorer partout son pays même au péril de sa vie. Les arènes sénégalaises resteront longtemps avant d’avoir un champion de la dimension de Mamadou Sakho qui a transmis le flambeau à ses héritiers Balla Gaye 2 et Sa Thiès. Nous lui souhaitons une longue vie, une bonne santé avec l’espoir que le peuple se souviendra de lui.
Majib Sène