Beaucoup de sénégalais connaissent mes relations avec le Président Abdou Diouf. Ces relations fraternelles, soutenues par une profonde et affectueuse estime réciproque, datent des années 1970. À l’époque, Abdou Diouf venait d’être nommé Premier Ministre par le Président Senghor. Venu un jour présider une finale de coupe du Sénégal, j’eus l’insigne honneur de recueillir au micro de radio Sénégal, ses impressions d’après match. Sa courtoisie proverbiale, ses propos d’une tonalité respectueuse et son analyse du match bien cadrée, m’avaient séduit.
C’est ainsi que chaque fois que l’occasion m’en a été donnée, je suivais ses sorties officielles tant l’homme exerçait sur moi une réelle fascination. De fil en aiguille, Abdou devint mon ami même si ses responsabilités semblaient nous éloigner peu à peu. Devenu Président de la République, il nous faisait tous les ans, l’honneur de présider le gala du Lion d’Or en compagnie de son épouse Madame Élisabeth Diouf, une dame de grande classe, généreuse, cultivant sur les terres de son chemin, la solidarité et le partage. Un jour, le vieux maître coranique de mes enfants eut un grave accident de la circulation. Les sapeurs pompiers le débarquent à l’hôpital principal où il subit d’urgence une intervention chirurgicale causée par une fracture au niveau du crâne. Sa famille et ses proches n’avaient pas de quoi payer l’hôpital. Informée de la situation par mes soins, elle prît non seulement en charge tous les frais d’hospitalisation mais cerise sur le gâteau, elle dépêcha auprès du malade le Colonel Cissé qui lui rendait compte tous les jours, de l’état de santé du malade.
Malheureusement, le vieux finit par décéder et à notre grande surprise, elle paya tous les frais relatifs aux funérailles alors qu’elle ne connaissait ni de près, ni de loin le défunt. La particularité de Madame Diouf, se trouve dans sa générosité, dans sa manière de servir les bonnes causes sans triomphalisme, ni tambour, ni trompette.
Cette façon de faire dénote d’une éducation exemplaire qui veut que ce que donne la main droite, soit ignoré par la main gauche. Cet exemple de grandeur et de générosité, elle l’a manifesté dans d’autres circonstances les unes plus nombreuses que les autres. Elle a soutenu avec constance son époux dans toutes les épreuves des plus légères aux plus délicates, voire difficiles. L’ouvrage intitulé Abdou Diouf, le destin d’un homme que j’ai écrit en 1995, m’a révélé d’immenses qualités chez cette femme de vertu dont le soutien, les conseils et l’assistance ne m’ont jamais fait défaut.
En 1997, le Président Diouf se rendant en Arabie Saoudite pour une visite de travail, m’avait fait l’insigne honneur de me mettre dans sa délégation. Grâce à lui, j’ai eu le très rare privilège d’entrer dans la Kaaba et d’y prier pendant un long moment en compagnie de l’ensemble de la délégation dont Moustapha Niasse, Aminata Mbengue Ndiaye et l’Ambassadeur Serigne Moustapha Cissé pour ne citer que ces quelques personnalités. La dignité de cet homme, son sens profond de l’État et sa manière sans tâche d’assumer ses responsabilités, ont fait de lui l’un des meilleurs dirigeants africains de son époque. Je saisis l’occasion de cette chronique pour renouveler à Abdou et à Élisabeth, mes pensées affectueuses chaque jour renouvelées.
Père du multipartisme intégral et de la suppression du visa de sortie du territoire national, Abdou Diouf est l’artisan de beaucoup d’avancées dans la construction nationale malgré la grande sécheresse de l’époque, la récession économique et la dévaluation de notre monnaie. Au moment de quitter le pouvoir, il avait réussi à redresser la barre et à envisager la marche irréversible du pays vers l’émergence. Sans flagornerie aucune, Abdou et Élisabeth ont rendu d’immenses services au Sénégal qu’ils aiment d’un amour sans tâche. Que Dieu, dans sa bonté infinie, continue de veiller sur eux.
Majib Sène