Dakarmidi – L’Afrique est une terre de talents, d’idées foisonnantes, de dynamique sociale et culturelle, de jeunesse débordante d’énergie et de démocratie naissante, mais aussi de peuples assoiffés de changements, de conflits et d’alternance démocratique trébuchante.
L’année qui s’écoule, 2016, a constitué un nouveau grand chapitre dans l’histoire d’un continent souvent présenté comme « l’avenir de l’économie mondiale ». Retour sur les dates-clés qui ont marqué 2016 pour mieux comprendre le réveil de certains peuples africains.
I/ Les principales Crises politiques
Décembre (La RDC):
Au soir du 19ème jour de ce mois, ont éclaté des manifestations populaires contre le président de la République démocratique du Congo (RDC) Joseph Kabila, dont le deuxième et dernier mandat constitutionnel est arrivé à terme le même jour à minuit.
A l’initiative de l’opposition radicale réunie autour du vieil opposant Etienne Tshisekedi et de l’ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi (actuellement en exil volontaire), des heurts opposant les forces de l’ordre à des manifestants dans quatre villes du pays, ont jusque-là fait 56 morts, selon l’ONU.
Entre le président sortant accusé de manœuvrer afin de se maintenir au pouvoir au-delà de son dernier mandat autorisé par la Constitution et une opposition jusqu’au-boutiste, les négociations se poursuivent pour l’apaisement, mais le chaos demeure, à bien des égards, prévisible dans ce pays de la région des Grands Lacs, dont le sociologue et essayiste Franz Fanon avait dit un jour : « L’Afrique a la forme d’un revolver dont la gâchette se trouve en RD Congo ».
(La Gambie):
En Gambie, après avoir reconnu sa défaite face à Adama Barrow, élu le 1er décembre dernier avec 45,54 % des voix exprimées, Yahya Jammeh qui a totalisé 22 ans au pouvoir, fait volte-face et annonce ne plus reconnaître les résultats de la Présidentielle criant à la fraude électorale.
Se souciant peu de la volonté d’un peuple qui a exigé le changement par le biais des urnes, le président sortant semble toujours ignorer les condamnations internationales, notamment celles de l’Union africaine (UA), de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et du représentant de l’ONU en Afrique de l’Ouest.
Ces derniers l’ont appelé à respecter le verdict des urnes, mais Jammeh fait encore la sourde oreille et semble déterminé à camper sur sa position, quitte à pousser ses critiques à recourir à une intervention militaire.
D’ailleurs, dans une déclaration télévisée, faite vendredi soir, il a affirmé : « l’intervention de puissances étrangères ne changerait rien à ma décision ». Il a encore indiqué qu’il «ne tolérerait aucune protestation dans les rues » et a empêché l’avion amenant une mission de la Cédeao de se poser à l’aéroport de la capitale gambienne Banjul.
– Août (Le Gabon):
Au Gabon, une crise politique s’est déclenchée après la non-reconnaissance par l’opposant Jean-Ping des résultats de la Présidentielle du 27 août remportée par Ali Bongo avec 50,66% des suffrages.
Reconduit à la tête de l’Etat, Bongo a été réélu pour un deuxième septennat, au grand dam d’une opposition qui a contesté le résultat officiel, invoquant des fraudes dans le Haut-Ogooué, fief de l’ethnie Téké du président Bongo.
D’après les procès verbaux, Ali Bongo a obtenu 95,46 % des suffrages, dans cette province. Plusieurs organisations et observateurs de la communauté internationale ont dénoncé un déroulement peu transparent de l’opération électorale, mais le président réélu s’en est peu soucié.
Les remous et l’instabilité provoqués par ce blocage politique se poursuivent encore dans ce pays pétrolier de l’Afrique centrale. Le 23 décembre, Ping a invité la police et l’armée à le rejoindre dans son combat contre la réélection du président Ali Bongo Ondimba.
– Mars (Le Congo-Brazzaville):
Au Congo Brazzaville, après avoir procédé à un référendum constitutionnel controversé, Denis Sassou-Nguesso a remporté la Présidentielle du 20 mars dès le premier tour avec 60,39 % des voix.
Confirmé et investi chef d’Etat pour une énième fois, Denis Sassou Nguesso, qui totalise près de 32 ans au pouvoir, est confronté à une opposition faible mais persévérante, et fait face à une insécurité grandissante dans la région forestière du Pool (Sud).
Des attaques armées y sont perpétrées, faisant de nombreux morts et déplacés. Le gouvernement attribue ces attaques à la milice « Ninja » de Frédéric Bitsamou, alias pasteur Ntumi. Ce climat sécuritaire chaotique semble peu favorable à la réalisation des objectifs du quinquennat promis par Nguesso : dynamisation d’une économie en berne et réduction du taux de chômage.
– Depuis janvier (Le Burundi)
Au Burundi, les heurts et les violences déclenchés depuis avril 2015, date de dépôt de la candidature de Pierre Nkurunziza pour un troisième mandat « anticonstitutionnel », se sont poursuivis au courant de 2016.
La situation politique et sécuritaire est des plus chaotiques et la moindre éclaircie ne semble pas pour aujourd’hui, malgré la pression exercée par la Communauté internationale. L’opposition radicale et une grande partie du peuple ne décolèrent pas, mais le régime poursuit sa répression. Les violences qui ont éclaté depuis avril 2015 ont fait un millier de morts environ et poussé plus de 310 000 personnes à fuir le pays, d’après un rapport de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), rendu public en novembre 2016.
II/ Transitions politiques réussies
Le décor n’était pas uniquement sombre en 2016. Le continent a, toutefois, eu droit à certaines éclaircies en provenance, notamment, de pays de l’Afrique australe.
– Décembre (Le Ghana)
Au Ghana, le chef de file de l’opposition ghanéenne, Nana Akufo-Addo, a remporté l’élection présidentielle du 7 décembre contre le président sortant, John Dramani Mahama, avec 53,3 % des voix exprimées.
Dans une déclaration au journal « Le Monde », la spécialiste de l’Afrique subsaharienne Manji Cheto, vice-présidente de Teneo Intelligence, une société d’analyse des risques installée à Londres, a tout dit, en commentant : « Une fois encore, les Ghanéens pensent que leur bulletin est une manière efficace de se faire entendre et de montrer leur mécontentement ».
– Mars (Le Bénin):
Le Bénin est l’autre exemple confirmant que l’Afrique peut être une terre de démocratie. L’homme d’affaires Patrice Talon a, en effet, remporté l’élection présidentielle de mars 2016, avec 65,37% des suffrages exprimés, contre 34,63% pour Lionel Zinsou, alors Premier ministre et candidat du parti au pouvoir (Forces Cauris pour un Bénin émergent).
L’ancien Président Boni Yayi s’est retiré du pouvoir sans faire trop de vagues, convaincu qu’il ne pouvait se représenter après deux mandats successifs. Le Bénin, ce petit pays d’Afrique de l’Ouest et précurseur de la démocratie africaine en 1991, s’est ainsi confirmé comme un « bastion de la démocratie électorale ».
– Février (La Centrafrique):
Ce pays d’Afrique centrale qui a sombré dans une grave crise politique et sécuritaire depuis le renversement de l’ancien président François Bozizé en 2013, a vu son peuple élire un nouveau président en février 2016. Faustin-Archange Touadéra a été élu président de la République Centrafricaine au second tour avec 62,69% des voix contre 37,31% pour Anicet-Georges Dologuélé.
Ce pays meurtri par les violences et les atrocités générées un conflit intercommunautaire a finalement pu échapper au bourbier dans lequel il était coincé et a récemment réussi à mobiliser 2,268 milliards de dollar, lors de la Table ronde de Bruxelles pour le financement de son Plan de Relèvement et de la Consolidation pour une période de trois ans.
En 2016, on peut, au demeurant, parler d’un bilan mi-figue mi-raisin. Reste à savoir de quoi accouchera 2017 ?
Anadolu