Fara Njaay a remporté récemment le prix international de poésie Léopold Sedar Senghor ( Section E). Toute la presse en a fait écho. Sa « joie est immense ». Il est un immense poète. C’est le moins que l’on puisse dire. Pour avoir eu la chance de travailler avec lui dans le cadre d’un projet de livre( qui paraîtra bientôt), je peux d’emblée témoigner qu’il s’agit d’une consécration largement méritée. Alors qu’on s’interroge sur la vocation de la poésie et de l’étude de la science dans la vie scolaire et universitaire, son travail en tant que jeune poète « prolifique » mérite d’être révisé et enseigné dans les écoles. Nous sommes nombreux à méconnaître l’intérêt de la poésie et de la science à l’école. Heureusement, Il en fait l’économie dans les établissements à travers des ateliers d’écriture, des performances, des séances plénières autour de cet idéal. Au détour d’une conversation avec lui dans un restaurant de la place, j’ai prononcé à son égard le mot « génie ». J’estime qu’il fait partie de la nouvelle classe de jeunes poètes, de cette élite éduquée, comme ce fut le cas au 16 ème siècle.
La poésie peut sembler un portail improbable vers la nature fondamentale de la réalité – vers la matière noire et la singularité, l’évolution – mais elle a une belle façon d’introduire des idées dans notre conscience par la porte dérobée du sentiment, en contournant notre nos façons ordinaires de voir et de nous rapporter au monde, nos préjugés et nos idées préconçues, et d’ouvrir une autre porte de réceptivité. Grâce à elle, d’autres échelles de temps, d’espace et de signification – des échelles qui sont la matière première de la science – peuvent entrer plus pleinement et plus fidèlement dans notre vision du monde, nous replongeant dans nos vies ordinaires élargies et magnifiées afin que nous puissions retourner à notre vie. Nos tâches quotidiennes et nos désirs existentiels avec une résilience renouvelée et une passion pour les possibilités.
La poésie et la science – individuellement, mais surtout ensemble – sont des instruments pour connaître le monde plus intimement et l’aimer plus profondément. Nous avons besoin de la science pour nous aider à affronter la réalité selon ses propres termes, et nous avons besoin de poésie pour nous aider à élargir et à approfondir les termes dans lesquels nous nous rencontrons nous-mêmes et les uns les autres. Au croisement des deux, nous pouvons trouver un moyen de clarifier notre expérience et de la sanctifier ; une manière d’harmoniser la réalité objective d’un univers insensible à nos espoirs et à nos peurs avec la réalité subjective de ce que l’on ressent d’être en vie, de trembler de chagrin, d’être heureux. Tous deux ont pour objectif de nous aider à découvrir quelque chose que nous ne connaissions pas auparavant – quelque chose sur qui nous sommes et ce que c’est. Leur bénédiction partagée est une prise de conscience d’une réalité illuminée d’émerveillement. L’enseignante Sarah Reardon a confié a propos de la valeur de la science – selon ses propres étudiants. Et voici la réponse des étudiants : « Nous étudions la science pour observer et nous émerveiller devant le dessein de Dieu sur le monde. » la poésie est certes loin d’être une connaissances claire, mais elle englobe cet aspect suprarationnel de la science. Lire Fara Njaay peut nous aider à percevoir justement cette asymétrie. Bravo à lui.
El Hadji Thiam est tuteur en Français.