- Dakarmidi- En ce 8 mars 2019, nous célébrons la Femme au nom de ce qui élève l’humanité.
« Cosette, voici le moment venu de te dire le nom de ta mère. Elle s’appelait Fantine. Retient ce nom-là : Fantine. Mets-toi à genoux toutes les fois que tu le prononceras. Elle a bien souffert. Elle t’a bien aimée. Elle a eu en malheur tout ce que tu as eu en bonheur. Ce sont les partages de Dieu. » Victor Hugo, Les Misérables, (5e partie, livre 9).
Il y a dans la trajectoire de l’humanité des figures qui émergent pour apporter cette dose de luminosité qui propulse. C’est dans son profond sommeil, en effet, que Dieu fera sortir de lui -entendez Adam- Éve pour être l’antidote de la solitude, de l’ennui et de tout ce qui rive vers le sol, cette strate de la prime platitude. Le vertige n’est pas loin d’une conscience qui tourne en rond ou qui prend de l’altitude. Ainsi, par Éve, Dieu sauva l’homme qui, comme par logique attractive qui renvoie toute chose à son état originel, se fera saisir par la pomme qui impulse une déviance.
Depuis cet épisode, une histoire a commencé à s’écrire avec une plume dorée qui se nourrit souvent de l’encre pâle. Cette plume a traversé bien des pages. L’obscurité et la lumière s’y côtoient harmoniquement. Toute monotonie est répétition du seul motif qui se donne dans le rejet.
Femme, sois bénie pour cet apport d’une nouvelle sonorité qui sauve de la monotonie. Sois bénie au nom de cet éclair qui traverse les vues de l’homme pour le ramener à lui après un moment de retrait, voire d’égarement.
Nous partirons de quelques auteurs ayant parlé de la femme avant de nous pencher sur des figures féminines qui nous semblent majeures dans le champ de la création littéraire. Cette division bipartite répond à notre conviction qui place l’amour au cœur de la vie si elle ne fait pas de lui la grande affaire de l’existence humaine.
Avec Goethe, nous pouvons lire ce que la femme aimée apporte à l’homme à qui elle livre son empire : « Je la quittai en lui demandant la permission de la revoir le jour même ; elle y consentit, et je l’ai revue. Depuis ce temps, soleil, lune, étoiles, peuvent s’arranger à leur fantaisie ; je ne sais plus quand il est jour, quand il est nuit : l’univers autour de moi a disparu. ».
Anéantissement de tout ce qui pourrait rappeler le règne du temps et la métamorphose des saisons est ce que dit Goethe à travers cette permission accordée. Cela tient au fait qu’aimer, c’est se retrouver dans un cadre fascinant. Tout le sens au soupir d’Alfred de Musset : « Quelle douceur infinie dans les premiers regards d’une femme qui vous attire… ». Une telle attirance n’est pas de l’ordre de la distanciation qui se réduit, mais d’un saisissement qui nie tout mouvement. Elle pétrifie. John Milton en a fait la triste et sublime expérience sur un matinal chemin au point de vivre sans ouverture jusqu’à la fin de sa vie. Nous nous garderons de condamner l’auteur du Paradis perdu pour qui il est plus digne de régner en enfer que d’être un servant au paradis. De là, être maître de soi dans l’abîme est plus exaltant que s’avouer vaincu d’un regard autre.
Juliette Drouet fut chantée par Victor Hugo qui lui-même a peint l’angélique visage de Cosette devant Marius. La beauté sur un visage féminin est le suprême indice que quelque chose de sublime peut advenir quand l’homme décide d’ouvrir et son esprit et son cœur. Le second est un réceptacle tandis que le premier s’extériorise. L’auteur des Misérables est très humaniste en nous livrant ce qui suit : « De toutes les choses que Dieu a faites, le cœur humain est celle qui dégage le plus de lumière, hélas ! et le plus de nuit. ». À ce niveau, la résignation devient fatale. La lumière doit l’emporter sur ce qui est contraire à la vie. Ainsi, reprenons-nous cette injonction biblique : « Garde ton cœur plus que toute autre chose car de lui viennent les sources de la vie » (Proverbes, 4 ; 23.).
Dans un élan qui exprime l’extrême tension d’une conscience qui fuit la réalité de la génération au sens d’avènement continuel du nouveau qui chasse l’ancien, Joseph Correa fait état de son cœur en lisant ce qui a tout d’une insulte à ses yeux : « Femme, tu prends de l’âge ».
Amantes, elles deviennent sourdes à toute observation désobligeante. Non, rien ne saurait nier à la femme cette fiévreuse lucidité qui résiste à toutes les offenses. Ce qui la rabaisse ne l’abîme point.
C’est pour exprimer cette force si douce et tenace à la fois qui distingue la féminité que votre serviteur a décidé de parler, dans le second moment de ce texte, en remettant sur le métier quelques étincelantes figures de la gent féminine, de ce que les femmes disent d’elles-mêmes.
Délibérément, nous entamons cette phase avec Hannah Arendt. Cette philosophe a bien des fois montré qu’aucun domaine n’est la chasse gardée des hommes. Elle fut forte et engagée dans une époque où son appartenance identitaire constituait une sentence de mort dans une Europe folle. Mais la femme sait se relever en gardant sa fière allure.
Mariama Ba a su dérouler, en un rouleau aux motifs variés, la misère d’une féminité que l’esprit rétrograde de l’homme entretient et légitime. La situation de la femme est un excellent baromètre pour jauger le degré de civilisation d’une société. Plus la femme se libère, plus la société est raffinée.
La Grande Royale a le mérite de dire aux Diallobé que ce qui s’annonçait était plus qu’une secousse. Il s’agissait d’une révolution.
Les braves femmes de Ndeer ont consenti à l’ultime sacrifice qui rehausse le postulant : préférer la mort plutôt que la servitude. Le mardi 7 mars 1820, les flammes d’honneur inscrivirent les cendres de courageuses femmes dans la mémoire collective. C’est le Talatay Ndeer.
Scolastique Mukasonga a pu puiser en elle la force herculéenne pour parler du drame rwandais qui l’installa au bord du précipice. La perte des siens éveilla en elle l’ardeur de la culture humaniste qui fonde les bons rapports.
Fatou Diome fait vibrer ce que l’Africain a de plus profond sous les projecteurs des médias de l’Hexagone. Elle se livre à une bataille d’idées qui la consacre. En elle, se reconnaissent toutes les dames qui se lèvent avant le chant du coq pour batailler avec dignité, courage et persévérance.
Même dans le combat, au cœur de l’adversité, la femme tient en elle cette force qui a tout d’une lumière, tout du beau, tout du juste et sans quoi rien de vrai : l’amour.
Fatou Laobé, dans une chanson qui fit sa gloire artistique, décline les vertueuses facettes de la cour qu’un homme ferait d’une dame en âge d’entrée dans l’antre conjugale. Elle parle de labat, terme wolof qui donne sens à la tradition.
Dans un élan d’amour pur, feue Aminata Sophie Dièye dite Ndeye Takhawalou a écrit avec des mots justes ce que tout cœur tendre aimerait émettre : « Je suis en ce moment amoureuse jusqu’à flirter avec les étoiles pendant mes nuits d’insomnie. Il y a des espoirs qui ne meurent pas. Il y a des attentes qui toisent l’éternité. Il y a des désirs que rien ne peut éteindre. On aime avec ses peurs, mais on succombe de ses audaces et on meurt pour son plaisir ». L’amour de la femme est un immense fleuve qui absorbe toutes les impuretés de la bêtise humaine au nom du Pardon, ce sentiment de grandeur.
Qu’il nous soit permis de dire en quelques mots ce qui pourrait nous occuper durant une éternité. La femme est à célébrer. Elle est à magnifier. Sous ses pieds, l’homme devait se plier. Sa gloire rayonne sur l’humanité. Votre serviteur fut témoin du dévouement de la femme à travers le sacrifice quotidien de sa défunte mère pour la famille et tous ceux et toutes celles qu’elle rencontrait sur son chemin.
La femme est mère, sœur et fille. Elle est l’arc-en-ciel d’où irradient toutes les couleurs qui font le genre humain. Elle est précieuse dans sa fragilité. C’est l’image d’un mouchoir aux senteurs exquises qu’emporte le vent. Nous terminons cette excursion en pensant à notre défunte grand-mère qui fut, au nom de ce que l’Afrique a de beau, notre école de vie. Satou Faty dite Lincinŋ, dors en paix dans le sommeil du village des Ancêtres.
Ibou Dramé SYLLA
Doctorant en Philosophie – UCAD/FLSH