Le docteur Thierno Thioune, maitre de conférences titulaire en économie à l’Ucad et directeur des études du Centre de recherche et de formation pour le développement économique et social (Crefdes) n’approuve pas le « bidouillage » des chiffres sur le taux de croissance du Sénégal. Il réagissait, suite au communiqué de la Banque mondiale sur les perspectives économiques en Afrique subsaharienne et notamment sur le taux de croissance avancé par le Sénégal.
«Je suis dubitatif et perplexe sur le taux de croissance de 7,2% annoncé par les autorités. Lequel est chanté urbi orbi et qui ne se fait sentir dans la vie des concitoyens. Parce qu’en réalité, ce taux de croissance est porté par le secteur tertiaire, notamment les Tic. Celui-ci est constitué essentiellement de capitaux étrangers. Or, en réalité, l’économie nationale devait être portée par le secteur primaire à même de créer plus de la valeur ajoutée (emplois). Ce qui fait que tous les points de croissance qui sont gagnés sont rapatriés à l’étranger.
Bidouiller les chiffres sur la croissance pour laisser croire que l’économie nationale se porte bien alors que tel n’est pas le cas est chose à éviter. S’adonner à ce jeu peut instaurer un climat de non confiance pour les investisseurs étrangers d’une part et mettre le pays dans une instabilité sociale pour non-satisfaction des revendications. Normalement, lorsque l’économie nationale marche bien, cela doit se refléter ou se faire sentir en termes de création d’emplois, de trésorerie, de paiement de salaires à date échue, de paiement des dettes intérieures, moins d’emprunts. Or, la situation actuelle est difficile. Ce que tout le monde remarque. Le front social en atteste par les retards de salaires notés, le non-paiement de la dette intérieure, la non-satisfaction des revendications…
Même avec un écart de 0,5 point, c’est important. Avec cet écart que le citoyen lambda peut considérer moins important, j’affirme ici que cela donne une marge de manœuvre aux gouvernants pour faire face à ses problèmes de trésorerie. L’économie, ce n’est pas un jeu. C’est du réel. Par conséquent on ne peut pas se permettre de jouer avec les données scientifiques…J’ai foi aux données du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale (Bm).
Les économistes de ces institutions de Bretton Woods livrent des statistiques fiables et viables scientifiquement. Ils le font en toute indépendance sur des bases très claires. D’ailleurs, cela leur est reconnu mondialement. Les instruments de mesures sont élaborés par ces institutions. Donc, c’est du sérieux. Je suis perplexe des instruments de mesures qu’utilisent le ministère de l’Economie…».
Jean Pierre MALOU | 08/06/2018 | 11H52 GMT SUDQUOTIDIEN
Dr Thierno Thioune de l’Ucad sur la polemique autour des performances economiques du Sénégal