DAKARMIDI – Ce 15 Mai 2018 a sonné la fin pour moi d’une vie faite de combats, de rêves, d’espoirs et surtout de zikr.
Les faits…
Ce matin-là du Mardi 15 était le septième jour où je devais être obligé de compter sur la solidarité de mes camarades pour obtenir un ticket et manger à ma faim.
Depuis le 7 du mois, j’étais toujours obligé de me rabaisser pour obtenir un ticket afin d’en user pour le déjeuner et me débrouiller pour le petit déjeuner et le diner. C’est pourquoi j’attendais chaque jour ce fameux message devant m’annoncer la disponibilité de ma bourse. Je sais que j’en avais plus besoin que les autres. Ma très chère femme m’avait informé que mon enfant de moins d’un mois n’avait plus de quoi manger et que ses maux de ventre avaient repris. Eh oui ! Une femme ! J’en avais une sur instruction de mon père. Il pensait ainsi me soustraire des voies sombres de la débauche. Il voulait que je ne me concentre que sur mes études sans tomber dans les filets du diable de la solitude qui tenterait de me pousser dans les bras d’une étudiante.
La nuit du 14, j’ai fêté avec quelques amis mon anniversaire en scandant l’unicité de Dieu dans des « sikar » appris auprès de mon père. Ce dernier m’a éduqué dans les valeurs cardinales du « baay faalisme ». Je suis son seul fils !
Couché très tard, j’ai été réveillé par le bruit dans l’enceinte de l’université. J’ai demandé à un de mes voisins qui m’informa que les bourses qui étaient attendu à 8 heures comme promis par la Banque ne sont toujours pas tombées et que les camarades se dirigaient vers les restaurants pour le « Nguenté toubab ».
Ah oui ! Il faut bien qu’on mange. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être là à mourir de faim alors qu’il y’a à manger à côté. C’est même inhumain de nous refuser cela. Si nous n’avons pas de quoi payer ce n’est pas de notre faute !
Ces bourses permettent à beaucoup d’entre nous de soutenir la famille au village et le stress social aidant, l’ambiance devient électrique si elles tardent à être payées. Ce jour-là, c’est ce qui s’est passé. Chaque camarade est sorti de sa chambre avec une rage et une faim à calmer.
Ce qui m’intrigue le plus c’est que dans notre pays certains sont bien prompts à parrainer des combats de lutte, des « grands bégué »…mais personne pour payer la facture d’un « nguinté toubab » quand les étudiants en ont bien besoin.
Leurs restaurants, parlons-en ! Connaissez-vous le « rendez-vous en bas », la viande mal cuite, les vers dans les frigos, les agents des centres des œuvres universitaires qui rentrent avec de grands bols remplis de victuailles, le regard haineux des préposés au service dans les restaurants… ? Un vrai bordel !
Aujourd’hui c’en est fini pour moi ! J’ai été atteint par une balle tirée par une main inexperte. Une balle réelle dans une université, il fallait bien en avoir l’idée.
Quand cette balle m’a atteint, j’ai aussitôt pensé à mon père et ma mère mais surtout à ma femme et mon enfant qui vont désormais vivre sans un époux et un papa à leur côté. De là, j’imagine mon fils grandir avec la haine de savoir son père tué par les forces de l’ordre. Il ira à l’école sans que son père ne lui tienne la main. Je présume déjà que son grand père refusera catégoriquement qu’il y aille, lui dont le fils lui a été arraché à son affection brutalement. Il voudra que mon enfant soit loin de l’école des blancs où il est possible maintenant de sortir non pas avec un diplôme mais avec un certificat de genre de mort après autopsie.
Aux camarades étudiant je dirai que tous les combats menés jusqu’ici ont échoué du fait de manœuvres politiques. Comprenez que chaque fois que vous êtes reçus par une autorité, qu’elle soit du pouvoir ou de l’opposition, nous sommes aussi présents. Quand je dis nous, je pense à Idrissa Sagna (11 Janvier 1991), Bassirou Faye (14 Aout 2014), Mamadou Diop (31 janvier 2012) et moi-même. Permettez-nous d’être fiers de vous pour une fois !
Quand il s’agit de prendre la parole donnez la aux meilleurs d’entre vous. Beaucoup de vos souteneurs baissent la tête aujourd’hui quand ils vous entendent parler, se disant si réellement vous avez le niveau d’être pensionnaire dans une Université. Et cela il faut ensemble qu’on l’accepte et ne pas le nier. Le niveau de langue pose bien problème. Cependant je peux affirmer que les raisons sont à chercher dans tout le système dans sa globalité. Dans les universités aujourd’hui on peut rencontrer facilement des « professeurs » « lecteur automatique » et « marchand ambulant » de fascicules. Ils ne répondent à aucune question prétextant qu’ils sont dans un cours magistral qu’ils ont fini de remplacer en « cours de lecture ». Je rappelle qu’un produit ne vaut que par celui chargé de le modeler.
Bref ! Pour que nos morts servent il faudra revoir tout le système, de la base au sommet, du préscolaire au supérieur. Il faudra aussi imaginer d’autres offres post-bac permettant de désengorger nos universités.
A l’heure actuelle, la situation des étudiants constituent une bombe à retardement pour toute la société. Des camarades n’ont plus d’avenir dans les universités privées du fait de la dette cumulée ; A l’Université virtuelle du Sénégal le climat est en train de se détériorer…
Camarades étudiants qu’Allah vous éclaire !
Pour qu’enfin je puisse reposer en PAIX !
Souleymane Ly
Spécialiste en communication
Julesly10@yahoo.fr