Facebook a vingt ans. Une nouvelle largement discutée et diffusée par les médias dans le monde, notamment France culture. S’il est à la fois la promesse d’une liberté incontrôlée et le symbole d’une destruction créatrice, son évolution rapide nous pousse tout de même à la perplexité. Très récemment, un sénateur américain s’adressant à l’homme qui a créé ce monstre, en l’occurrence Mark Zuckerberg, a parlé de “sang dans les mains des adolescents” ou des plus jeunes. N’est-ce pas une manière anticiper sur les dangers auxquels sont confrontés les jeunes? Ou encore une critique virulente pour fustiger son caractère incisif ? La créature a-t-elle échappé au créateur ?
Facebook concerne aujourd’hui environ 3 milliards d’utilisateurs dans le monde. Son audience auprès des jeunes est en même temps – paradoxalement – vivement décriée. Dans cet article, j’ai choisi d’aborder la question sous un autre angle. Il s’agit d’opposer les logiques en cours en plaçant la question sur un prisme littéraire ou artistique. Ceci peut en toute logique ouvrir des regards.
Le style littéraire peut informer sur ce même procédé
En littérature, le mot style peut renvoyer à une conception esthétique ou à une idée de l’art; c’est aussi l’expression d’une originalité par rapport au langage commun, un choix personnel, ou encore ce qui ajoute à la formulation la plus logique et la plus simple, l’expression de son originalité et de ses conceptions. A noter que ces définitions, malgré leur incompletude, elles ont le mérite de reconnaître la touche originale qui se déploie dès qu’il s’agit de dévoiler le caractère artificiel des objets ou des modèles, créant ainsi un univers de chaos mais reconfiguré par la prouesse technologique et technique, voire même créative des hommes .A ce compte, le style n’est pas seulement la marque d’une collectivité ou d’une certaine subjectivité, mais supposément l’entrelacement des deux. Facebook a créé une forme, une beauté numérique, un chemin de perfectionnement vis à vis des canons traditionnels tout se démarquant de la chose ordinaire. Facebook rappelle également une conception technologique de haute facture, une technique, une méthode, un art au service du plus offrant, une culture algorithmique, un habitat numérique, pour paraphraser le Dr Frédéric Saldman. Nous savons par ailleurs que l’art, la beauté, la forme, le style sont du même ordre lorsqu’on parle de style en littérature. A cet égard, il y a un paradoxe qu’on doit relever pour toujours justifier ses liaisons parfois dangereuses.
Pour un littéraire comme Gustave Flaubert, le style renvoie certes à une forme parfaite – et que cette même forme a valeur de perfection, mais s’attache formellement à éliminer les impropriétés, les discordances pour que cela soit plus formel. C’est peut-être tout le contraire dans Facebook, où le style est plus ou moins fleuri, pas noble parfois, familier, pompeux, moins tempéré, épique par moments, relevé, etc.
En effet, facebook admet un croisement des regards, ce qui autorise un ton non dirigé mais qui informe sur les sentiments, les sensations et les émotions du public. Tout s’y déroule. Même le chaos.
Le style est aussi lié au ton des sentiments du grand public
Pour un littéraire qui s’y connait, le ton est ce qui emporte l’adhésion du lecteur et stimule l’imagination. Le ton dans l’écriture met à jour ce qu’on éprouve en tant qu’écrivain mais aussi ce que le lecteur lui-même attend du texte. Un ton qui peut être ironique, enthousiasmant, sublime, critique. D’où la présence d’une certaine subjectivité intellectuelle ou sensible dans la création.. Albert camus voit ainsi la définition du mot style : “ c’est une correction que l’artiste opère par son langage et par une redistribution d’éléments puisés dans le réel qui donne à l’univers recrée son unité et ses limites.” L’image de Facebook permet aujourd’hui de donner raison à un auteur comme Camus.
Facebook représente un monde social en miniature, des attentes ciblées ou du moins une modèle asocial au regard de la désinformation en cours. Il a reconfiguré le monde professionnel dans presque tous ses aspects. Facebook présente toutefois des limites flagrantes quant à la manière dont il doit réguler les contenus et par rapport au caractère nocif de ses algorithmes.
Il me semble que si nous voulons réellement développer de meilleures compétences sociales au sein de cet espace hybride, il est nécessaire de nous éduquer au numérique et de combattre notamment la haine distillée à travers la désinformation ou la cyber criminalité…
El Hadji Thiam est le rédacteur fondateur du magazine d’apprentissage SCHOOL+.