Dakarmidi – Invité de RFI ce lundi 14 novembre, le président du Sénégal. Macky Sall était la semaine dernière à Washington, où il était invité à s’exprimer devant les 24 membres du conseil d’administration du Fonds monétaire international. À l’occasion de ce déplacement, notre correspondante aux États-Unis a pu s’entretenir avec Macky Sall. De l’élection de Donald Trump aux engagements de la 22e Conférence climat, des gisements de gaz sénégalais à la radicalisation terroriste, il répond au micro de RFI.
Macky Sall : Ça a été le choix du peuple américain, donc nous devons respecter ce choix. Je pense que les propos d’un candidat du style Donald Trump seront très différents des propos du président ou de ses actes. Donc je voudrais attendre qu’il prenne fonction, qu’on le voit à l’œuvre, plutôt que de continuer la spéculation. Est-ce que c’est le Donald Trump candidat qu’on verra dans l’exercice ? Ça, l’avenir nous le dira.
Est-ce que vous pensez que la Cop21 et la Cop22 survivront à un retrait des Etats-Unis ?
L’accord de Paris a été un accord durement négocié. Ça a été le mérite de Paris de nous amener à un accord global, mais responsable face à l’avenir de la planète. Les Etats-Unis d’Amérique se sont engagés, attendons que les Etats-Unis changent de position pour apprécier et aussi leur rappeler les conséquences dramatiques qui pourraient découler d’un retrait d’un pays aussi important que les Etats-Unis d’Amérique par rapport à l’accord de Paris sur le climat.
Le Sénégal veut constitutionnaliser le droit à l’environnement. Qu’est-ce que ça signifie ?
Concrètement, pendant le référendum j’avais proposé au peuple sénégalais de renforcer le droit à l’environnement pour les citoyens. Ça veut dire que nous devons veiller à ce que notre environnement soit protégé, soit préservé. Cela suppose l’environnement terrestre, l’environnement marin, côtier, notre biodiversité. Nous avons un gros trafic sur le bois en Casamance et un peu dans les régions de Tambacounda et nous avons engagé une forte riposte, une riposte militaire et paramilitaire pour mettre un terme à ce trafic. Les citoyens ont le droit de bénéficier d’un environnement sain et dans la préservation de ces ressources naturelles.
Des experts sénégalais parlent de découvertes de gisements de gaz au large du Sénégal. Ils ne sont pas d’accord, en revanche, sur l’ampleur des découvertes. Qu’en est-il ?
Pour le moment, nous avons une découverte, certes significative, mais qui ne sera connue qu’après les forages de développement et que toutes les évaluations soient faites. J’invite à la prudence. C’est une affaire trop sérieuse pour qu’on s’amuse tous les jours sur la question du pétrole avec des chiffres fantaisistes. En tant qu’Etat, nous avons engagé toute la réflexion qu’il faut et mis en place un cadre pour d’abord nous conseiller, pour nous amener à prendre les bonnes décisions en matière de choix sur les chemins d’exploitation, sur les contrats pétroliers et gaziers et sur l’utilisation de ces ressources dans le développement économique et social de notre pays.
Dans une semaine, ce sera le premier anniversaire de l’attentat contre le Radisson Blu à Bamako. C’est l’angoisse de tous les pays du monde en ce moment, la radicalisation. Comment faites-vous face à cette menace ?
Aucun pays n’est à l’abri en vérité. Tout citoyen peut être radicalisé. Donc c’est une question de fond. Il faut défendre les populations et il faut aussi apporter des solutions par rapport aux problèmes que pose la radicalisation. Au début, on avait dit que c’était la pauvreté. On voit bien que c’est plus compliqué. Donc il faut également que les crises qui secouent le monde au Moyen-Orient soient étudiées et traitées convenablement. Il faut que la solidarité aussi entre les différents blocs du monde soit plus grande pour que nous puissions désamorcer ce choc de civilisation, ce choc des religions que les extrémistes essaient de forcer, mais que des gens moins conscients aussi essaient de mettre en exergue en montrant les différences. Il faut éviter la stigmatisation, surtout de l’islam, puisque les musulmans restent quand même les plus frappés par le terrorisme. Donc le terrorisme n’a rien à voir avec l’islam. Et ça on doit clairement le poser. Maintenant, les gens sous prétexte de l’islam utilisent un discours radical. C’est ça qu’il faut dé-radicaliser. Il y a un travail théologique que les musulmans doivent faire pour apporter aux musulmans le discours qu’il faut pour se prémunir de cette contamination qui est en train, effectivement, de déstabiliser le monde entier.
Est-ce que vous redoutez le retour de Sénégalais qui auraient été enrôlés et qui auraient pu combattre aux côtés du groupe Etat islamique en Syrie ou en Irak, par exemple ?
Mais oui, naturellement. Si des nationaux veulent revenir, bien sûr, il faut s’attendre à ce qu’ils essaient de développer ce qu’ils sont allés apprendre dans ces pays. Nous le voyons, il y a en ce moment des gens qui ont été arrêtés par anticipation. On n’est jamais à l’abri. Vu la manière dont les choses se passent, personne ne peut tout prévoir. Mais l’essentiel c’est d’avoir la résilience, les capacités de pouvoir rester debout. C’est ça qui est essentiel. Mais on ne peut pas dire : on a anticipé sur tout. On l’a bien vu à Nice. Il a fallu un camion pour faire ce désastre. Pendant qu’on va maintenant s’occuper des camions qu’est-ce qu’ils vont utiliser ? On ne sait pas. L’essentiel, c’est préparer la bataille psychologique.
Est-ce que vous savez combien de Sénégalais ont rejoint le groupe Etat islamique ?
Non. Vous savez, je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de Sénégalais. On a parlé d’une dizaine, vingtaine… Je ne sais pas. Ce qui est important c’est que nous veillions. Nous ferons face. Voilà. C’est ça qui est essentiel.