Dakarmidi – Senghor a dit quelque part que « le suicide est la dernière exigence de l’Honneur ».
Que reste t’il de dignité et d’amour propre à l’homme qui n’a jamais tendu la main, qui a choisi de vivre loin des siens pour les nourrir et les entretenir et qui, du jour au lendemain, par un de ces traquenards dont seul le destin détient le secret, perd et sa main et son travail et tout, après un malheureux séjour carcéral qui fait basculer sa vie ?
Il y a des tragiques de situation qui vous happent vous saisissent et vous emportent dans un torrent de rage impuissante d’où germe une furieuse colère qui vous éloigne loin de votre lucidité habituelle. Vous courez derrière les événements comme pour les rattraper et vous vous persuadez avec l’énergie du désespoir-comme celle d’un homme souffrant d’addiction au jeu-que vous allez vous refaire, accepter la situation, gérer le changement soudain dans lequel vous venez de basculer pour réorganiser votre vie et continuer de préserver votre honneur.
Hélas, vous ne le savez pas, vous avez été happé par le fatum, vous parcourez les bureaux pour réclamer justice et réparation.
Mais cette justice des hommes qui vous a condamné et précipité dans les dédales de l’enfer de votre vie est plus rapide quand elle punit que s’il s’agit de réparer un tort, et de rendre à un homme sa dignité bafouée.
Vous en découvrez l’autre versant hideux qui s’appelle bureaucratie, procédures et démarches.
Finalement, vous êtes excédé.
Vous êtes d’autant plus excédé et scandalisé et frustré et malheureux que vous lisez dans les yeux de vos proches, de vos enfants, de votre épouse non plus un soutien inconditionnel, mais une lassitude teintée de pitié qui exacerbe votre désespoir et finit par vous submerger de dégoût de tous ces gens, de ces pratiques qui vous refusent votre droit et votre indemnisation, et finalement vous vous voyez indubitablement au bout du rouleau.
Avec cette question : » La vie, votre vie, vaut -elle la peine d’être vécue « ?
Comme un défi ultime qui sonne comme une vengeance, vous avez choisi de partir en montrant à tout le monde combien chacun est coupable d’avoir laissé notre système vous broyer au point de vous ôter votre honneur.
Votre mort est une tâche. Une énorme tâche au fronton de notre Nation.
Indélébile !
Reposes en paix, frère.
Cissé Kane Ndao
La rédaction