La Fondation Servir Le Sénégal de la Première Dame, Marième Faye Sall n’existe plus. Elle a été dissoute. La décision a été actée le 11 août dernier, selon une information initialement relayée par du journal Le Quotidien.
S’achèvent ainsi onze années de philanthropie durant lesquelles Marième Faye Sall s’est voulue au plus près des Sénégalais de tous horizons et toutes soustractions. Résultat, cet établissement créé par décret du 18 septembre 2012 aura régulièrement fait parler de lui. En bien comme en mal. Côté pile, la Fondation avait pour objet de soutenir et mener des actions humanitaires et sociales dans les domaines de l’éducation, de la santé et, de manière générale, dans le domaine de la promotion économique sociale des populations défavorisées et vulnérables.
Dans ce dessein, d’après L’Observateur qui donne plus de détails, la première dame a apporté aux nécessiteux un soutien médical, donné un meilleur accès à l’eau potable par la construction de puits, forages, et redistribué des dons en nature aux indigents. L’image de Marième Faye Sall pataugeant de nuit dans les inondations pour apporter soutien et réconfort aux sinistrés de la banlieue de Guinaw Rails, demeure dans les mémoires comme celle qui l’a consacrée en dame de cœur, Côté face, le tableau est moins reluisant. Un an après sa création, la Première dame faisait face à un gros scandale financier. L’Union patronale des architectes, dénonçant en 2013 l’attribution du marché de la Cité de l’Emergence au groupe marocain Addoha, accusait la Fondation d’avoir bénéficié d’un financement de 600 millions de FCfa de la Banque marocaine du commerce extérieur (Bmce). « Nous ne sommes pas aussi riches que les Marocains, nous n’avons pas d’argent à offrir à la fondation de la Première dame pour avoir accès aux commandes publiques », avait déclaré le président de l’Upa, au cours d’un point de presse.
Suffisant pour que les Sénégalais demandent des comptes qui ne sont jamais arrivés. Tout juste Alioune Fall, administrateur général de « Servir le Sénégal », était-il sorti de sa reserve pour rejeter les accusations. Comme il le fera une année plus tard pour défendre la boite contre des accusations de détournements dans le cadre de l’opération au Cices pour les victimes d’inondations.
Marième Faye Sall avait bien menacé de dissoudre son œuvre humanitaire pour mettre fin aux attaques. Mais pour les organisations de la société civile, le mal ne pouvait être défait que par la publication des comptes de la Fondation, à défaut de son contrôle par les organismes compétents.
Aucune publication d’audit en 11 ans d’exercice
L’Obs rappelle que le Forum du justiciable avait été le premier des organismes de la société civile à se prononcer en faveur d’un audit de la Fondation. C’était en 2018 dans le sillage de la publication des rapports d’audit par les corps de contrôle. « Les subventions, dons et legs pro- venant de toute personne physique ou morale, publique ou privée doivent se faire de manière transparente et licite et ne doivent pas violer les lois et règlements en vigueur au Sénégal ou utilisés à des fins autres que celles poursuivies par la fondation, c’est à dire l’intérêt général. Or, aujourd’hui personne ne peut nous renseigner sur l’origine des ressources de la fondation «Servir le Sénégal». Qui sont les donateurs ? Quel est son patri- moine ? La fondation redistribue-t-elle ses revenus de sa dotation initiale et autres res- sources », s’interrogeait Babacar Bâ.
Suivi deux ans plus tard par Birahim Seck du. Forum civil qui, lors de l’émission Grand Jury sur la Rfm, avait appelé aussi à fouiller la gestion de la structure « qui récolte de l’ar- gent au nom du peuple sénégalais et de la générosité publique ». Les politiques n’avaient pas manqué de saisir la perche tendue. Alors que les avocats du parti libéral menaçaient la Première dame d’une action judiciaire, le Front patriotique exigeait, à son tour, un audit indépendant ainsi qu’une enquête du Vérificateur, de l’Ofnac, de l’Ige et de la Crei. Un appel resté lettre morte face à la demande publique et ce, alors même que les statuts de la Fondation exigent cette fouille. En même temps qu’il créait la structure, le décret n°2012-989 du 18 septembre 2012 avait accordé la reconnaissance d’utilité pu- blique à « Servir le Sénégal ».
A ce titre, la fondation dont les ressources proviennent essentiellement de revenus tirés de la gestion du patrimoine et des subventions, dons et legs de personnes publiques ou privées (tel que stipulé à l’article 11), est soumise au contrôle de l’État du Sénégal. Les articles 14 et 15 du décret obligent « Servir le Sénégal » à établir chaque année, les états financiers etl’inventaire des éléments d’actif et de passif pour les adresser au ministre chargé des Fi- nances. Si ces états existent, ils n’ont vraisemblablement pas fait l’objet de vérification durant toutes ces années d’exercice. Et alors même que sa dissolution vient d’être prononcée, des questions demeureront sur la liquidation des biens de la Fondation.
Des actifs redistribués sur simple désignation
La Fondation, selon les textes, ne peut être dissoute que de trois façons possibles. Par le conseil de fondation pour des raisons d’échec ou de défaillance. Sur décision de justice ou par l’autorité administrative. Dans les trois cas, la dissolution entraîne la liqui- dation des biens. « Lorsque la dissolution est prononcée par le conseil de fondation, celui- ci nomme, parmi ses membres ou en dehors d’eux, un ou plusieurs liquidateurs investis des pouvoirs les plus étendus pour procéder aux opérations de liquidation. Lorsque la dissolution est prononcée par l’autorité administrative ou par décision de justice, le ou les liquidateurs sont nommés par l’autorité administrative ou par l’autorité judiciaire >>, stipulent les articles 18.2 et 18.3. Seulement ces liquidations pourraient se faire sous le manteau pour la simple raison que la disso- lution fait sauter le statut « d’établissement reconnu d’utilité publique ». Plus aucune raison alors de rendre des comptes. D’autant plus qu’il appartient au décret qui retire à la fondation son statut, de désigner l’association à but similaire « à qui doit revenir l’actif net résultant de la liquidation ».
Pressafrik