Le Président Bassirou Diomaye Faye a voulu rassurer les acteurs de la Justice, notamment les magistrats. Hier, à l’ouverture des Assises sur la réforme et la modernisation de la Justice, il a précisé qu’il ne s’agit pas d’ouvrir «un procès en inquisition pour désigner un ou des coupables à jeter aux orties». Il a aussi insisté sur le fait qu’il faille éviter l’instauration d’une «République des juges qui remettrait en cause le principe cardinal de la démocratie».
À l’ouverture du Dialogue national hier sur le thème : «Modernisation et réforme de la Justice», le président de la République a tenu à préciser qu’avec ces concertations, il ne s’agit pas d’ouvrir «un procès en inquisition pour désigner un ou des coupables à jeter aux orties». D’après Bassirou Diomaye Faye, c’est plutôt le triptyque «Œuvre collective, démarche participative et exercice de co-construction» qui doit guider leur action. Il a ainsi appelé à «tenir un débat lucide et serein, posé et apaisé, pour ausculter notre système judiciaire, identifier ses forces, ses faiblesses, et rechercher ensemble les solutions aptes à refonder son fonctionnement et améliorer ses performances». Dans ses propos, le Président Faye a aussi insisté sur la nécessité d’avoir des échanges qui «s’inscrivent dans une démarche pragmatique et répondent à la finalité de l’exercice». Mais, ce faisant, indique-t-il, «gardons-nous de vouloir instaurer une République des juges qui remettrait en cause le principe cardinal de la démocratie : le gouvernement du Peuple, par et pour le Peuple, en vertu duquel les élus restent les dépositaires légitimes du pouvoir étatique».
Dans son discours à l’ouverture de cette rencontre, le chef de l’Etat est revenu sur les principes encadrés par des textes légaux et réglementaires qui guident le fonctionnement de la Justice. Rappelant ces principes qui ont pour noms «séparation des pouvoirs, indépendance, impartialité, intime conviction du juge, égalité de tous devant la loi, présomption d’innocence, principe du contradictoire, droit à un procès équitable et l’habeas corpus bouclier contre les arrestations et détentions arbitraires», M. Faye soutient toutefois «qu’ils ne suffisent pas eux seuls pour jauger l’indépendance, la crédibilité et l’efficacité du système judiciaire». Et d’expliquer : «En effet, quelle que soit la pertinence des textes, c’est d’abord et surtout à l’aune de la pratique qu’on peut juger si un système judiciaire répond aux idéaux et exigences de l’Etat de Droit. Voilà pourquoi, à travers ces assises, nous voulons interroger notre système judiciaire en revisitant ses règles et mécanismes afin de le perfectionner et de le hisser à la hauteur des ambitions et aspirations de notre Peuple.»
«Gardons-nous de vouloir instaurer une République des juges»
En outre, le président de la République note que les thématiques abordées «impliquent le statut des magistrats, l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la Magistrature, la dématérialisation du service public de la Justice, la Justice et le numérique, le temps du procès pénal, le régime de la sanction pénale, le cadre juridique et institutionnel de l’Administration pénitentiaire, les conditions de détention et de préparation à la réinsertion sociale des détenus, les régimes de la privation de liberté et la prise en charge des enfants en danger ou en conflit avec la loi».
Poursuivant ses propos, Bassirou Diomaye Faye déclare que «la finalité de cette exercice est de nous aider à baliser la voie pour une réforme pragmatique de notre système judiciaire afin qu’il inspire davantage confiance au justiciable et préserve sa dignité». Dans cette dynamique, il a donné quelques pistes. A en croire M. Faye, «nous devons travailler à mettre en place un système plus transparent de gestion de la carrière des magistrats, définir un régime de privation de liberté mieux encadré, aménager un dispositif législatif et institutionnel de nature à favoriser la célérité dans le traitement des procédures judiciaires et humaniser l’univers carcéral, instituer des plateformes dématérialisées et fonctionnelles». A cette liste, il ajoute l’amélioration du «fonctionnement du système par l’allocation de moyens budgétaires suffisants et la poursuite du programme de construction et de réhabilitation des infrastructures». De plus, il soutient que «pour bâtir l’Etat de Droit que nous voulons, la réforme et la modernisation du système judiciaire ne doivent pas seulement se limiter au volet pénal qui, il est vrai, polarise plus notre attention collective». Et d’ajouter : «Nous ne devons pas oublier les affaires civiles dont la matière commerciale constitue une composante majeure, le droit du travail et le contentieux administratif ; autant de domaines dont la prise en charge conditionne le fonctionnement de la Justice.»
Par ailleurs, à l’entame de son discours, Bassirou Diomaye Faye a attiré l’attention sur le fait que «la réforme et la modernisation de la Justice, la problématique et l’urgence d’y faire face nous interpelle tous au-dessus de toute considération partisane».
Essayant de justifier la pertinence de ces assises, le président de la République souligne «qu’en avril 2018, le besoin de modernisation de la Justice avait fait l’objet d’un rapport d’un comité de concertation mis en place par le Garde des sceaux, ministre de la Justice. 6 années après ces concertations et après avoir été traversé par de violentes secousses, force est de reconnaître que notre système judiciaire a besoin d’une profonde refondation que seule une approche inclusive permettra de réussir».