Il est à la fois la robe noire et la boite noire de Me Abdoulaye Wade. L’ancien ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères n’est pas diplomate de carrière, il l’est de tempérament. A cet égard, il a aidé à désamorcer plusieurs bombes depuis l’affaire Me Sèye, qui l’a libéré des goulots de l’anonymat. Cependant, « l’exil » de Karim est de l’huile au coude de Madické Niang, nouveau patron du groupe parlementaire sopiste et qui se comporte en Robespierre au point d’éclipser Omar Sarr, l’officiel numéro 2 du Pds qui a perdu du terrain depuis sa défaite de juillet passé à Dagana. Doit-on dès lors donner raison à Pape Samba Mboup qui pense que l’avocat a un agenda caché ?
Dans un entretien accordé au quotidien du groupe Walfadjri, paru le 2 octobre dernier, Pape Samba Mboup prête à Me Madické Niang de manœuvrer, en tapinois, pour être candidat à la présidentielle de 2019, en cas d’empêchement de Karim Wade. Rien de méchant ! Seule ombre au tableau, si on en croit l’ex-chef de cabinet du leader du Pds, Gorgui n’était pas averti des intentions supposées de son confrère avocat et homme de confiance.
Cette information livrée par Pape Samba Mboup n’en est pas un scoop pour autant. Puisque le site« Dakarmatin » avait révélé dès le 15 août 2016 dans un article intitulé « Wade en colère contre Madické Niang et Samuel Sarr » : « En réalité Madické Niang se positionne comme le candidat de substitution pour le Pds. En fait, le régime de Macky Sall a décidé de ne pas accepter une candidature de Karim Wade à la présidentielle de 2019. Madické Niang a été informé et en parfaite intelligence avec le pouvoir, il se prépare à être le candidat de la diversion. Wade a découvert le pot aux roses, d’où sa dernière sortie pour indiquer à Macky Sall qu’il est toujours dans l’optique d’une confrontation pour solder des comptes…. ».
Qui plus est, quand le Pds investissait Wade-fils en 2015, l’avocat avait, selon une certaine presse, déposé sa candidature avant de se retirer sur l’Aventin à la dernière minute.
Qu’à cela ne tienne ! Malgré le jeu de la barbichette en cours entre le Pds et l’Apr sur l’axe Doha-Dakar, il est difficile d’imaginer la présidentielle de 2019 sans un candidat du parti libéral.
Sous ce rapport, Me Niang, fort de son statut de leader du groupe parlementaire des libéraux et sorti victorieux des dernières législatives à Touba où il milite, a le profil idéal pour être le Plan B de Wade au cas où Karim serait dans l’impossibilité de se présenter.
Dans l’entourage de premier cercle de Abdoulaye Wade, rares sont ceux qui, parmi les potentiels plans B, jouissent d’une plus ancienne proximité, qui vire à la complicité à l’occasion, avec l’ex-chef d’Etat.
Pour mémoire, la plupart des Sénégalais ont connu le raffiné avocat au milieu des années 90, après l’assassinat de feu Me Babacar Sèye. Affaire dans laquelle Me Abdoulaye Wade et d’autres dignitaires du Pds de l’époque étaient cités (à tort ou à raison ?). Celui qui apparaissait comme un néophyte pour le citoyen lambda n’en était pas moins un collaborateur de l’ombre du Pape du Sopi, qui, avec le ministre Famara Ibrahima Sagna, ami commun à Abdou Diouf et à Abdoulaye Wade, avait manœuvré en coulisses pour débloquer la crise post-électorale qui avait débouché sur l’arrestation du leader du Pds, de Landing Savané et de grandes figures du mouvement des Moustarchidines.
« Je fais partie de ces nombreux avocats pour qui leur profession est un véritable sacerdoce, un idéal pour lequel ils sont prêts à mourir. Ce qui explique alors que j’étais stagiaire au cabinet de Maître Mame Bassine Niang, qui a été mon illustre maître de stage. Déjà à cette époque, je commençais à prendre part aux affaires politiques (marches de l’Ads, évènements de 1988…). Le fait que mon parent et ami de St-Louis, Maître Ousmane Ngom, traitât la plupart de ces dossiers me parut un motif sérieux de m’engager plus qu’avant », ainsi se laisse découvrir Me Niang, à l’avant-propos de son livre : Pour que triomphe la vérité . L’assassinat de Maître Babacar Sèye. Dans cet ouvrage publié en 2002, l’avocat de Samuel Sarr, à travers des révélations renversantes, disculpe le Pds dans cette affaire ; qui n’a pas encore livré tous ses secrets.
Me Niang est l’envoyé spécial de Me Abdoulaye Wade sur plusieurs autres terrains. Le 23 juin 2011, pour désamorcer la bombe de la manifestation réussie de l’opposition, c’est toujours lui qui, illico presto, s’est envolé vers Touba pour rencontrer les chefs religieux et esquisser la médiation qui aboutira au retrait des deux lois impopulaires proposées à la Représentation nationale. L’ex-Garde des Sceaux est bien en cour dans les différents foyers religieux du Sénégal. En bon disciple de Cheikh Ahmadou Bamba, il a ses entrées un peu partout à Touba. Ce qui ne l’empêche pas d’être bien introduit chez l’ancien Khalife général des Tidianes feu Serigne Cheikh Tidiane Sy Al Makhtoum.
En 2011, il était le ministre des Affaires étrangères quand survenait le scandale des « armes iraniennes » qui avait failli créer un incident diplomatique entre le Sénégal et la Gambie. Il avait fallu, grâce à la diligence du ministre d’Etat, tenir plusieurs rencontres entre Dakar et Banjul pour rétablir le contact entre le Président Abdoulaye et son homologue gambien. On se souvient de la visite effectuée au Sénégal par le ministre iranien des Affaires étrangères, qui apprendra son limogeage à Dakar. De la manière, il a apporté un soutien précieux aux Sénégalais vivant en Côte d’Ivoire quand, entre 2010 et 2011, certains de nos compatriotes étaient dans le collimateur des partisans de Laurent Gbagbo à cause de la complicité existant entre Wade et Ouattara.
Au Pds, il joue le même rôle de facilitateur et ne réussit pas à tous les coups. Celui qui a mis à la disposition de l’ancien président de la République sa somptueuse villa nichée dans le quartier résidentiel de Fann avait entamé une médiation pour, en vain, tenter de réconcilier son frère-talibé Modou Diagne Fada avec le père spirituel. Durant la crise dite des « Chantiers de Thiès », c’était toujours lui qui, avec Iba Der Thiam, le colonel Malick Sy et Serigne Abdoul Aziz Sy Junior, avait réussi à organiser « les audience du midi » entre Wade et Idrissa Seck. La montagne accouchera d’une souris. Et ce n’étaient pas ses premiers échecs.
Pourtant, à l’aube de ses humanités en Droit, il n’était pas évident que l’éminence grise d’Abdoulaye Wade connaisse aujourd’hui ce destin fabuleux qui le place sous les feux de la rampe. Il a été très tôt exclu de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar pour faits de grève. L’ancien pensionnaire du lycée Charles de Gaule de St-Louis poursuivra ses études à Abidjan.
Né à St-Louis le 25 septembre 1953, ses parents sont originaires du village de Khéli, que chante feu Ndongo Lô dans un de ses tubes. Sa tempérance ne l’empêche pas de composer avec l’impétuosité d’un Wade réputé caractériel. Et pour cause : le plus célèbre opposant d’Afrique noire francophone, au génie politique éprouvé, sait souffler le chaud et le froid.
Grâce à ses talents de négociateur habile, Me Niang est parvenu à renouer le fil du dialogue entre Me Wade et Macky Sall. C’est avec lui et le procureur général du Qatar que Karim Wade a quitté le Sénégal pour Doha quelques minutes après sa libération. Durant les derniers jours qui ont précédé ladite libération, il a, dans la plus grande discrétion, plusieurs fois fait la navette entre Paris et Dakar. C’est dire qu’il est un homme qui « avance masqué ».
A surveiller comme du lait sur le feu !
Mercredi 25 Octobre 2017
Dakaractu