Un kit va être produit à l’Institut Pasteur de la capitale conjointement entre le Royaume-Uni et le Sénégal pour garantir la disponibilité des tests sur le continent.
La course contre la montre est engagée. L’Institut Pasteur de Dakar, en partenariat avec la société britannique Mologic, s’est fixé l’objectif de mettre sur le marché dès le mois de juin des tests rapides pour diagnostiquer les personnes atteintes du Covid-19 en dix minutes. Un prototype, fabriqué au Royaume-Uni, est en cours d’évaluation au Sénégal, en Espagne, en Chine, en Malaisie et au Brésil.
« Les tests seront réajustés en fonction des résultats. Il faut qu’ils soient efficaces et performants avant tout, assure le professeur Amadou Sall, directeur de l’Institut Pasteur de Dakar, virologue et spécialiste des maladies émergentes. Quand le prototype sera suffisamment robuste, nous le produirons ici pour le rendre accessible en Afrique. »
Ce projet est une réponse à l’appel du docteur Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : « Testez, testez, testez. Testez tous les cas suspects. » Le but est de diagnostiquer un maximum de personnes contaminées, pour les isoler et les prendre en charge, et enfin pouvoir maîtriser la chaîne de transmission et endiguer la pandémie sur le continent africain. Déjà plus de 11 000 cas de coronavirus y ont été confirmés, causant la mort de plus de 500 personnes. Si l’OMS a assuré avoir expédié près de 1,5 million de tests à 120 pays dont des africains, il en faudra bien plus au continent.
« Aussi simple qu’un test de grossesse »
Entreprise britannique de biotechnologie, Mologic est spécialisée dans les diagnostics rapides pour les épidémies comme Ebola, la rougeole, la fièvre jaune, la dengue et le paludisme. Elle a reçu une subvention d’un million d’euros de la part du gouvernement britannique pour travailler sur ce projet en partenariat avec l’Institut Pasteur de Dakar. « Le diagnostic est une arme essentielle dans la lutte contre cette pandémie et, une fois prêt, ce test permettra un diagnostic abordable, plus précis et plus précoce de l’infection, limitant la propagation de la maladie », a annoncé le professeur Paul Davis, cofondateur et chef scientifique à Mologic.
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Aujourd’hui, deux types de tests rapides sont en cours de développement. L’un à partir des prélèvements sanguins, qui veut déceler des traces d’anticorps signifiant que la personne a été contaminée par le Covid-19. L’autre à partir des prélèvements nasaux, qui détecte le virus dans les voies respiratoires. Tout cela en dix minutes, contre plusieurs heures pour les tests moléculaires actuels.
« C’est aussi simple d’utilisation qu’un test de grossesse », résume le docteur Cheikh Tidiane Diagne, manager de la plate-forme sénégalaise Diatropix où seront fabriqués les tests une fois les prototypes validés. Créée en décembre 2018, cette unité de production a été pensée pour produire des tests – habituellement peu accessibles et trop coûteux – pour le diagnostic et la surveillance des maladies tropicales négligées.
Entre 2 et 4,5 millions de tests par an
Ces tests du Covid-19 devront coûter moins d’un dollar, soit « 5 à 20 fois moins chers que les tests moléculaires actuels », estime M. Diagne. Pour atteindre cet objectif, le professeur Sall explique s’appuyer sur trois leviers. « Nous produisons en fonction de la demande pour éviter les pertes, localement au Sénégal avec une main-d’œuvre moins chère et une proximité des lieux d’exportation et, dernier point, nous cherchons des donneurs et des subventions qui nous appuient », détaille le professeur aux lunettes rondes, habillé de son boubou bleu en wax. Le test sera alors vendu à prix coûtant en fonction du prix des intrants, pour l’heure encore importés.
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Le professeur Sall est intransigeant sur la modicité du prix du produit. « Les tests actuels sont trop chers pour nos systèmes de santé. Et nous voulons rendre nos tests rapides accessibles aux populations défavorisées, avec une qualité respectant les standards internationaux, explique-t-il. Le but est aussi de décentraliser le dépistage et de tester sans avoir besoin d’un laboratoire, d’infrastructures de santé, d’électricité ou de compétences spécifiques. »
Pour le moment, la capacité de production du lieu est estimée entre 2 et 4,5 millions de tests par an. « Nous sommes en train de réfléchir à augmenter ces capacités », annonce M. Diagne, de Diatropix. Et cela passe notamment par une phase de recrutement de gens qualifiés et compétents, alors qu’une partie du personnel a déjà été formée chez Mologic au Royaume-Uni.
« Le Sénégal offre une histoire et une tradition remarquables en recherche et développement, en éducation et en riposte aux épidémies. L’Institut Pasteur de Dakar produit déjà un vaccin contre la fièvre jaune. Il est même l’un des quatre fabricants mondiaux avec préqualification par l’OMS. Preuve que le lieu dispose d’un ensemble de compétences uniques qui s’étendent de la recherche à la production », rappelle Joe Fitchett, directeur médical à Mologic.
Cette crise du Covid-19 pourrait être l’occasion de montrer que « la capacité d’innovation est énorme en Afrique » et qu’il est primordial « d’augmenter la production locale sur le continent », revendique le professeur Sall, fier de contribuer au niveau mondial à la lutte contre cette pandémie.