Dans des envolées lyriques, empreintes d’un enthousiasme débordant, l’ancien ministre de la Culture, sous le régime du président Abdoulaye Wade, en l’occurrence Amadou Tidiane Wone, ancien ministre de la Culture, ancien Ambassadeur et Ancien directeur de Cabinet du président de la République, nous plonge dans une réflexion sur notre rapport avec l’islam, la dernière religion révélée et ce, à la lumière de l’apparition du Coronavirus.
Certains aspects du discours introspectif de M. Wone auraient acquis mon adhésion sans réserve, n’eût été sa mauvaise compréhension de la décision quasi unanime, de suspendre provisoirement les prières collectives dans les mosquées, y compris celle du vendredi. Ce discours, est –assurément-pire que celui qui lui avait valu son portefeuille ministériel.
Ce fameux discours-fleuve, conclu avec des poèmes du prédécesseur de Me Wade, le président-poète Léopold Sedar Senghor, était prononcé en 2002, à l’occasion des funérailles nationales, organisées sur le site de la Place du Souvenir Africain, après le naufrage du bateau « Le JOOLA »!
Revenant à notre sujet, daignez comprendre, excellence, que cette décision relative à la fermeture des mosquées et autres lieux de rassemblent, émane d’une exacte lecture de textes fondamentaux de l’islam. Il est vrai que l’ancien ministre de la Culture a l’excuse d’avoir ignoré cette branche qu’on appelle » fiqhou nawâzil »(Jurisprudence des cataclysmes) qui prévaut dans de telles circonstances.
M.Wone ignore certainement aussi le hadith, rapporté par ‘Abdallah Ibn Hârith, le tenant d’Ibn ‘Abbâss, selon lequel » La nuit était glaciale et pluvieuse et nous étions à Dedjnan, lorsqu’Ibn ‘Umar lança l’Appel à la prière (Âzâne). A la fin de la formule consacrée, il ajouta, pour la circonstance « Priez chez vous ». Il nous expliqua par la suite que le messager d’Allah (Psl) avait un jour ordonné cela, dans une situation similaire ». (Boukhari et Mouslim)/
Pour dire qu’il y a bien des cas où les musulmans peuvent être amenés à faire leurs prières chez eux et non dans les mosquées. D’ailleurs, celui qui est interné ou mis en quarantaine, est d’office obligé de ne pas aller à la mosquée.
Quand des pays comme l’Arabie Saoudite, l’Iran, la Turquie, le Royaume du Maroc, l’Algérie et les Émirats arabes unis, le Koweït, etc., prennent la décision de fermer leurs mosquées le vendredi, dans le cadre des mesures de prévention contre le Covid-19, je ne vois comment M.Wone pourrait interpréter cela comme un « complot » contre l’islam ou une « trahison » de la part des musulmans ?
Il est important de rappeler ou d’apprendre à M. Wone que le confinement ou la mise en quarantaine, en cas de pandémie ne sont pas des « solutions » proposées par la science occidentale. Elles sont aussi des solutions que l’islam nous avait suggérées à travers des hadiths notamment celui relatif au voyage que le Khalife ‘Umar Ibnoul Khattab voulait effectuer à Sham (dont la Syrie actuelle) et qu’il a dû ajourner, pour avoir appris d’Abdour Rahmane Ibn ‘Awf, que le prophète Mouhammad (Psl) avait déjà dit à ce propos : « Si vous apprenez l’apparition d’une pandémie dans un endroit quelconque, n’y allez point, et si elle vous y trouve, n’en sortez pas « , rapporté par Muslim.
J’aimerai vous dire M. Wone, qu’en dépit de votre « enthousiasme » pour la cause de l’islam, que l’interprétation des textes islamiques n’est pas un exercice accessible aux profanes. Il s’agit d’une science exclusivement réservée à ceux qui l’ont sérieusement apprise et assimilée. Elle ne relève pas du domaine des généralités où chacun peut avoir son opinion propre, ce que l’on appelle communément au Sénégal wax sa salat (donner son opinion).
Je voudrais également relever que la thèse du « complotisme/complotite » ou la paranoïa des ennemis invisibles, sont aussi dangereuses que l’islamophobie et les théories connexes. Elles aliènent les capacités de résistance du musulman et annihilent son potentiel de résilience.
Il y a certes des forces obscurantistes, qui tentent de diaboliser l’islam, mais il y a également des musulmans dont le pédantisme porte préjudice à l’islam, qu’ils prétendent défendre.
Le fait de ne pas nous rassembler-momentanément-dans les mosquées, ne nous empêchera pas de faire collectivement nos prières dans nos domiciles et de continuer à implorer le pardon et la clémence d’Allah, le Créateur.
D’ailleurs, c’est dans la sollicitude, en général, que les grands soufis préféraient s’adresser à leur Seigneur. La « khalwa » en arabe signifie bien « solitude » ou » retraite ».
La rapide propagation du Coronavirus est telle qu’il devient impérieux de recourir à des méthodes de riposte, édictées par la nature du combat et le caractère redoutable de l’ennemi.
L’islam est une religion dynamique qui transcende le temps et l’espace. Il ne se résume pas en une pratique cultuelle, confinée dans un endroit donné. C’est une foi intériorisée par l’individu qui peut s’extérioriser, même au fond d’une cellule de prison ou dans les coulisses d’un palais présidentiel.
N’oublions pas que le vénéré Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur du mouridisme a été physiquement empêché, pendant plusieurs années, d’accomplir ses prières collectivement dans la mosquée, mais, il est incontestable, qu’il les a faites le plus parfaitement possible, dans la solitude de sa cellule, seul face à son Seigneur, Allah (SWT).
La foi islamique se ressent, plus dans le cœur de celui qui la vit, que dans les gesticulations de celui qui la manifeste !
*Mamadou Bamba Ndiaye
Ancien ministre des Affaires religieuses
ndiabamba1949@gmail.com