Une autre couche de la société n’est pas prise en compte dans les mesures de l’Etat contre le Coronavirus. Il s’agit des malades mentaux, des mendiants et des Sans domiciles fixes (Sdf). Si certains de cette catégorie bravent les interdits inconsciemment, d’autres le font malgré eux. A l’entrée du marché de Grand-Yoff, on discute d’un présumé cas testé positif dans la commune. Les voix se lèvent de partout. Dans cette foule, on retrouve Bara Ndiaye, un handicapé moteur. Il passe chaque jour la demi-journée à «Mbarou Guinar», un lieu de vente des poulets, pour faire fortune. Malgré son handicap, il est conscient des risques qu’il encourt en s’exposant dans cette foule. Sa situation l’exige. «Je sais bel et bien que je peux contracter le virus ici. Mais, je suis obligé. J’ai ma femme et mes deux enfants à nourrir. Il me faut m’acquitter de la dépense quotidienne», s’explique-t-il. Perché sur sa moto de trois roues, Bara jure sur le Coran que s’il avait épargné une somme d’argent pouvant lui assurer les dépenses jusqu’à nouvel ordre, il ne mettrait plus les pieds sur ce lieu. «Les autorités n’ont rien prévu dans l’assistance aux personnes démunies comme nous. Des mesures d’accompagnement devraient être prises. Beaucoup des Sénégalais sont des Goorgorlus. Il faut qu’ils sortent pour joindre les deux bouts», demande-t-il.
Même discours chez Fatou Fall, une voyante trouvée devant une grande mosquée sur les deux voix de Liberté 6, à proximité de l’hôpital Samu municipal de Grand-Yoff. Ils sont nombreux, ces mendiants qui s’érigent devant cette porte de leurs bureaux, vu le nombre de personnes qui fréquentent ce lieu de culte. La chute de leur chiffre d’affaires ne leur a pas empêché de se pointer chaque matin. «Nous sommes conscients des risques. Nous avons appris comme tout le monde la rapidité de la propagation de la maladie. Nous attendons Dieu. La maladie n’a rien à faire à une personne handicapée. Nous sommes déjà malades. Que le gouvernement et les bonnes volontés nous viennent en aide afin que nous puissions restés chez nous», a laissé entendre Fatou Fall, assise à même le sol.
Au rond-point Fann, juste après l’Ecole nationale de police, de nombreuses personnes sans-abris érigent domicile ici. Chacun tient son territoire. Les uns se fondent dans leurs tas d’ordures. Tandis que d’autres se débrouillent avec des ustensiles de cuisine pour préparer quoi mettre dans le ventre. Eux, ils sont dans un autre monde ignorant complètement l’existence du Covid-19 au Sénégal. Ils sont une dizaine de gens dont on ignore leurs adresses à passer le plus clair de leur temps dans ce lieu. Ils sont facilement identifiables de par leurs comportements. Moussa Camara, un passant, s’inquiète de leur situation. Raison pour laquelle il a lancé un appel aux autorités afin de leur trouver un centre jusqu’à nouvel ordre. «Les mesures de confinement devraient aussi les concernés. Ils sont des êtres humains comme tout autre citoyen et ont le droit à la vie. Comme c’est un virus qui n’a pas encore de remède, on devrait leur chercher un toit pour leur confinement», lance-t-il à l’endroit des autorités étatiques.
Le même décor est de mise à Mermoz. Ici, le nombre de personnes errant ou Sans domiciles fixes (Sdf) est innombrable. On est sur les deux routes de la Voie de dégagement nord (Vdn), non loin de la direction générale de la Sonatel. En pleine journée, sous le pont, quelqu’un parmi ses marginaux allume le feu pour se protéger de la fraîcheur.