Dakarmidi- Qu’est-ce qui distingue l’homme de l’animal ? Question terrible, complexe et insoluble tant l’immédiat, l’apparence ou l’évidence devient un danger pour la pensée libre et soutenue.
Si nous voulons saisir l’humaine condition sous un jour nouveau, il serait judicieux de l’appréhender sous la grille psychologique. Ce qui donne tout son sens à la problématique de la peur. Qu’est-ce que la peur ? Qui éprouve ce sentiment qui rend coi ? Peut-on traverser l’existence sans être habité par ce sentiment ?
Au regard d’une approche historique, nous pouvons dire que la peur a l’âge de l’humanité. Si elle peut avoir comme déclinaison l’anxiété, le désarroi, le sentiment d’abandon, le pressentiment d’une menace qui pourrait mettre notre vie en danger, c’est qu’elle tient plus au psychisme qu’à une quelconque réalité physique. La conscience de sa présence au monde laisse édifier ce saisissement que quelque chose plane sur nous. Suis-je le maître de moi-même dans cet immense espace dont le silence me trouble ? La peur a une dimension métaphysique. Blaise Pascal n’est pas loin de la problématique en parlant de frayeur.
Avant d’aller plus loin, disons que la peur est un sentiment comme la joie. Elle est de l’ordre de l’impalpable, de l’insaisissable.
Ma peur révèle le sens que j’ai de l’écart entre ce qui m’englobe et moi-même. Donc la peur n’est pas un non-sens, un vide psychologique. Elle a tout d’un contenant plein de son contenu. De par sa plénitude dans les entrailles de l’homme, la peur devient un état qui, loin de rabaisser l’homme, l’élève dans ce qu’il est : un être fragile.
C’est l’homme qui a peur sinon il n’y a rien est l’expression pleine de sens de l’artiste comédien du nom de Gohou. La peur est humaine.
La fragilité se décline dans l’absence de mot pour nommer la chose qui fait peur dans l’instant où elle se dévoile à nous ne serait-ce que le temps fugace d’un clignement de l’œil. Il y a dans la peur un sentiment de désespoir. La métaphore de l’engloutissement sans possibilité de se sauver est ce qui rend mieux compte de l’effroi qui est l’autre nom de la peur.
Javert et Jean Valjean sont deux figures que Victor Hugo a su distribuer de part et d’autre de la précaire zone où s’exprime une partie de notre humanité : la conscience.
Qui se surprend à penser est déjà saisi par ce qui le dépasse. La nuit est sombre et la terreur y dicte sa loi. Mais le jour aussi n’est pas innocent de toute frayeur. Dans l’obscurité comme sous la lumière, l’homme est habité par quelque chose de profond.
Avec tout ce que nous venons de dire, l’homme ne peut pas vivre dans un présent où il revisite le passé et appréhende l’avenir sans connaitre ce sentiment qui peut prendre autant de couleurs que l’appareil auditif en prend pour les sonorités.
Qu’en est-il de la peur de soi et de l’avenir ? Nous pourrons y revenir très prochainement.
Ibou Dramé SYLLA
Écrivain – Doctorant en Philosophie (FLSH/UCAD)