Dakarmidi- L’homme ne naît pas homme, mais il le devient. Autrement dit, l’humanité de l’homme est le fruit d’une éducation ( discipline et instruction), sens kantien donc. Cette éducation lui confère un ensemble d’habitude, d’attitude et d’aptitude lui permettant de se prévaloir de sa dimension d’homme cultivé, civilisé, socialisé, formé. Dès lors, ces acquis : la culture, la civilisation, la socialisation et la formation dont se targue l’homme et qui le distinguent des bêtes brutes, pour paraphraser René Descartes, qui des différentes strates de la société l’a inculqué à l’homme ?
S’agit-il du médecin qui doit diagnostiquer, prescrire et soigner le patient ?
S’agit-il de l’homme de tenue qui doit interpeller, interroger, fouiller, inculper et déférer le mis en cause, le voyou, le suspect ?
S’agit-il du ministre qui doit coordonner, analyser, délibérer, manager et décider avec son cabinet?
S’agit-il du magistrat qui doit juger, poursuivre, enquêter, acquitter et condamner le malfrat ou le présumé ?
S’agit-il du maçon qui doit tracer, creuser, mesurer et badigeonner le bâtiment ou l’édifice ?
S’agit-il du menuisier qui doit mesurer, tracer, ajuster et marteler ou souder le fer ou le bois ?
S’agit-il du chanteur qui doit concevoir, rédiger, composer, fredonner et entonner une chanson?
Ou bien s’agit-il de l’enseignant sans l’action demiurgique ou messianique duquel ni l’homme de tenue, ni le ministre, ni le magistrat, ni le maçon, ni le menuisier, ni le chanteur ne répondraient pas de ce nom ?
En effet, l’enseignant est incontestablement le fer de lance de la société. L’homme dont l’œuvre est partout visible, partout sentie, partout ressentie. Consciemment ou inconsciemment, pourvu qu’on soit un homme accompli, civilisé ou socialisé, nous sentons tous l’action de l’enseignant sur nous. Son œuvre nous aiguillonne comme la mouche taon aiguillonnait la société athénienne d’alors qui languissait dans l’ignorance, dans la paresse, dans la léthargie et dans l’oisiveté la plus totale. Son œuvre nous dessille les yeux, nous met sur le droit chemin, nous évitant en conséquence de nous fourvoyer.
Le travail de l’enseignant ne serait jamais assimilé à de la sinécure. Oui, il travaille à façonner des âmes frêles et malléables, à humaniser un individu afin de l’empêcher de s’abêtir ou de rester imbécile, car l’homme est né imbécile ( Rousseau), mais heureusement il est perfectible grâce à l’action de l’enseignant. Dans son Antimanuel de philosophie, Michel Onfray écrit ceci: » Plus l’acquisition intellectuelle augmente en l’homme, plus le singe recule en lui. Moins il y a de connaissance de culture ou de mémoire dans un individu, plus l’animal prend place, plus il domine, moins l’homme connaît la liberté… Chacun porte sa part de singe, la lutte est quotidienne pour s’arracher cet héritage primitif… » Si l’animalité de l’homme est ainsi naturelle et atavique, le mérite de l’enseignant est par ricochet grand dans la mesure où il consiste à faire disparaître ce » babouin » qui s’est confortablement et opiniâtrement installé en l’homme. La valeur de l’enseignant est donc aussi grande et importante que sa mission est lourde, sacerdotale, voire périlleuse.
Ainsi, la difficulté de la tâche de l’enseignant induit nécessairement un repos bien mérité : les vacances. Oui, après le travail, il faut consentir obligatoirement un congé pour rétablir l’équilibre psychologique, délivrer des tensions nerveuses et recouvrer un bon état de santé. Toutefois, la nouvelle équipe gouvernementale, qui vient juste de se mettre à l’œuvre revendique illégitimement et indûment des vacances dont elle n’a nullement pas droit. Elle n’a rien fait qui puisse justifier lesdites vacances, surtout au moment où les urgences sociales, économiques, politiques, sécuritaires sont criardes. Ou, du moins, si vraiment ces vacances ne sont pas contingentes, mais nécessaires, je conseille que ces ministres, qui ne sont ministres que de nom, fassent des villégiatures au Rwanda, pays le plus propre et le plus assaini d’Afrique où le président Paul Kagamé ne se réveille pas un bon jour pour constater l’état d’insalubrité avancé et décréter une journée mensuelle de propreté.
Cette situation de triche générale et généralisée observable dans les plus hautes sphères de l’État et à tous les niveaux de la vie sociale sénégalaise devrait amener tout un chacun à faire son mea-culpa et à prendre conscience des urgences : l’heure est grave.
Ill est temps de reconnaître à l’enseignant sa valeur et son rôle de régulateur social et de catalyseur sans lequel aucune synergie dans la promotion des valeurs citoyennes. Il est aussi temps que chaque sénégalais et sénégalaise de quelque bord ou catégorie socioprofessionnelles où il ou elle se trouve se décide à réhabiliter l’enseignant dont le discrédit engendre inéluctablement l’opprobre et l’Apocalypse de l’humain. À cet effet, il faut qu’on dise unanimement » Stop ! Halte ! » à ces énergumènes, à ces goujats et à ces guignols de tous bords dont l’unique dessein et de ternir toute la corporation enseignante, mère productrice de toute autre corporation.
Enseignant un jour, enseignant pour toujours. De ma profession, je fais une vocation.
Mamadou Ciré SY.