Dakarmidi- [NDOUMBÉLANE : CORRESPONDANCES D’OUTRE-TOMBE (suite)]
Le pouvoir politique est la meilleure invention humaine, mais comme pour toutes les grandes inventions, c’est l’une des sources des plus grandes perversions pour l’homme. Toutes les perversions que cachent l’indigence et la faiblesse deviennent excessives et franchement sulfureuses quand on a le pouvoir politique. Donnez le pouvoir politique à un âne l’ânerie deviendra la morale ambiante de la société ; donnez-le à un singe, la singerie sera portée à son paroxysme. On ne gouverne pas les hommes selon leurs vices ; on les gouverne en réalité selon les siens. Le pouvoir politique est à la fois un révélateur et un incubateur de vices. Les gens qui aiment le pouvoir de façon passionnée sont potentiellement ou effectivement des nymphomanes, des pyromanes, des kleptomanes, etc. Le pouvoir devient pour eux un moyen d’assouvir divers desseins lugubres.
On dit par, anthropomorphisme certes, que les bonobos règlent leurs conflits sociaux par le sexe : je ne sais pas si c’est vrai, mais cela devrait inspirer les analystes et autres politologues. Ils sont nombreux, ces hommes politiques, à se servir de vous pour assouvir leur libido en tirant profit de leurs position. La gestion du pouvoir a été pour moi une véritable nymphomanie ; et je vous en parle pour vous prévenir contre les prédateurs. Ils ne volent pas seulement vos deniers publics, ils vous volent vos filles et vos femmes ; ils vous volent justement vos deniers publics pour mieux vous voler celles-ci.
Tout prédateur est un érotomane, toute prédatrice est une nymphomane : ne confiez plus jamais des responsabilités politiques à des personnes de ce genre. Si j’ai été si puissant, ce n’est certainement pas parce que j’avais une science ou une quelconque vertu supérieure : c’est grâce à ce sombre vice que je tenais les hommes et les femmes (et parfois leurs propres femmes) d’une main de fer. Le pouvoir de commander des hommes et des femmes donne parfois l’impression qu’ils sont, par essence, des objets soumis à nos désirs. Croyez-moi : chez toute bête politique, il y a le sadisme et le masochisme agissant de concert sur les mêmes cibles. Le pouvoir sur les humains, c’est avant tout un pouvoir sur leurs instincts, plus particulièrement, sur leur libido.
C’est un fait particulièrement symptomatique dans la gestion politique des bonobos humains : ils croient instinctivement que leurs militantes constituent un harem pour eux. Ils prétendent les fidéliser ainsi : une autre version du mythe de la femme-objet. Que cet être merveilleux a été si longtemps ostracisé dans l’histoire de l’humanité ! Elle serait juste un objet de plaisir et, par conséquent, un objet politique pour les hommes. N’avez-vous pas constaté que ceux qui vous gouvernent présentement se sont presque tous empressés de se marier dès leur prise de fonction ?
Le pouvoir politique et la libido se stimulent réciproquement. Les hommes les plus faibles, ceux-là qui n’ont jamais eu le courage et le talent de conquérir une femme, deviennent de véritables Don Juan dès qu’ils ont une moindre parcelle de pouvoir. Dans une société matérialiste à outrance, une société où les hommes feignent un romantisme dont ils n’ont pas les moyens, l’argent devient un enjeu capital.
Et puisque ce type de société n’offre pas d’opportunité d’épanouissement hors du pouvoir politique, la ruée vers le parti au pouvoir devient une panacée incontournable. Je ne saurais vous dire combien d’hommes j’ai « achetés » parce que les Renseignements m’avaient fourni des informations sur leurs convoitises amoureuses. Faites attention à là où vous mettez les pieds si vous voulez vous opposer fermement à un gouvernement, surtout s’il est cynique.
J’ai envoyé des femmes fatales à certains (ce qu’elles exigeaient ne pouvaient pas provenir de leurs ressources, et il me suffisait de faire aux prétendants une proposition pour les avoir) à d’autres j’ai créé des difficultés pour rendre le ménage fébrile. J’ai détruit des ménages pour affaiblir des adversaires politiques, j’ai apprivoisé des étudiants récalcitrants par la même méthode. C’est ce manichéisme doublé de masochisme qui m’a servi d’instrument politique par excellence. Vous n’êtes pas au bout de vos surprises sur ma personnalité, et vous vous demandez déjà : comment un type pareil a réussi à nous diriger ?
Le casse-pieds de Ndoumbélane