Dakarmidi- Ce n’est pas en prenant une pose (photo) avec des « grands » qu’on devient grand. Au contraire, la manie de se rapprocher des grands exprime un mal être, un sentiment de petitesse. Et ce n’est pas parce qu’on est soi-disant apprécié par des grands qu’on est grand : les esclaves adoraient les flatteries de leurs maîtres, ils se voyaient grands de susciter l’intérêt de leurs oppresseurs. De toute façon, le G20 est lui-même un décor institutionnel dans l’architecture des organisations internationales : y être invité en tant qu’affiquet ne peut dès lors être que doublement rapetissant.
La recherche de gloire artificielle témoigne d’une incapacité à en créer de vraie. Satan a périclité à cause de son orgueil ! Le déshonneur devant son peuple ne pourra jamais être dissipé par des artifices protocolaires. Un chef qui perd la confiance de son peuple n’a plus de légitimité. Il arrive que des Présidents sud-américains ne touchent pas leur salaire ; ils refusent parfois de rejoindre leur palais présidentiel. Ils n’escroqueraient jamais leur peuple sous fond de lutte pour la sobriété et la vertu. La denrée la plus rare dans les relations humaines, c’est l’exemplarité (ce que Pascal appelle, de façon philosophique, la grandeur nature) : en prison comme au palais elle brille de tout son éclat. Elle est indépendante de la situation sociale de l’individu.
Un homme d’honneur est forcément un grand leadeur : ce n’est que lorsqu’on s’interdit des choses profitables que l’on mérite de diriger les hommes. Tout peut être feint, sauf la bonne conscience : l’humanité tout entière nous jetterait des fleurs, mais si notre conscience nous fait des reproches, rien ne pourra nous sauver de la décrépitude.
Pour parodier Picasso, nous dirons, à propos de cette photo qu’on nous impose comme un trophée, que les hommes attentifs ne voient pas ce qu’ils voient, ils voient ce qu’ils pensent. Ce qui est extraordinaire dans l’histoire des grands hommes, c’est leur simplicité et leur penchant naturel à toujours rester dans le naturel et ce, quelle que soient les circonstances. Mandela, Martin Luther King, Sékou Touré, Thomas Sankara, etc. C’est la grandeur qui vient faire la génuflexion devant eux et eux, la rabrouent comme le ferait une femme dont le cœur est déjà conquis face aux assauts des prétendants. L’amour qu’ils portent à leur peuple est tellement grand qu’ils s’oublient en tant qu’individualités. Ils ont fait don de leur personne ; ils n’ont plus de « moi », car leur moi, c’est leur peuple. Ils vivent pour leur peuple : tout le reste n’est que faiblesse, fanfaronnade et fantaisie, à leurs yeux.
Alassane K. KITANE