Dakarmidi- « …l’autorité exclut l’usage de moyens extérieurs de coercition; là où la force est employée, l’autorité proprement dite a échoué » Hannah Arendt
1. Les mensonges du clan Mactar Cissé sur la SENELEC
Le mensonge est profondément humain, car il prouve une certaine forme d’intelligence. Mais quand le mensonge devient un mode de gouvernance, il finit tôt ou tard par détruire la notion d’autorité et par ricochet, le tissu social. Qu’arrive-t-il à une société ou à une famille dont le chef fonde toute sa légitimité sur le mensonge ? Ce chef de famille ou d’État n’a d’autre choix (lorsque ses menteries auront saturé les consciences) que d’imposer son mensonge comme étant la vérité : c’est là le mobile de toutes les formes de dictature. Un père de famille qui a perdu l’amour de ses enfants se réfugie derrière l’autoritarisme. Et c’est la même chose pour un chef d’État qui a perdu la confiance de son peuple : la force brute devient son principal levier politique. L’usage intempestif de la violence dans une démocratie est révélateur d’une crise d’autorité, d’un déficit énorme de légitimité.
Notre ministre, le génie des hydrocarbures, l’excellent Mactar Cissé, prétend que la hausse du prix de l’électricité est dictée par les aléas liés aux cours non maitrisés du baril du pétrole et du dollar. Que valent de telles explications face à deux réalités qui s’imposent à l’esprit et à l’œil. La première est que le baril du pétrole a toujours fluctué, ce qui impose à un État sérieux de trouver des mécanismes de péréquation susceptibles d’amortir les chocs. De 2009 à 2019 le baril du pétrole a connu toute sorte de variation : on est passé de 139 dollars (en moyenne parce qu’il y a une pique qui a frôlé les 150 dollars) à 62,98 dollars. Qu’a-t-on fait des périodes fastes où le prix du pétrole a chuté jusqu’à 40 dollars ? La SENELEC ne pouvait-elle pas s’inscrire dans la dynamique des contrats prédéterminés avec ses des fournisseurs ou une autre forme de péréquation ? Il n’y a pas de société ou même d’État au monde qui maîtrise les fluctuations du prix du baril, mais il y a des prévisions sur lesquelles on peut s’appuyer pour ne pas subir de plein fouet le caractère brusque et aigu de certaines crises. La deuxième réalité est qu’entre 2012 et aujourd’hui il n’y a pas une hausse exponentielle du pétrole qui puisse justifier cette mesure impopulaire qu’on veut nous imposer. Quel a été l’impact des lampes à basse tension dans la consommation ? Quel profit la SENELEC a-t-elle tiré des compteurs prépayés relativement au recrutement ?
Il y a assurément mensonge sur le recrutement, car un personnel superflu est dénoncé à la SENELEC : lorsqu’une entreprise traine une dette et qu’elle est subventionnée par l’Etat, elle ne peut pas se permettre de faire un recrutement pareil ! Il y a également mensonge sur les coupures d’électricité, car au soir du 2nd tour de l’élection présidentielle, il n’y avait presque plus de coupure : consultez la presse de l’époque, car elle avait suggéré que c’était une mesure électoraliste. Peut-être qu’elle le fut effectivement, mais dans ce cas, la même explication vaut aussi pour vous. Oui, mais vous avez menti en affirmant que l’embelli de la SENELEC est le fruit de la vision de Macky Sall : consultez les communiqués des conseil de ministres de l’année 2011-1912, vous y verrez tous les projets que vous avez réalisés et comment la politique énergétique et stratégique actuelle de la SENELEC a été définie bien avant votre arrivée au pouvoir.
Oui, vous faites un parjure énorme en comparant la capacité de production actuelle de la SENELEC à celle sous Diouf ou sous Wade : les fluctuations du marché du pétrole que vous évoquez vous-même, les aléas qui pèsent sur vous présentement n’étaient-ils plus périlleux à cette époque ? Comparez le budget du Sénégal à ces différentes périodes, le PIB, les capacités financières liées, entre autres, au nombre d’abonnés, aux effets des mesures prises entre 2011 et 2012 et à la clémence du marché du pétrole. Imaginons un père de famille qui dit qu’il y a dix ans j’avais un téléviseur ordinaire, en 2019, j’ai un téléviseur plat, ça se voit que je travaille dur et bien ! C’est du sophisme, car il sait très bien que le prix et la qualité technique du téléviseur ne dépendent pas de lui et que s’il fait le ratio, son pouvoir d’achat n’a pas augmenté d’un centime. Arrêtez d’arnaquer le peuple !
2. Rappel de quelques faits et dates
Le J.O. N° 6571 du LUNDI 14 FEVRIER 2011 créant et organisant le fonds spécial de soutien au secteur de l’énergie (FSE) donne un clé de lecture précise sur les mesures qui ont été prises pour renflouer la SENELEC. C’est grâce à ce fonds que les coupures de courant ont été presque ramenées à des proportions raisonnables. En septembre 2010 déjà l’ancien ministre Samuel Sarr présentait un rapport sur les « perspectives de redressement du secteur ». Dans ce rapport il y avait non seulement le diagnostic des difficultés de la SENELEC, mais aussi une politique d’incitation à la baisse de la consommation d’électricité par les ménages. Les lampes à basse tension ont été vulgarisées et mises sur le marché.
Selon le rapport du Système d’information énergétique du Sénégal (SIE) de 2010, le taux d’électrification nationale en 2010 était de l’ordre de 54 % contre une moyenne mondiale de 60 %. Selon toujours le même rapport, « les objectifs initiaux fixés par le Gouvernement dans le Programme d’Actions Sénégalais d’Electrification Rurale (PASER) qui visait à porter le taux d’électrification rurale à 30% en 2015 puis à 62% à l’horizon 2022, pourraient largement être atteints avec des taux respectifs de 38,4% et 77,4% pour 2015 et 2022 ». Il est facile de voir comment ces chiffres sont présentement revendiqués par Macky Sall. Qu’est-ce que le gouvernement de Macky Sall a fait de toutes ces études ? Les fanfarons du régime viennent nous snober avec des taux dont ils ne guère les auteurs. Plusieurs personnes ont écrit le même article dans des médias différents ce qui laisse croire que c’est des éléments de langage, une standardisation d’une rhétorique ! Ils n’ont jamais parlé du principe de la continuité de l’État quand ça ne les arrange pas. En 2008 le baril du pétrole frôlait les150 dollars (110 dollars en 2010) : comparons ces données avec celles actuelles pour comprendre que la mesure de hausse est plutôt due à une mal gouvernance manifeste. Le gouvernement du Sénégal est devenu spécialiste de la rhétorique des chiffres, ce qui lui permet de maquiller ce qu’il veut. Mais la réalité est toujours rebelle aux élucubrations mathématiques ! Cette façon de gouverner montre que ce régime est indigne de gouverner une nation aussi civilisée que le Sénégal.
Alassane K. KITANE
Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès
Président du mouvement citoyen LABEL-Sénégal