Les Africains doivent-ils unanimement quitter la Fifa ou créer leur Fifa ? Cette question a tout son sens car, depuis que les équipes africaines ont commencé à participer au Mondial, elles ne sont jamais allées au-delà des quarts de finales : le terminus africain. Et pourtant, l’Afrique a de grandes équipes et de grands joueurs…
On se rappelle, les pays africains avaient, lors d’une réunion de l’Union Africaine au Mozambique, décidé de quitter la Cour Pénale Internationale (CPI), qui est une juridiction créée uniquement pour juger les leaders africains. Et dans son intelligence, la Communauté internationale avait choisi la Gambienne Fatu Bensouda comme Procureur de la CPI, une manière malicieuse de faire accepter la pilule de la CPI aux Africains. C’est la même intelligence qui a abouti à la nomination de la Sénégalaise Fatma Samoura comme Secrétaire général de la Fifa. C’est justement pour que les pays africains ne comprennent pas le jeu des grands décideurs dans cette compétition sportive mondiale.
Les Africains doivent comprendre et bien comprendre que ce Nouvel Ordre Mondial (NOM) n’exclut pas le football et les médias. Une seule fois, l’Afrique a organisé la Coupe du Monde, le Maroc avait présenté sa candidature, mais il a été éliminé au profit de l’Amérique, qui a pourtant plusieurs fois abrité la compétition. En vérité, les pays africains ne sont acceptés dans cette compétition sportive que pour compléter les poules. Mais, quels que soient leur talent, la qualité de leurs joueurs, ils ne dépassent jamais l’étape des quarts. Qu’on ne dise pas que c’est la règle du football. La Fifa semble avoir des règles et des objectifs commerciaux et stratégiques qui excluent d’office les équipes africaines.
La Fifa, tout comme l’Onu, sont des organisations des Etats forts. Si l’Organisation des Nations-Unies a eu le courage, depuis sa création, de copter 05 pays qui ont le privilège d’un véto, au vu et au su du monde tout entier, la Fifa semble aussi fonctionner avec son G5, composé de pays européens et américains. Tout le monde sait que ce sont les 05 membres du Conseil de Sécurité des Nations-Unies disposant du droit de véto qui régentent le monde. Ils ont la Bombe A et ils sont les «Maîtres» du Monde. La Fifa fonctionne selon le même modèle que l’Onu, la CPI, et n’offre aucune chance aux pauvres africains.
Devant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), devant l’Onu, à la CPI ce sont toujours les pays africains qui sont traités comme des «sous-Etats». La Coupe du Monde est devenue une compétition des pays forts, contre les africains faibles, invités à y participer pour le décor. Ce n’est que récemment que l’Afrique a eu droit à 05 participants au mondial.
Ceux qui suivent la Coupe du Monde, depuis le départ, ont remarqué la protection des arbitres en faveur des grands joueurs comme Ronaldo, Messi et Neymar. Les maîtres du terrain ferment leurs yeux devant toutes les fautes commises par ces stars du ballon rond. L’objectif de la Fifa, c’est de tout faire pour que ces stars aillent loin dans la compétition, afin de doper les recettes et encourager les sponsors. Cette approche commerciale et mercantiliste de la Fifa est en train de décrédibiliser la compétition mondiale. Qu’on ne nous dise pas que l’Afrique n’a pas de talent. Ce football qui a enfanté des stars comme Georges Weah, Jules François Bocandé, Samuel Eto’o, El Hadji Diouf, Didier Drogba n’a rien à envier aux «bébés de la Fifa», chouchous des sponsors qui dictent leur loi de la Fédération internationale.
Le football draine des enjeux politiques, géopolitiques et géostratégiques. Il est politique et économique. C’est un enjeu de pouvoir. Toutes ces stars du ballon sont plus populaires, plus influentes que leurs propres dirigeants politiques, dans leurs pays respectifs. Lors de la présentation de Neymar aux supporters parisiens, au Parc des Princes, plusieurs milliers de téléspectateurs, des sponsors, des journalistes, des chaînes de télévision ont été mobilisés. Ce jour-là, on avait l’impression d’être dans une cérémonie d’investiture d’un chef d’Etat ou d’intronisation d’un Roi. Rien que la présence de Neymar sur le terrain et l’intérêt que les sponsors portent sur lui peuvent avoir un impact sur la compétition.
Ce sont des lobbyistes, des groupes d’influence, de grandes entreprises comme Coca-Cola, Mc Donald, Adidas et le brasseur belge AB Inbev, Nike etc., qui imposent leur volonté au reste du monde. Les pays africains n’ont aucune forme d’influence sur la marche de la Fifa, et la contribution de l’économie africaine, des entreprises africaines dans les recettes de la Fifa ne représentent même pas 1% de son budget.
Hier, jeudi 28 juin 2018, le Sénégal a été éliminé parce qu’il aurait plus de cartons jaunes que le Japon. C’est cette formule qui a été trouvée pour anesthésier les Africains et calmer leur colère. Mais l’on devrait demander aux délégués du match Colombie/Sénégal, pourquoi le penalty sifflé en faveur de Sadio Mané n’a pas été accordé, après que l’arbitre l’ait sifflé avant de se rétracter, lorsqu’il a regardé la vidéo logée dans un couloir du terrain, où se cachent les véritables décideurs des matchs en cours. Les vidéos dans les stades et les micros sans fil portés par les arbitres sont des armes fatales contre les équipes. Dans la mesure les arbitres ne sont plus maitres du terrain, ils sont sous influence d’autres personnes cachées dans les régies.
Avec ces nouveaux outils introduits dans le football, le nombre d’arbitres dépasse les 03 visibles sur le terrain et leurs assistants. Une véritable pagaille ! Ce penalty refusé aux Sénégalais allait changer la physionomie du match. Au cours de la cette même rencontre, un joueur colombien a touché la balle de la main, dans sa surface de réparation, mais l’arbitre était devenu subitement aveugle. Les deux cartons jaunes qui ont écarté le Sénégal de la compétition ont été distribués hier seulement. D’autres équipes ont subi cette même injustice, notamment le Maroc face au Portugal.
Le football est un art, s’il est pratiqué selon ses règles, sans partialité de la part de l’arbitre, mais aussi en dehors de toute pression politique ou économique. Malheureusement, ce sont les sponsors qui dirigent le football mondial et les Africains, qui vivent dans les pays les moins avancés, ne pourront jamais aller au-delà de leur terminus préétabli. Un match de football se perd ou se gagne sur un petit détail. Et les arbitres, bien préparés pour cela, s’arrangent toujours pour trouver le détail fatal pour chasser un à un les Africains de la compétition.
Il n’y a aucune surprise. Et il n’y en aura pas. Les Africains ne seront jamais respectés, ni par la Fifa, ni au Conseil des Sécurité des Nations-Unis, ni par une autre organisation internationale. Même à l’occasion des sommets du G20 ou du G7, les Africains y participent en tant que simples invités. Or, la Fifa n’est rien d’autre que l’organe qui gère le volet sportif de la Communauté internationale. Les Africains subissent cette injustice depuis toujours. Sur le plan judiciaire, c’est la CPI qui a été inventée, financée par la Communauté internationale pour juger les dirigeants africains qui n’ont pas fait pire que Georges Bush, Nicolas Sarkozy ou Tony Blair, avec leur cortège de morts en Libye, en Irak, en Syrie…
Aujourd’hui, les chefs d’Etats africains sont interpelés face à cette situation. Ils avaient pris leur courage à deux mains pour dénoncer le fonctionnement de la CPI, dressée contre les Africains. Ils doivent saisir la Fifa pour attirer son attention sur les sabotages orchestrés, à l’occasion des Coupes du monde, contre les équipes africaines. S’il faut boycotter la compétition pendant quelques années, cela vaudrait le coup, car l’injustice n’a que trop duré.
Certes, il y a l’économie du sport. Mais, si la compétition est organisée selon les exigences des sponsors, le football devient autre chose que du sport. Car, jamais les Africains ne pourront influencer positivement le budget de la Fifa. Il faut regarder la situation économique des pays qualifiés en Coupe du monde, cette année. Le Sénégal tente difficilement de sortir des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE), l’économie nigériane n’est pas encore stable, surtout avec l’instabilité qui règne au Nord du pays, née des agissements de Boko Haram ; la Tunisie, depuis le Printemps Arabe, se cherche sur le plan politique ; l’Egypte connaît les mêmes difficultés, même si le Maroc garde le cap dans une Afrique du Nord fortement touchée par les flux migratoires, le terrorisme et la crise politique en Libye. Aucun de ces pays ne dispose d’une société nationale financièrement apte à concurrencer les grandes entreprises comme Mc Donald.
La Fifa est donc devenue une CPI bis, qui fonctionne selon la santé financière des sponsors. Il faut la refonder, car les Africains n’ont pas leur place dans son mode de fonctionnement. C’est une organisation souvent secouée par des cas de corruption et de complot. En plus, le football n’est plus un simple sport, comme avant, c’est devenu un enjeu de pouvoir et de puissance financière, dirigé par des gens sous le contrôle des grandes entreprises et des lobbies.
Sur la période 2011-2014, les revenus (officiels) de l’organisation se sont ainsi élevés 2.700 milliards de FCFA, soit le PIB annuel du Liberia et du Burundi réunis. Alors, est-ce que la Fifa va accepter de se détourner de cette manne financière en laissant le Libéria ou le Burundi accéder à un certain niveau de la compétition ? C’est parce que ces pays n’apportent rien à la Fédération. Le football n’est plus du sport tout court, c’est du business. Alors, les sportifs africains et leurs dirigeants souvent très naïfs, peuvent voir ailleurs.
Pour rappel, la Coupe du monde 2014 organisée au Brésil a assuré 2.500 milliards de FCFA de recettes. Concernant les droits TV, lors de cette mondiale, les médias désirant diffuser le Mondial brésilien ont ainsi déboursé 1.500 milliards de FCFA. Quelle est la télévision africaine capable de concurrencer les télévisions européennes ou américaines pour l’achat des droits de retransmission ? Les sponsors ont mis près de 550 milliards de FCFA, lors du Mondial 2014 au Brésil. Quelle est la société africaine financièrement solide pour investir dans le sponsoring du mondial ? Voilà pourquoi les Africains ne comptent pas dans cette compétition. Et ils seront toujours déçus en croyant que la Coupe du Monde est une rencontre sportive. Que non ! C’est un sommet économique, à l’image de Davos…
Mamadou Mouth BANE
Journaliste Directeur de publication de
DAKARTIMES