Les Rohingya sont un peuple indo-aryen, comme l’atteste leur langue. Leur présence en Arakan, sud-ouest de la Birmanie remonte au XV ème siècle, selon plusieurs sources concordantes. Il y a eu, au cours des âges, des brassages socioculturels avec les Arabes, les Mongols, les Turcs et les Bengalis. Ils ont toujours été depuis le début de ce 15 ème siècle, un peuple islamisé. La Birmanie et l’actuel Bengladesh, voire une bonne partie de l’Inde et du Pakistan ne faisaient, à l’époque, qu’un seul Etat. En 1824, lors de la première guerre entre l’Empire britannique et la Birmanie, les Rohingya furent ménagés par les Britanniques qui les considéraient, comme une minorité à part, incapable de les inquiéter. Mais le reste des Birmans soupçonnaient déjà une certaine collaboration entre les Rohingya et les colons britanniques. Depuis l’indépendance, intervenue en 1948, leur Etat d’Arakan fut rattaché à la Birmanie et les Rohingya furent constamment soumis à la marginalisation et à la persécution quasi permanente, pour leur différence relative de couleur de la peau, de langue, mais surtout de religion avec la majorité bouddhiste de la Birmanie. Les Birmans prétendent que les Rohingya ne sont venus dans le pays qu’avec l’avènement de la colonisation britannique.
Des opérations d’épuration ethnique sont entreprises depuis plusieurs années à l’encontre de la communauté Rohingya en Birmanie, avec la complicité active des Autorités politiques et des moines bouddhistes. Ces opérations de génocide conduites par l’armée birmane, téléguidées par des moines bouddhistes, à travers les milices xénophobes « 969 » se passent sous le regard coupable de la communauté internationale et la bénédiction du gouvernement, dirigé par Mme Aung San Suu Kyi, Conseillère spéciale de l’État et porte-parole de la Présidence de la République de l’Union de Birmanie (faisant office de Premier Ministre), lauréate du Prix Andreï Sakharov de l’Union européenne (en 1990) et du Prix Nobel de (la Paix) en 1991 !
Des actes de barbaries ignobles sont ainsi perpétrés quotidiennement, par l’armée et les milices xénophobes bouddhistes, contre la minorité musulmane des Rohingya, via des assassinats massifs, l’interdiction d’entrer à l’école pour les enfants des Rohingya, l’obligation faite aux femmes mariées de ne pouvoir avoir que deux enfants, des déportations, des expropriations, des arrestations arbitraires, des travaux forcés, de l’esclavage le plus abject et le plus dégradant, des vols et des viols, etc.
En vérité, ces pratiques inhumaines, sont les conséquences directes de la loi de 1982 sur la nationalité, par laquelle, la junte militaire en place, avait ôté- à la face du monde- la citoyenneté birmane à la communauté Rohingya ! Depuis lors, les xénophobes bouddhistes ont légitimé et légalisé le caractère apatride des Rohingya et par conséquent, le sort, peu enviable, qui leur est réservé dans leur propre pays… Il est étonnant, au vu de ce drame humanitaire, de constater avec désolation, que la communauté internationale n’a opposé à ces exactions d’un autre siècle, que la passivité qui frise la méprise et le silence coupable. C’est que la communauté internationale a eu le double tort de laisser pourrir une situation en constante dégradation depuis 1978, première tentative d’intimidation et d’extermination de la communauté Rohingya, considérée par l’Organisation des Nations Unies, comme « la communauté la plus persécutée dans le monde » et ce, par le biais d’un rapport de 2016. Il faut noter également, avec indignation, le manque de réactivité de la Cour pénale internationale et surtout du Conseil de Sécurité des Nations unies, suite aux rapports bien documentés de Human Right Watch, qualifiant de crimes contre l’humanité, les exactions multiples, commises par l’armée et les moines bouddhistes xénophobes, à l’encontre de la communauté Rohingya.
C’est également le lieu de souligner, avec amertume, la passivité incompréhensible del’Organisation de la Coopération islamique et ses démembrements, dont le Comité Permanent chargé des Affaires culturelles et de l’Information(le COMIAC), présidé par le Sénégal, face au nettoyage ethnique barbare, déclenché depuis 1978 en Birmanie, contre la minorité musulmane des Rohingya.
Il est temps que l’Onu et le Conseil de Sécurité décident de voter, le plus tôt possible, une résolution pour imposer un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel dans la zone d’Arakan et d’y envoyer, dans les meilleurs délais, des forces de maintien de la paix.
A cet égard, notre pays, le Sénégal, membre non permanent du Conseil de Sécurité, est invité à prendre les dispositions nécessaires pour initier ou Co-initier une telle résolution. De même, la Communauté internationale doit peser de tout son poids, pour l’ouverture immédiate de couloirs humanitaires dans l’Etat de l’Arakan, afin de permettre l’acheminement rapide des secours d’urgence, destinés aux populations Rohingya en détresse.
Par ailleurs, la Cour Pénale internationale, dont notre compatriote, le Ministre des Affaires étrangères, M. Sidiki Kaba est le président de l’Assemblée générale des Etats partie et notre sœur de la Gambie voisine, Mme Fatou Bensouda, Procureure générale, est aussi appelée à mettre sa machine en mouvement, pour initier des enquêtes préliminaires en Birmanie, afin de traduire les criminels de l’armée, des moines bouddhistes et leurs complices dans l’Administration centrale, impliqués dans le génocide des Rohingya, devant la justice internationale.
Dans cette perspective, l’Oci et ses démembrements notamment le Comiac, devront entamer, sans délai, une vaste campagne d’information, sur le nettoyage ethnique, en cours en Birmanie et à dépêcher un envoyé spécial sur le terrain des opérations.
En attendant, tous les croyants et les musulmans en particulier, sont invités à formuler des prières au profit de nos sœurs et frères persécutés en Birmanie !
Mamadou Bamba Ndiaye,
Ancien Ministre
Chargé de la Communication,
Porte-parole de la Présidence de la République,
Chargé des Affaires religieuses.