C’est un vrai carnage financier, à coups de milliards, qui a été opéré par Cheikh Amar sur les comptes de la Caisse des dépôts et consignations (Cdc). Au point que l’institution et la Cour des comptes lui réclament une somme de plus de 22 milliards de F Cfa. Somme que l’homme d’affaires a pompée dans les caisses de la CDC par des méthodes ubuesques, qui ont indigné les magistrats de la Cour.
Tout commence en 2009, Cheikh Amar, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes, propose un terrain de 5 ha 68 a 50 ca (56 850 m2) à 9 096 000 000 F Cfa à CDC. Le terrain sis aux Mamelles, là où le même Amar construit des villas moyen standing qu’il revend à d’honnêtes sénégalais. « Cette acquisition est financée par un emprunt bancaire de 5 milliards F Cfa nanti sur un dépôt à terme d’égal montant payable 50% au comptant, soit 4 548 000 000 F Cfa et le reliquat en 4 traites semestrielles », mentionne le rapport.
Grand gagnant de l’opération, Cheikh Amar empoche 9 milliards et se voit proposer par la CDC une joint-venture pour construire des biens immobiliers. Le projet des Mamelles consiste à construire sur ce site des logements, appartements et bureaux de grand standing avec la Société d’Etude, de Réalisation et de Construction (Serc) qui n’avait même pas encore vu le jour. Le rapport de la Cour des comptes dénonce une absence totale d’autorisation du ministre des Finances de l’époque, Abdoulaye Diop, qui a refusé d’approuver la vente. « L’achat du terrain des Mamelles par la CDC n’a pas été prévu dans le budget approuvé le 24 mars 2009 par le ministre de l’Economie et des Finances et arrêté à la somme de 4 230 478 103 FCFA. Il n’est pas non plus retracé par l’arrêté n°1088 du 09 février 2010 portant réajustement du budget de 2009 ainsi que les trois décisions de réaménagement budgétaire de la période », dit le rapport.
Cette vente créera un autre problème à la Caisse des dépôts : un redressement fiscal pour avoir fait passer la vente par une simple déclaration.
L’acte de vente a été enregistré aux droits simples de 2000 FCFA occasionnant ainsi un redressement fiscal de 1 748 597 031 FCFA, recouvré par l’avis à tiers détenteur n° 299 du 22 mai 2013, lancé par le Trésor Public. Ainsi, l’homme d’affaires Cheikh Amar fera perdre directement la somme de 1, 7 milliard à la CDC, qui a caché cette opération aux Impôts.
Alors qu’on pensait que la CDC a tiré les leçons de cette mésaventure, un autre directeur général, Thierno Seydou Niane, celui-là même qui a été remplacé par Aliou Sall, redonne le terrain acheté à 9 milliards, à Cheikh Amar à travers sa société dénommée SERC qui a été créée le 18 décembre 2013, pour se voir rétrocéder le terrain de 5 hectares le 31 décembre 2013, soit seulement 13 jours plus tard.
En outre, la Cour des comptes indique clairement dans son rapport que la création de la SERC s’est faite uniquement dans « l’optique de la cession du terrain en question ». Pire, dans la même journée, non content de rendre le terrain à Cheikh Amar, la CDC lui verse la somme de 5 milliards pour s’associer à… Cheikh Amar dans le but de construire des immeubles, qui d’ailleurs n’ont jamais vu le jour.
Quelques mois plus tard, alors que Cheikh Amar n’avait posé une seule pierre dans le cadre de ce projet, la CDC lui avance encore 3 milliards. Soit 8 milliards en quelques semaines et depuis plus personne ne parle du projet. Cheikh Amar devait payer 14, 4 milliards à la CDC pour la reprise du terrain, il n’a versé que moins de 2 milliards. Et les chantiers ? Et les immeubles ?
Rien n’a été fait. Le site abrite déjà des maisons appartenant à d’honnêtes sénégalais, mais ces derniers se sont retrouvés dans une cité sans assainissement et n’ont pas encore vu les papiers de leurs maisons. La société Serc qui devait construire les immeubles de la CDC n’a jamais dépassé le bureau du notaire et est restée une société-tiroir, juste pour lever l’argent de la Caisse des dépôts et consignations. « Dans cette transaction, il apparaît, de toute évidence, que SERC n’a rien déboursé et reste débitrice envers la CDC de plus de 21 milliards FCFA au 31 décembre 2014 en raison des facilités consenties au titre de la convention de compte courant », indique le rapport.
Mais le pillage de Cheikh Amar opéré sur les comptes de la CDC ne se limite pas à des montages de projets douteux. Il y a aussi des rachats de crédits. En 2013, toujours avec Thierno Seydou Niane, la CDC rachète un crédit de 2, 7 milliards à TSE, une autre société de Cheikh Amar. Un crédit qui a été racheté sans aucune base légale et qui est resté impayé de la part du débiteur.
Avec cette dette rachetée, Cheikh Amar doit à ce jour une somme de plus de 22 milliards à la CDC et l’ancien directeur général l’a toujours couvert et n’a jamais réclamé ses créances malgré les recommandations de la Cour des comptes.
P.S : Précision
Après nos révélations sur l’affaire des rétro-commissions, il nous est revenu que Cheikh Amar a saisi le Parquet spécial de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) d’une correspondance, histoire d’essayer de se laver à grande eau. Dans sa lettre-réponse en date du 19 octobre 2017, la cour souligne que « les procédures en instance (et pas « sous le coude » ?) à la CREI sont en phase de clôture et ne le concernent ni directement, ni indirectement ».
Point n’est besoin de chercher à divertir les lecteurs de Dakaractu par des procédés dignes d’une fiction hollywoodienne. On n’est pas au cinéma ! C’est du sérieux, l’argent du contribuable sénégalais ! En l’espèce, il est attendu du patron de Tse qu’il se prononce sur la véracité ou non des preuves publiées à son encontre.
Nous espérons qu’en toute logique, Cheikh Amar va saisir la Caisse des dépôts et consignations (CDC) d’une autre missive pour avoir le cœur net sur les nouvelles révélations susmentionnées. Cette-fois, il s’agit de 22 milliards de F Cfa : soit, à peu près, le double des 12 milliards précédemment révélés…
Source – Dakaractu