L’Afrique dit souvent son histoire par le son. Son du khalam évocateur ou du tam-tam mystique, l’écho en est toujours riche en témoignage de gloire et de sagesse. Boucounta Ndiaye fait partie des grands maîtres de cet instrument qui a meublé les soirées mémorables des « bours » et des « teignes » qui ont imprimé leurs noms glorieux sur les écorces des baobabs millénaires comme une écriture en incuse d’Oracle. Quand il égrène les notes mélodieuses et nostalgiques de cet instrument, le son coule comme une ondée arrosant de bonheur nos cœurs voltigeurs. Boucounta ne fait, pas que jouer des airs envoûtants comme le « Diangake », le « Saraba », le « Niani » ou le tara du Foutanké Oumar el Foutyou Taal. Il les accompagne de sa belle voix douce et violente comme la vie, capable de juguler les avatars de l’émotion et d’articuler les raisons du cœur avec celles de l’esprit.
Ce que beaucoup ne savent pas, Boucounta, à ses débuts, était un maître tailleur qui savait manier avec élégance et dextérité, les paires de ciseaux. Ce n’est que plus tard, qu’il a abandonné ce métier d’artiste pour se marier définitivement avec le khalam comme par enchantement. Là aussi, il est passé maître et possède un doigté exceptionnel d’où coulent des chevauchées rythmiques douces comme du miel fraîchement récolté. Son instrument le fait voyager dans les profondeurs abyssales du Cayor, du Djolof, du Saloum et du Baol pour ressusciter le passé historique de nos héros morts dans l’honneur et la dignité. Avec sa courtoisie proverbiale et son visage accueillant, il se positionne dans sa société d’appartenance, comme le symbole vivant d’une culture ancestrale qui résiste malgré tout, aux agressions féroces des cultures venues d’ailleurs. Dans ce Sénégal en marche vers les terres promises de l’émergence, Boucounta Ndiaye vivra toujours de sa voix et de son khalam qui nous rappellent les valeurs intrinsèques de chers devanciers.
Majib Sène