L’engouement autour des rixes de gladiateurs sur le terrain politique et sur les réseaux sociaux qui mettent en scène les candidats à la députation malheureusement les plus en vue, transis de colère et de haine, laisse penser à une profonde déréliction des mœurs politiques.
Des individus dans l’action même de réduire la conversation politique au niveau le plus bas jamais atteint dans ce pays, se mettant en scène dans la bêtise la plus parodique, la plus sordide et la plus effarante.
Amer constat : le ver est dans le fruit et nos hommes providentiels, remparts de notre quiétude sont de vulgaires imposteurs, virtuoses de l’apparence et de l’apparat qui absorbent les discours d’autrui.
La forme devient le fond et masque un vide profond. Ils sont le prototype de l’adaptation et de l’habileté sociale, le sujet idéal des façonneurs de comportements.
Le spectacle de la turpitude ayant de tout temps fasciné les hommes, sans doute cette fascination est-elle décuplée par l’importance des enjeux.
En l’occurrence, un pouvoir de facto convoité par des créatures politiques les plus infâmes qui soient. Avec un tel pitch, qui n’a pas envie de regarder ce cauchemar advenir en direct?
Le spectacle du pire a-t-il une fonction cathartique?
Aujourd’hui, avec les différentes crises que nous traversons, et qui ne sont pas seulement financières, économiques, politiques, sociales, mais aussi institutionnelles, éthiques et morales, il convient de fissurer cette représentation du monde qui nous conduit dans un monde de carton-pâte et d’imposture.
Et c’est même à se demander si nos impostures ne sont pas nos véritables triomphes?
Les fausses valeurs, les consensus mous et la tiédeur généralisée, la fausse dévotion, les fausses indignations, les solidarités maquillées, la versatilité des postures, le clinquant des corps sociaux ne sont supportables que passés par les armes d’une dérision salvatrice.
Derrière la grande farce du vide, se déploie la face hideuse de nos canulars, escroqueries, mystifications et autres impostures tellement humaines et qui servent d’abord à nous mettre devant nos vanités.
O Wilde, dans son éloge du faux, nous montre à quel point nos faits d’armes ne sont jamais bien loin de l’illusionnisme.
Dilemme cornélien ou monde à déconstruire?
Mais peut-être, aussi, y a-t-il un effet cathartique à s’offrir le spectacle du pire.
Une saga cauchemardesque qui me fait penser à la production d’une série qui raconte notre descente aux enfers de la politique.
Des protagonistes adeptes de pratiques de caniveau et qui rêvent de se maintenir à vie sur le haut de pavé décisionnel en usant sans scrupule de méthodes répréhensibles, tortueuses voire criminelles.
A l’heure où le pouvoir politique ne semble d’aucun recours face à la complexité systémique des crises économiques, des menaces sécuritaires ou des dérèglements climatiques, imaginer ce pouvoir détenu par des personnages monstrueux, sans limites et sans sur-moi, comme tous ceux-là issus de l’ancien système prédateur et mortifère peut-être quelque chose de paradoxalement rassurant.
Dans les plus hautes fonctions institutionnelles, l’usage de méthodes ou de pensées non-conventionnelles peut-il être efficace?
De tels fantasmes reviennent à souhaiter un monde meilleur à n’importe quel prix, fut-il celui de l’abject, de la bêtise ou de l’autoritarisme.
Ils sont la manifestation d’un profond désespoir collectif.
A ce stade, il ne reste donc qu’à espérer que ces fantasmes ne trouvent jamais à se réaliser dans un véritable processus électoral.
Réinventer l’éthique au cœur de l’action
politique et sociale
Serait-il trop tard pour faire advenir l’éthique et l’intelligence émotionnelle dans la pratique politique ? Notre pays se situe à un moment de bifurcation historique où les polarisations créatives doivent l’emporter sur celles négatives. Ce moment crucial où se posent et se reposent les questions, où se bousculent les évidences et où se construisent des «désaccords féconds », pour reprendre l’expression du philosophe Patrick Viveret.
Ne nous décourageons pas face à la double menace de la récupération marketing partisane et communautaire ; ne nous laissons pas dépouiller si facilement de cette pratique, qui pourrait se révéler plus que salutaire pour notre démocratie et surtout, ne cédons pas à la tentation de la jeter aux orties pour le grand plaisir des fossoyeurs de cohésion.
Aux sénégalais de remettre les pendules à l’heure et d’exiger à la classe politique pour mériter sa confiance à être responsable, à demeurer constante, c’est-à-dire à demeurer soi-même, à rester fidèle à ses propres convictions et visions, aux réalités sociales et politiques en dépit des sollicitations, contraintes scintillantes et multiples.
La constance en politique doit présupposer la lucidité, pour ne point persévérer dans le mal. Ne peut demeurer constant que celui qui est dans le vrai. C’est là où commence l’éthique.
L’éthique n’est pas un concept abstrait, elle se construit dans la discussion et dans l’échange des points de vue.
Nous sommes convaincus que l’éthique est – et ne peut être – qu’un milieu, une attitude, un savoir-être ensemble. Et si, pour reprendre son origine étymologique, elle est porteuse d’un ethos (en grec : « les mœurs »), il ne peut s’agir que d’un ethos démocratique : celui qui permet, au-delà des désaccords, de reconnaître en l’autre non pas un ennemi mortel ou un barbare, mais un adversaire « intelligent, honnête et respectable ».
En ce sens, l’éthique joue un rôle proprement démocratique lorsqu’elle contribue à ébranler les certitudes ; lorsqu’elle sert à les fortifier, elle n’est à l’inverse qu’un prétexte pour « faire la morale ». En cela, elle est aussi un lien commun et une valeur en constante construction pour un monde plus juste et plus humain.
K.G 16 novembre 2024
P.S : Producteur wanted pour ce délire politique…