Dakarmidi – C’est l’un des postes de pouvoir les plus importants sur le continent africain. Le 12 mars 2021 sera élu le prochain président de la Confédération africaine de football (CAF). Suite à la suspension par la Fifa du président sortant, Ahmad Ahmad, quatre candidats sont en lice. Augustin Senghor est l’un d’entre eux. Avocat au barreau de Dakar, il préside depuis plus de 10 ans la Fédération sénégalaise de football. En ligne de l’île de Gorée, la commune dont il est le maire, le petit-neveu du président Léopold Senghor répond aux questions de RFI.
RFI : Vous êtes candidat à la succession du président Ahmad Ahmad. Qu’est-ce que vous pourrez apporter de neuf à la confédération africaine ?
Augustin Senghor : Je pense que la CAF souffre aujourd’hui de problèmes de gouvernance qui sont quand même structurels. Donc, il faut réformer beaucoup de choses, notamment nos textes, en commençant par les statuts jusqu’aux règlements de toutes les compétitions, mettre en place des manuels de procédures clairs en matière de finances, ça, c’est un aspect de gouvernance qui sera fondamental. D’un autre côté aussi, je pense qu’il faut donner plus de crédibilité et plus de créativité au football africain. Nous avons un potentiel énorme. Aujourd’hui s’il y a un continent dans le domaine du football qui est un continent d’avenir, c’est l’Afrique. Et aujourd’hui, nous avons aussi un vivier énorme de jeunes talents qui sont là, qui n’ont besoin que d’infrastructures, qui n’ont besoin que d’encadrements pour aller de l’avant, pour hisser le football africain au niveau qui doit être le sien, c’est-à-dire pour moi, la deuxième ou la troisième place sur l’échiquier mondial du football.
Il y a 4 ans, Ahmad Ahmad a fait campagne contre la mauvaise gouvernance. Mais une fois élu, il a échoué. Si vous êtes élu, que pourrez-vous faire de mieux que lui ?
Ahmad Ahmad n’a jamais été quelqu’un qui prenait seul ses décisions. Il les partageait. En partant de là, je pense que c’est tout un système qui doit être remis en cause. Et c’est pour cela que je parle d’une refonte globale des textes pour qu’il y ait bonne gouvernance. Ahmad à lui seul n’aurait jamais pu changer quoi que ce soit et c’est une équipe qui peut changer la donne.
En tant que membre du comité exécutif et en tant que proche du président sortant Ahmad Ahmad, est-ce que vous n’incarnez pas le pouvoir sortant ? Est-ce que vous ne risquez pas de perdre des voix ?
Moi, je suis de nature loyale. Si je travaille avec le président Ahmad… En deux ans, il m’a donné des responsabilités. Ça, c’est vrai et c’est une fierté pour moi, mais c’est parce qu’il savait que j’ai les compétences pour cela. Il m’a confié la commission juridique qui est une commission importante. Et il m’a aussi, il y a un an, choisi comme vice-président de la commission d’organisation de la CAN. Et ce n’est pas en allant chercher un homme miracle ailleurs qu’on réglera les problèmes. L’expérience, le vécu vont compter pour pouvoir sauver la baraque et je suis prêt à aller jusqu’au bout de mes convictions parce que c’est comme ça que nous pourrons diriger une CAF forte, respectée, unie, plus performante et plus créative.
Est-ce que le Sud-Africain Patrice Motsepe n’a pas intérêt à faire campagne contre vous en disant : moi, je n’étais pas dans l’ancienne équipe, je suis un homme neuf ?
Libre à lui de le faire ! Monsieur Motsepe, je n’ai pas à le juger, je ne le connais pas trop bien. Je sais juste comme tout le monde qu’il est président du club des Mamelodi Sundowns. Au-delà de cela, je ne le connais pas bien. Il ne s’agit pas de dire « Non, non, non, il faut un homme neuf ». C’est quoi un homme neuf ? Nous avons besoin d’un homme compétent. Nous avons besoin d’un homme qui a une vision. Et si un homme neuf, c’est un homme inconnu, allons vers l’inconnu et l’on verra le résultat et l’on ne sera pas surpris demain d’avoir d’autres problèmes !
Est-ce que le candidat ivoirien Jacques Anouma n’est pas un candidat qui a encore plus d’expérience que vous ?
Jacques, avec lui, c’est toute une histoire…
Oui, vous avez soutenu Jacques Anouma contre Issa Hayatou…
Exactement. Mais surtout, nous avons eu à intervenir à des niveaux différents, parce que lui effectivement, pendant des années, il a fait d’excellentes choses au niveau de sa fédération, il a une expérience à la Fifa, à la CAF aussi. Plus tard, à partir de 2016, il a quitté les affaires. Pendant ces 5 ans-là, j’ai pu faire le tour de toutes les questions. Je vous ai dit les derniers postes que j’ai occupés. Donc, je ne pense pas qu’à ce niveau-là, il y ait un candidat qui puisse me damer le pion en termes d’expérience, en termes de compétence. Je suis celui qui connait le mieux la maison, qui sait quels sont les problèmes, qui aujourd’hui peut trouver des solutions adéquates.
Et avec l’Ivoirien Jacques Anouma et le Mauritanien Ahmed Yahya, vous êtes trois candidats d’Afrique de l’Ouest. Est-ce qu’il n’y en a pas deux de trop ?
Deux de trop, je ne sais pas. Notre zone qui est l’Afrique de l’Ouest, on la connait pour sa vitalité au niveau sportif. Les meilleures performances, souvent, que ça soit en équipes seniors ou dans les autres catégories, et même en football féminin, viennent de notre sous-région. Et de ce côté-là aussi, il y a un manque, c’est qu’en plus de 60 ans d’existence de la CAF, aucun Ouest-Africain n’a jamais présidé aux destinées de cette instance, et je pense qu’il est temps. Il nous appartient de nous parler. Nous avons le temps de nous parler d’ici au 12 mars pour voir les meilleures options à faire, les alliances à mener pour pouvoir élire le meilleur président de la CAF qui soit.
Donc, on peut imaginer un accord entre vous trois pour que deux des trois se retirent au profit du troisième, pour qu’il y ait un ticket en quelque sorte ?
Je n’écarte rien. Ces derniers jours, j’ai même parlé d’une démarche panafricaniste en ce qui concerne ma campagne. Si nous arrivons à trouver un accord, c’est tant mieux. Sinon, nous irons aux élections. Et même pendant les élections, des accords sont toujours possibles avec la possibilité de mettre en place une équipe cohérente pour le devenir de notre instance continentale.