Dakarmidi – Né en 1922 à Louga, Serigne Saam Mbaye est fils de Sokhna Fatou Thiam et de Cheikh Ahmadou Kabir MBAYE, le soufi du Ndiambour. Ce dernier descendant de Seydina Abu Bakr écrit dans un poème: « le savoir et la haute fonction sont des attributs de leur descendance ». Cela peut se justifier du fait que le père de Serigne Saam ordonna en 1939 à son disciple et homonyme Serigne Ahmadou Sakhir Lo d’aller à Koki pour y fonder une école coranique et enseigner le Coran et les sciences religieuses pour la seule FACE de DIEU.
En 1941, Serigne Saam avait foulé la terre de Koki pour y continuer ses études coraniques. Le destin a fait que si Mame Cheikh Mbaye est celui qui a ordonné la fondation du Daara de Koki, son fils Serigne Saam est le premier à y mémoriser la totalité du livre sacré. Après cette étape, il commence à étudier les sciences religieuses sous la férule de son maître coranique. Il quitte Koki en 1946 sous l’ordre de son père. Il ira à saint Louis, Mauritanie, Algérie et Tunisie. De retour au bercail il passe la première partie de son baccalauréat en 1959 et la seconde partie en 1960. Il poursuivit toujours ses études jusqu’à soutenir sa thèse de doctorat (Département d’arabe, Université de Dakar) tout en alliant études, travail et activités parallèles dans le cadre de la vulgarisation des enseignements du Prophète (SAW) à travers ses conférences.
Serigne Saam est un conférencier prolifique dont sa hardiesse intellectuelle n’est plus à démontrer. Grâce à ses recherches approfondies et analyses pertinentes il défendait des arguments irréfutables illustrés par des exemples dont on ne peut remettre en cause leur fiabilité.il a disserté sur plusieurs thèmes d’actualité les uns aussi brulants que les autres. De par cette contribution, nous nous focalisons sur ses interventions alliant Islam et la science. Cela nous conduira dans un premier temps à discuter sur la science en posant un certain nombre de questions :
Qu’est-ce que la science au vu de l’Islam ? Quelle est sa fin ou en quoi consiste les découvertes scientifiques ? Quelle relation y a-t-il entre celles-ci et l’Islam ?
Serigne Saam nous enseigne que les trois religions révélées sont respectivement catégorisées en trois niveaux différents selon les étapes de l’enseignement. Le Judaïsme représente l’éducation primaire car en ce moment l’humanité était à son enfance. A ce stade, le niveau de maturité de l’humanité était mieux adapté à la religion juive.Quant au deuxième, le Christianisme, il correspond à l’éducation secondaire. Ici, l’humanité était adolescente. Néanmoins, elle n’avait pas encore atteint la maturité. C’est pourquoi Dieu a envoyé un Prophète qui pouvait enseigner et guider son peuple selon leur niveau d’entendement. En ce qui concerne la troisième religion révélée dite Islam, par le biais du Prophète appelé Mouhammad (SAW) à qui le Coran a été transmis par l’ange Gabriel, appartient à l’éducation supérieure. Maintenant que l’humanité a atteint la maturité, elle ne peut plus réfléchir ou agir en dehors de l’Islam car cette religion engendre le passé le présent et l’avenir des fils d’Adam. Ce qui veut dire que cette religion encadre les actions de l’homme, répond à ses besoins présents et futurs. Cela revient à dire qu’elle a un guide illuminé (le Coran) engendrant et transcendant toute forme de science .Elle est même la source de toutes les sciences. Autrement dit, toute science émane du Coran d’où le concept Umul Kitàb[1] (la Mère des sciences ou la Prescription mère). Le Coran nous dit «Huwal Làzi hanzala hanlaykal kitàb minhu ayàtu mukhkamàtu hunna umul kitàbu hukhrahù mutashàbihàtu » : « c’est Lui qui sur toi a fait descendre le Livre : il s’y trouve des versets renforcés qui sont la Prescription mère… » (Coran/ S. 3. V.7). De ce verset, on y voit clairement que le Coran nous a évoqué l’existence de toutes les formes de sciences (même si son objectif n’est pas exclusivement de les enseigner).
A titre historique, la première conférence officielle qu’il a tenue date de 1972 à Rufisque, Dakar-Seengal. Le thème s’articulait sur le Coran et la Science. Même si celle-ci a été perdue, nous avons noté qu’à travers d’autres causeries le Cheikh est revenu sur des sujets en relation avec la science et le Livre Sacrée. Il nous avertit en disant que le but du Coran n’est pas exclusivement d’enseigner celle-ci.
En introduisant sa thèse de doctorat, il dit que l’attitude de l’Islam envers la science est tout à fait claire. Les premiers versets révélés à l’Envoyé dans la grotte Hira, furent IQRA « apprend ». L’Ange Gabriel ne lui a pas dit « prie », ni « jeune » ni « donne l’aumône » ou accompli un autre acte d’adoration mais plutôt « apprend ». Apprendre au nom de qui ou de quoi ? bien sur Bismi Rabika, au Nom de ton Seigneur mais point au nom de la science car cela constitue deux choses antagonistes. Ce qui revient à dire qu’apprendre au Nom de Dieu est bien différent d’apprendre au nom de la Science.
Quant au premier, cela nous enseigne que tout l’homme fait dans sa vie, il doit le faire au nom de Dieu, c’est-à-dire être soumis aux prescrits de son Créateur. En un mot, il agit selon le TAWHID, la WAHDA et la WAHDANIYA. Bref, il est esclave et accepte d’agir dans son environnement en alliant science et action. D’ailleurs c’est ce que Mouhammad (SAW) a pu réaliser, c’est-à-dire la fondation d’une époque scientifique moderne qui continue d’influencer l’humanité. Il a permis à «l’homme de « comprendre les miracles rationnels »(découvertes scientifiques). Aussi a-t–il «ouvert les yeux des chercheurs des miracles supranaturels » (la métaphysique).
C’est dans ce registre que Serigne Saam s’inscrit sans doute tout en mettant en exergue son savoir dans le but de saisir les Signes d’Allah dans Sa Création» car le Coran nous dit «waka ayyin min ayaatin fis samàwàti wal ardi yamu ruuna anlay hà wa hum anhà muhriduna : « Et dans les Cieux et la Terre, que de signes, sur quoi les gens passent, indifférents » (S.12 /V.105).
De ce verset, l’on doit comprendre qu’il est de l’obligation morale pour l’homme de méditer sur la façon dont le Seigneur a créé le cosmos. C’est cette méditation (Tafakur) sur les composantes de la nature qui lui permet d’appréhender, étape par étape le mystère ou le secret de la création. C’est dans cet ordre d’idées qu’IQRA Bismi Rabbika trouve tout son sens, comme l’a toujours illustré Serigne Saam. Il disait que tout ce que l’homme voit, il doit y voir son Seigneur en décortiquant la sagesse (Hikma) qui s’y rattache comme le disait Abu Bakr As Sidikh « avant d’observer une chose, j’y vois Dieu, en l’observant aussi j’y vois la GRANDEUR du Seigneur et après l’avoir observé et ceci perpétuellement ».
Contrairement à ce que nous venons de dire, le deuxième cas consiste à apprendre au nom de la science, une science qui pourrait nous mener à la perdition car s’orientant sur le matérialisme ou la matière et souvent ayant comme but de détruire. Ce qui nous renvoie à cette affirmation de François Rabelais « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Donc cette science n’est pas utile et pourrait être à l’origine de plusieurs tragédies qu’a traversées l’humanité : les deux guerres mondiales, l’utilisation de certaines armes à destruction massive, la question du nucléaire, une probabilité d’une troisième guerre mondiale…
Selon Serigne Saam, cette science devient nuisible à l’humanité vue que celle-ci en est même victime comme susmentionné. Par obligation morale, l’homme doit s’en détourner et rechercher la science jugée plus utile et avantageuse à ses semblables. C’est pourquoi le Prophéte disait « utbul hilmi walaw bi Chii’n » : « Soyez à la recherche du savoir jusqu’à aller en chine ». Serigne Mame Cheikh Ibn Serigne Saam nous a bien clarifié ce hadith à travers ses interventions. Un jour, il nous dit que lorsque l’Envoyé tenait ces propos, il était en Médine ou à la Mecque pour enseigner la science dite religieuse (tawhid, fiqh et Tasawuf). Donc il ne poussait pas à ses compagnons pour aller apprendre la science religieuse mais attirer leur attention sur l’existence d’autres sciences utiles émanant du Coran. C’est dans cette optique que Serigne Saam dit le musulman doit savoir tirer profit de toute science, il doit s’ouvrir à toutes les portes de savoir, naturelles ou métaphysiques.
De cet acabit, il nous enseigne que certains phénomènes naturels (l’orage, l’érosion côtière, la déforestation et certaines découvertes scientifiques…), même s’ils semblent négatifs ou désavantageux, comportent bien des avantages pour les fils d’Adam. Mais cette sagesse (Hikma) n’est malheureusement pas décryptée par le commun des mortels.
Dans ce sillage, il met en exergue le tonnerre. Rappelons que dans le Coran, on y trouve un chapitre consacré au tonnerre (la Sourate 13 Ar Ràd). Au cours d’une conférence, il nous fait comprendre que même si le tonnerre crée des ravages en détruisant des bâtiments, brulant des forets et créant des dégâts matériels qui pourraient couter des centaines de milliards, et parfois inestimables, il faut aussi savoir qu’il constitue un mal nécessaire car ses avantages sont forts nombreux.
Selon Serigne Saam, la tombée du tonnerre suit un long processus par lequel il se mélange avec certains éléments de la couche atmosphérique et transforme certaines composantes. Il nous dit que l’atmosphère est composée de 80% d’azote (A). Ce qui veut dire que tous les autres éléments ne représentent que les 20%.
Maintenant que les scientifiques sont fort conscients de l’importance du tonnerre et de ses dégâts. Il serait important de maintenir ses avantages mais surtout de s’atteler aux explorations qui pourront aboutir à des inventions pouvant contrer la foudre. C’est dans ce sens que le PARATONNERRE[2] fut créé par Benjamin Franklin[3] en 1752. Ceci constitue la première étape.
C’est plus tard en 1920 qu’on assiste à la seconde étape. Serigne Saam nous explique les tenants et les aboutissants de cette phase. Il nous dit qu’un jour la foudre s’était abattue sur un arbre qui se trouvait à quelques 30 mètres d’une maison où vivait un scientifique. Ceci avait causé d’énormes dégâts et pertes matérielles car le tonnerre avait fait disparaitre toutes les branches de l’arbre. De la même manière, il entra par la fenêtre et fait éruption dans la chambre à coucher en brisant le miroir et causant autant de dégâts.
Par la suite, le scientifique eut l’idée de collecter toutes les pièces en étudiant les moindres détails en relation avec les dégâts causés par la foudre. Ceci l’a beaucoup aidé à maintenir les acquis de la première étape tout en poursuivant ses recherches qui ont conduit à d’autres inventions permettant de renforcer les premiers travaux liés à la foudre.
En dehors du tonnerre, Serigne Saam a aussi évoqué d’autres phénomènes naturels tels que la rotation solaire, lunaire et la position des étoiles (on aura à développer ces parties prochainement). De la même manière, il a mentionné des découvertes scientifiques que le Coran avait enseignées depuis belles lurettes. Aussi nous a-t-il parlé des scientifiques qui sont convertis en Islam après d’énormes preuves à travers leurs expériences personnelles. Parmi eux, on peut citer Neil Armstrong, le premier à marcher sur la lune, Maurice Bucaille. Ce dernier écrit un livre ; la Science, la Bible et le Coran que Serigne Saam avait l’habitude de citer ce livre en nous montrant comment certaines découvertes scientifiques sont plus en phase avec le Coran qu’avec la Bible.
A suivre avec Yerimpost
Mamadou GAYE SAAM, Professeur d’Anglais/ Lycée de Diamniadio
Chercheur, écrivain et conférencier sur la Vie et l’œuvre de SERIGNE SAAM
La rédaction